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INTRODUCTION

Christophe Colomb.

Découverte de l'Amérique. Haïti.

I

L'Amérique complètement inconnue, avant 1492, ne figurait point sur les cartes géographiques l'océan y comblait le vide de cette partie du monde.

Ce vide tourmentait l'esprit humain. Dès longtemps l'imagination des poètes et des légendes y avaient prédit un monde nouveau et l'avaient peuplé à leur gré. Sénèque, dans sa Médée, avait dit : « Il viendra un siècle éloigné dans les temps futurs, où l'océan desserrant les liens du monde, un immense continent surgira. Tethys découvrira des régions nouvelles et Thulé ne « sera plus à l'extrémité des terres. >>

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Platon y avait placé son Atlantide. L'ile merveilleuse de Saint-Brandan y élevait au-dessus de l'horizon lointain ses montagnes enchantées; les flots qui la baignaient roulaient, assurait-on, sur les côtes des Iles de Fer et de Gomera, des citrons, d'autres fruits, des branches d'arbre encore vertes, tombées de ses forêts.

Mais chaque fois que de hardis navigateurs partaient pour y aborder, de violentes tempêtes les en éloignaient, ou bien cette terre inhospitalière fuyait à leur approche et s'évanouissait comme le phénomène atmosphérique qui en avait produit l'illusion. Des traditions populaires parlaient encore d'une autre île où, après avoir vogué longtemps, abordèrent sept évêques partis de Portugal. C'était à l'époque de la conquête du Portugal et de l'Espagne par les Maures. Pour se soustraire à la servitude des conquérants, ils s'étaient embarqués sur cet océan inexploré, s'abandonnant à leur destin. Descendus. sur ces plages inconnues, ils brûlèrent leurs vaisseaux pour ôter tout espoir de retour à ceux qui les avaient suivis. Ils fondèrent chacun une cité dans cette île qui, depuis ce temps, s'appela l'Ile des sept cités.

Les esprits furent bientôt abusés par ces fables; mais le pressentiment de l'existence de terres nouvelles au milieu de l'Atlantique n'en subsista pas moins. Bien avant la Renaissance des sciences et des lettres en Europe, les savants arabes qui en avaient conservé les traditions, élaboraient les connaissances géographiques qui devaient plus tard conduire aux découvertes. Xerif al Edris, dans sa description de l'Atlantique, constatait que tout était inconnu au delà de cet océan qui borne les terres habitées. « Personne, disait-il, n'a tenté « de vérifier ce qu'on en rapporte, c'est-à-dire sa navi

gation difficile et périlleuse, l'obscurité qui y règne, « sa profondeur, la fréquence de ses tempêtes, et cela, «par crainte de ses monstrueux poissons et de la vio<«<lence des vents qui s'y déchaînent. Cependant, il « renferme beaucoup d'îles, les unes habitées, les

« autres désertes. Pas un marin n'ose se hasarder sur << ses flots, ou s'il en est qui le fassent, ils ne s'éloignent << pas des côtes et craignent de les perdre de vue. Les << vagues de cet océan se dressent comme de hautes « montagnes, sans se briser; car, si elles se brisaient, << il serait impossible aux navires de les labourer. »

commencement du

L'Imprimerie, découverte au xve siècle, propagea en Europe les ouvrages des Arabes. L'antiquité eut aussi une grande part à ce genre de publicité aussi puissant déjà que nouveau. La chaîne des études scientifiques et littéraires se renoua. La géographie ne fut pas des sciences celle qui reçut la moindre impulsion. Tandis que les cosmographes perfectionnaient les systèmes au fond de leurs cabinets, de hardis marins, sillonnant les mers, couraient aux découvertes. Christophe Colomb, qui allait devenir le plus savant de ces cosmographes et le plus audacieux de ces marins, se forma de bonne heure aux expéditions maritimes. Le jeune navigateur, au milieu de cette rude et militante pratique, n'avait pas cessé d'approfondir ses études théoriques. Le jour qu'il se présenta pour entrer à son tour dans la carrière des découvertes, il vint avec une expérience de la mer consommée et des idées dont la hardiesse et la nouveauté le firent passer même aux yeux des savants pour un fou ou un visionnaire. C'était cependant un homme de génie, d'un génie que ses malheurs seuls égalèrent plus tard. Il était d'une sublime piété. L'autorité d'une raison supérieure ne faisait pas la seule force de ses convictions: il s'y ajoutait l'enthousiasme d'un croyant. Et pour les faire triompher dans un temps comme le sien, il ne lui a fallu rien

moins que le don suprême de l'éloquence. Ses contemporains nous ont transmis de sa personne un portrait minutieux. Il était de haute taille, bien fait, musculeux, d'une attitude pleine de dignité. Son visage long n'était ni plein ni maigre. Son teint était clair et taché de rousseurs, son nez aquilin, et son front très élevé. Ses yeux étaient gris et prompts à s'enflammer. Toute sa contenance avait un air d'autorité. Ses cheveux dans son enfance étaient couleur de feu; à l'âge de trente ans, ils étaient presque blancs. Son tempérament était naturellement irritable, mais la magnanimité de son caractère le maîtrisait. Il était envers tous d'une gravité courtoise et paisible et ne se permettait jamais aucune intempérance de langage. Toute sa vie, il s'acquitta avec ponctualité de ses devoirs religieux, observant rigoureusement les commandements et les cérémonies de l'Église. Sa piété ne consistait pas seulement dans des démonstrations extérieures; elle participait de cet enthousiasme qui constituait le fond de son caractère.

Ce qui avait blanchi avant l'âge la tête de Colomb, ce n'était pas d'avoir perdu trop tôt une épouse adorée, de n'avoir pas toujours eu le pain dû à la vieillesse infirme de son père, et, quand il battait la poussière des grands chemins, d'avoir été réduit à frapper aux portes des couvents demandant un peu d'eau et de pain pour son pauvre fils, tout enfant, qu'il traînait sur ses pas; c'était d'avoir vu méconnaître son génie et déverser le mépris et le ridicule sur ses idées fécondes.

La fièvre de conquêtes paraissait s'être apaisée pour quelques terres de plus découvertes sur les côtes occiden

tales de l'Afrique. La vanité des navigateurs les plus intrépides se sentait presque satisfaite d'avoir pénétré jusqu'à près de dix-huit cents milles dans l'Atlantique inhospitalier et d'avoir doté le monde connu des îles nouvelles des Açores. La science géographique avait vu s'accomplir à peu près tout le progrès qu'elle ambitionnait alors, sauf pourtant la route de l'Inde par le sud du continent africain, dont les principales étapes étaient déjà ouvertes. Et elle assurait qu'il était impossible de pousser l'exploration à l'occident plus loin qu'elle n'était allée ; parce qu'au delà on rencontrait la zone torride où les eaux de la mer bouillonnaient sous une température de feu et où la terre nue et brûlée était entièrement inhabitable.

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Colomb, plus avancé que son siècle, affirmait au contraire qu'au delà se trouvaient de vastes territoires inconnus, habités par de nombreuses populations. Partant de ce principe que la terre est une sphère divisée en mers et continents et pouvant être parcourue de l'est à l'ouest, il disait qu'il était impossible que l'immense espace contenu entre les régions orientales de l'Asie et les côtes occidentales de l'Europe et de l'Afrique ne fût rempli que par l'océan. Il admettait que ces régions orientales de l'Asie se prolongeaient fort avant en face des deux autres continents. Il avait ainsi raisonné la circonférence du globe vers l'équateur étant divisée, d'après Ptolémée, en vingt-quatre heures de quinze degrés chacune, il résulte un total de trois cent soixante degrés. En comparant le globe de Ptolémée avec la carte de Marin de Tyr, il est constant que quinze heures étaient connues aux anciens, à partir du détroit de

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