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CHAPITRE XIV.

(1516-1528)

Situation formidable de l'insurrection.

cacique Henri.

convenu sur un

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d'insurgés indépendantes de Henri. Elles sont battues par les troupes coloniales. Charles-Quint, empereur, envoie à Hispaniola l'évêque don Ramirez, chargé de l'administration politique et religieuse de la colonie. Mesures qu'il prend pour remédier aux maux des Indiens. Mission de Michel de Ledesma près du Sa rencontre avec le chef indien. Rendez-vous point du littoral. Henri s'y rend. Maladroite manœuvre de Michel de Ledesma; il ne voit pas Henri qui se retire avant son arrivée. Envoi d'une mission partie d'Espagne, et de troupes commandées par Barrio-Nuevo. Son arrivée à Hispaniola. L'audience royale délibère sur le plan à suivre pour mettre fin à l'insurrection. Barrio Nuevo pénètre dans le Baoruco. Obstacles qu'il surmonte. Il atteint enfin la résidence du cacique. Il lui remet une lettre de l'empereur, et lui expose l'objet de sa mission. Traité de paix définitive. Barrio-Nuevo retourne à Santo-Domingo. Il est accompagné d'un officier du cacique. Fête à Santo-Domingo à l'occasion du rétablissement de la paix. Séjour de Las Casas dans le Baoruco.

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Le cacique Henri descend de la montagne avec sa tribu, conformément à une des clauses principales du traité. Le bourg Boya leur est assigné pour résidence. Distribution de terres aux environs de ce bourg aux Indiens de Henri. Extinction graduelle des derniers rejetons des aborigènes. La croix de Saint-Yague, légende significative du triomphe définitif de la conquête européenne.

Tandis que l'audience royale faisait des efforts pour ramener la paix, elle semblait plus compromise que jamais. L'insurrection grandissait. Le parti du cacique

Henri était formidable, mais il était discipliné, et se renfermait dans la plus stricte défensive. Cependant, d'autres bandes d'insurgés s'organisaient sous la direction de chefs indiens, indépendants de Henri, et suivant des plans de campagne tout différents. Ils se ruaient sur la plaine, et la ravageaient. Les troupes coloniales les repoussaient souvent, et les refoulaient jusque dans les montagnes.

Un nouveau changement venait, en quelque sorte, de s'opérer dans le gouvernement de la colonie. CharlesQuint avait été couronné Empereur, et avait envoyé dans l'île un évêque pour occuper le siège épiscopal de Santo-Domingo, devenu l'unique par la réunion des deux anciens évêchés. Don Sébastien Ramirez était le nom de cet évêque, homme d'une grande capacité, et jouissant de la réputation d'un habile conciliateur. Il était chargé du gouvernement politique en même temps que de l'administration religieuse de la colonie. Il lui était surtout recommandé de la pacifier. Peu de jours avant son arrivée à Santo-Domingo, trois corps de troupes en étaient sortis pour une tournée, et, en poursuivant ceux des insurgés qui inquiétaient encore la plaine, elles avaient pénétré dans le Baoruco. Elles s'étaient trouvées plusieurs fois en vue de l'armée de Henri. Le cacique, évitant la rencontre, campait toujours sur des hauteurs inaccessibles. Les chefs avaient pu se parler entre eux; mais aucun coup de fusil n'avait été tiré. Henri, par cette manœuvre, semblait montrer à l'ennemi qu'il ne pouvait même pas l'atteindre, s'il le voulait. De son côté, le R. E. don Ramirez se félicita bientôt de voir ces troupes rentrer à Santo-Domingo, sans en être venues aux mains avec le cacique du Baoruco; car,

ayant pour mission de ramener la paix, et ayant à cœur de réussir, il serait désolé qu'une lutte eût ravivé les hostilités presque assoupies. Pour ne parler que des actes de l'administration de don Ramirez, relatifs aux Indiens, il s'empressa, dès son arrivée, d'améliorer la position de ceux qui n'avaient pas pris part à l'insurrection. Il fit exécuter, à leur égard, ce qui, dans les ordonnances et dans les instructions antérieures, avait été résolu en leur faveur. Il fit ouvrir des écoles pour l'instruction des jeunes aborigènes. Il cherchait un capitaine qui fût en même temps un bon négociateur, pour l'envoyer avec des forces vers les insurgés. On lui désigna un des premiers habitants de l'île, venu fort jeune avec Christophe Colomb, un nommé Saint-Michel, gentilhomme de Ledesma, établi depuis longtemps à Bonao. Il avait fait presque toutes les guerres contre les naturels; il avait une parfaite connaissance de leur caractère et de leurs mœurs, et il n'ignorait aucun coin de l'île. Tel fut l'homme que don Ramirez choisit, et qu'il chargea de la mission d'aller faire la paix avec Henri. Saint-Michel de Ledesma partit donc à la tête de cent cinquante hommes, et pénétra hardiment dans le Baoruco. Il poursuivit le cacique de défilé en défilé, et ne put jamais l'atteindre. Enfin, un jour, ils se rencontrèrent, sur deux sommets très rapprochés, mais séparés par un précipice infranchissable, d'où ils ne pouvaient que se parler. Saint-Michel de Ledesma, s'adressant au cacique, lui dit qu'il était temps de mettre un terme à la guerre qui divisait les Espagnols et les Indiens, que l'empereur Charles-Quint était résolu à faire tous les sacrifices ou tous les efforts pour assurer la paix, ou en finir avec l'insurrection. Qu'il avait, à ce sujet, à l'en

tretenir particulièrement, et à lui transmettre les paroles de leur souverain. Ils convinrent alors d'un rendez-vous au bord de la mer, en un lieu désigné. Ils ne devaient s'y rendre chacun qu'avec une escorte de huit hommes. Henri prévint l'heure ; il était sur les lieux bien avant le chef espagnol. Il avait fait dresser sous une feuillée une collation pour régaler son hôte. Saint-Michel fut exact au rendez-vous. Mais, d'abord, il vint avec une troupe nombreuse, tambour battant et enseignes déployées, et il avait fait prier, en même temps, un bâtiment espagnol, mouillé par hasard dans les environs, de s'avancer, et de s'embosser tout près d'eux. Cette fausse et maladroite manœuvre gâta tout. Le cacique Henri, s'en défiant avec raison, disparut avant que le chef espagnol le pût voir, et laissa l'ordre à une partie de ses gens de demeurer dans l'endroit, et de faire les honneurs de la réception aux Espagnols. Saint-Michel, se doutant bien de la cause de l'absence du cacique, regretta d'autant plus vivement de ne l'avoir pas trouvé, que les Indiens présents lui dirent que leur chef était venu, mais qu'une indisposition subite l'avait obligé à se retirer. Du reste, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui de ce contretemps, et il devait s'étonner lui-même, ou se repentir d'avoir manqué de prudence dans une affaire si simple. La paix eût pu être conclue dans cette conférence, si elle avait eu lieu. Néanmoins, on ne chercha pas à la renouer; et il n'y en eut pas d'autre de longtemps. Quatre ans s'écoulèrent, sans qu'on entendît aucune nouvelle de Henri ni de ses Indiens. Les bandes qui, de temps à autre, inquiétaient les plaines, avaient cessé leurs incursions, soit qu'elles en eussent été dégoûtées par les derniers échecs qu'elles avaient

essuyés, soit que le cacique du Baoruco eût réussi à les discipliner. Quant à ce qui concerne le cacique lui-même et son parti, on avait pris confiance dans sa parole, si souvent donnée, de ne jamais assumer l'initiative des hostilités, et dans la constance de sa conduite à cet égard. Et pendant ce long armistice de plusieurs années, le gouvernement colonial s'occupa, en toute sécurité, de la restauration de ses affaires intérieures.

Plusieurs historiens parlent d'une reprise d'hostilités, après ces quatre années, qui fit courir plus de dangers que jamais à la colonie, et qui détermina l'empereur à prendre des mesures pour mener vigoureusement la guerre contre les insurgés, et rétablir à tout prix la paix. Ils mentionnent tous ce fait, en ne l'appuyant d'aucun récit circonstancié de campagnes et de combats, comme pour la première période de l'insurrection. Cette reprise d'hostilités n'est pas probable, parce qu'il ne semble pas que rien ait modifié la situation des partis jusqu'au moment où ils vont de nouveau se trouver en présence. Il a bien pu y avoir quelque tentative d'incursion et de pillage, dans les plaines, commise par des hordes indépendantes de Henri; mais il est certain que le cacique et son armée, qu'on ne peut plus qualifier de horde ou de bande, ne sortirent pas de leurs montagnes. Dans cette profonde retraite, ils n'étaient pas moins menaçants; et on redoutait qu'ils ne recommençassent la guerre, et que, surtout, sentant leur force, et voyant. la détresse de la colonie, ils ne prissent l'offensive.

L'empereur Charles-Quint était plus sollicité que jamais de venir en aide à Hispaniola. On le suppliait d'employer tous les moyens possibles de mettre fin à la longue insurrection du cacique Henri, qui n'avait que

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