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CHAPITRE V

(1494)

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Fièvres résultant du climat et de la fatigue des travaux de la fondation d'Isabelle. Colomb tombe malade. Plaintes des Espagnols contre lui. Crainte d'une disette. L'Amiral soumet les Indiens des environs d'Isabelle à une imposition de vivres. - II envoie Alonzo de Onjeda explorer le Cibao. Caractère d'Ojeda. Son départ. Son retour. Rapport favorable sur les lieux qu'il a visités. - Echantillons d'or trouvés dans les lits des rivières. Conspiration de Bernard Diaz et de Firmin Cedo découverte ; les complices punis: les principaux auteurs envoyés en Espagne pour y être jugés. Excursion de Colomb dans la Véga et le Cibao. Colomb bâtit une forterresse, à laquelle il donne le nom de Saint-Thomas, sur le territoire du Cacique de la Maguana. Il y laisse une garnison commandée par Pedro de Margarit. à Isabelle. - Etat de la colonie. Intrigues des ennemis de l'Amiral. Caonabo se dispose aussitôt à assiéger Saint-Thomas. Antipathie de Caonabo contre les Etrangers. Origine de ce Cacique. Comment il devint le souverain de la Maguana. Organisation d'une armée à Isabelle. Envoi de secours à SaintThomas. Alonzo de Ojeda remplace P. Margarit au commandement de Saint-Thomas. Ce dernier a mission de faire le tour de l'ile avec des forces militaires. - Il est mécontent. Il conduit sa petite armée dans la Véga où il séjourne, en violation de ses instructions. Il autorise le désordre de ses soldats et méconnaît l'autorité de Diego Colomb, frère de l'Amiral, placé à la tête de la colonie pendant l'absence de Colomb parti pour Cuba. — Margarit abandonne sa troupe indisciplinée et rentre à Isabelle. Les Espagnols se répandent par bandes dans cette plaine; exercent des déprédations et poussent les Indiens à la révolte. — Guatiguana, Cacique tributaire de Guarionex, s'insurge. — Il massacre les Espagnols et assiège une petite forteresse, Magdalena, à proximité de son village. D'autre part, incidents sur la route d'Ojeda, près du

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Priva

Rio del Oro. Attaque de Saint-Thomas par Caonabo. - Ne réussissant pas à emporter la forteresse d'assaut, il l'assiège. tions endurées par les assiégés. Beau trait d'Ojeda.

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Levée du siège. Les communications de Saint-Thomas avec Isabelle se rétablissent. Caonabo explore clandestinement les environs de cette ville. Retour de Colomb de Cuba. Etat dans lequel il retrouve sa colonie. Sa maladie. Visite de Guacanagaric. Véritables motifs de cette visite. Envoi de secours à Magdalena. Massacre des bandes de Guatiguana. Ce dernier se réfugie auprès de Guarionex pour ne pas être pris. Guarionex le couvre.

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Protection dont

Dispositions du Cacique de la Magua

envers les Espagnols. Députés envoyés vers lui par Colomb. Leur réception. Ménagements de Colomb. Secrète pensée de Guarionex. Colomb fait demander au Cacique de la Magua la main de sa fille pour Diégo Colomb, interprète de la colonie, et la concession d'un terrain pour l'édification d'une forteresse. Fondation de la Conception de la Véga. Colomb conçoit le projet de s'emparer, par stratagème, de la personne de Caonabo. tion en est confiée à Ojeda. Colomb s'intitule ou est appelé Guamiquina, Cacique des Espagnols. - Ojeda exécute sans retard sa mission. Capture de Caonabo. Il est conduit à Isabelle,

chargé de fers.

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Fermeté de ce Cacique dans le malheur. Manicatoex, son frère, tente de le venger. Nouvelle attaque de Saint-Thomas par le frère de Caonabo. Nouvel échec des Indiens. Caonabo, embarqué pour l'Espagne, périt en route.

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Si les Espagnols avaient su jusqu'à quel point le climat chaud et humide d'Haïti étaif mortel aux habitants des régions froides, peut-être qu'ils eussent modéré leur activité laborieuse. Après les fatigues d'un long séjour sur mer, ils s'étaient livrés avec trop d'ardeur aux pénibles travaux de l'établissement d'une ville. Les fièvres fondirent sur eux et en moissonnèrent un grand nombre. Colomb lui-même tomba gravement malade. Les souffrances irritent et rendent impatient. Bientôt des plaintes s'élevèrent de tous côtés contre l'étranger, le Génois qui n'avait point d'entrailles pour des Espagnols, et qui les avait conduits si loin de leur patrie, pour les immoler à son ambition et à sa folle cupidité.

On disait qu'il n'y avait ni or, ni perles, ni denrées dans ces contrées qui pouvaient bien rester ignorées et qui n'étaient habitables que pour des sauvages abandonnés de Dieu, sans foi, ni loi. Les provisions apportées d'Europe étaient presque épuisées, et les vivres du pays devenaient chaque jour plus insuffisants. C'était le pire des malheurs que cette perspective d'une disette si prochaine; et pour peu qu'une telle situation se prolongeât, la colonie d'Isabelle tombait dans la détresse et la révolte.

L'Amiral ne put y obvier que par des expédients et des diversions. Il obligea les Indiens des environs d'Isabelle à augmenter leurs cultures, et les soumit d'abord à une imposition de vivres, premier acte de cette oppression sans relâche qui dévora en moins d'un demi-siècle toute la race conquise. Puis il confia la difficile mission de pénétrer sur le territoire de Caonabo, à la recherche de l'or du Cibao, à Alonzo de Ojeda, jeune homme d'une famille noble de la Nouvelle-Castille qui l'avait accompagné à ce second voyage. Ojeda, quoique de petite taille, dit un auteur, était bien fait; il était d'une force et d'une activité étonnantes, d'un esprit élevé, d'une fierté de regard qui suppléait à son défaut de stature. Gracieux cavalier, excellent piéton, il était habile à manier toutes les armes, et s'était fait remarquer par son extraordinaire dextérité pour les tours de souplesse et d'agilité. Il partit à la tête d'un détachement d'élite. Après deux jours de marche, il gravit des mornes élevés d'où il eut le spectacle, avant d'y descendre, de la magnifique plaine de la Véga; elle était semée de villages indiens et sillonnée en tous sens de rivières et de cours d'eau courant et murmurant sur des sables dorés,

entre des rives toutes boisées et fleuries. Il poussa sa reconnaissance jusqu'au Cibao, montagne rocheuse, comme l'indique son nom, et en visita plusieurs localités. Il eut soin partout sur son passage de ne pas effrayer les sauvages, en les rassurant par de visibles. démonstrations de paix et d'amitié; et partout il fut accueilli et traité avec une bienveillance apparente, car une active propagande avait déjà rendu ces populations hostiles sans retour aux étrangers. Ojeda, cependant, passa plusieurs jours au milieu d'elles, allant de village en village, et ramassant des échantillons d'or dans les lits des rivières. Au nombre de ceux qu'il rapporta à Isabelle, où son retour était vivement attendu, il s'en trouva un pesant, dit-on, neuf onces. Les preuves brillaient, et pourtant les incrédules ne se tinrent pas pour convaincus. Colomb dut répéter en personne l'expérience. Mais au moment de partir, il découvrit une conspiration dont un Bernal Diaz, contrôleur de la flotte, et un Firmin Cedo, espèce de chimiste, étaient les chefs. Leur projet était de s'emparer de plusieurs navires dans le port et de retourner en Espagne, en y ramenant tous les mécontents qui voudraient les suivre. Ce qui attira l'attention sur eux et les trahit, ce fut leur insistance à discréditer les résultats de la mission d'Ojeda. Ils disaient ouvertement que ces échantillons ne prouvaient pas qu'il y eût des mines dans le Cibao; que cet or avait été probablement importé dans l'île, que toutes les peuplades indiennes que l'on pouvait rencontrer en avaient plus ou moins quelques parcelles à donner ou à échanger; qu'il était faux que l'on en trouvât à profusion dans le lit des rivières. Quand il y en aurait des mines, ajoutaient-ils, qui assure qu'elles sont riches et

abondantes? Et Firmin Cedo se faisait fort, en analysant quelques-uns de ces échantillons, de prouver que le métal, loin d'être pur, était de fort mauvais alliage. Ils furent bientôt dénoncés. Cette circonstance ajourna de quelques jours le départ de Colomb. Il fit arrêter Diaz, Cedo et leurs principaux complices; il punit de mort les plus compromis d'entre ces derniers. Quant aux deux chefs de la conspiration, il les expédia captifs en Espagne pour y être jugés.

Il sortit d'Isabelle à la tête de quatre cents hommes dont le tiers au moins était monté. Il était aussi accompagné de plusieurs Indiens. Il suivit la même route. qu'Ojeda; l'absence de chemins rendait sa marche des plus pénibles. Pour franchir montagnes et vallées, les cavaliers étaient obligés de mettre pied à terre, et, de concert avec les piétons, de se frayer la voie le plus souvent avec le sabre et la rapière, au travers d'un épais fourré de lianes et d'arbrisseaux. L'Amiral atteignit enfin la Véga qu'il avait admirée avec transport sur les mêmes sommets où s'était arrêté Ojeda, et traversa les villages indiens enseignes déployées et trompettes sonnantes. Cette démonstration de force, les chevaux que la plupart des Indiens voyaient pour la première fois, ce bruit qui retentissait au loin de pas, de galop, de clairon et de cliquetis d'armes, tout semait la terreur au-devant de la troupe expéditionnaire.

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Les Indiens, à son approche, couraient s'enfermer dans leurs huttes dont toutes les portes étaient barricadées par des treillages de roseaux faits à la hâte, mais solidement. C'est à peine si autour de ces demeures fermées et silencieuses, comme si elles avaient été désertées, rôdaient quelques oies criardes et des chiens

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