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sa démarche, sans l'approbation de son supérieur. Il sentait qu'il avait à remplir dans cette circonstance une mission religieuse de concorde et de fraternité : il n'était donc l'envoyé de personne, mais un humble missionnaire du Christ. Il ajouta que, d'ailleurs, Dieu avait puissamment secondé ses efforts et son zèle apostolique, et qu'il avait le plaisir d'annoncer à l'audience royale, pour sa meilleure justification, qu'elle ne tarderait pas à voir Henri, avec tous ses Indiens, se rendre à sa discrétion.

Cette bonne nouvelle concilia tout, et même, en dédommagement du blâme anticipé par lequel on l'avait d'abord accueilli, on le combla des plus vives félicitations. Henri tint parole à Las Casas. Peu de temps après que ces choses se passaient à Santo-Domingo, il y arriva, suivi d'un grand nombre de ses Indiens. Les autres le rallièrent ensuite. Ils s'établirent au bourg de Boya, à trente lieues de Santo-Domingo; et, aussitôt, la petite colonie se mit à cultiver librement les terres environnantes qu'on lui distribua. Ces Indiens faisaient ainsi le premier bon usage de la liberté bien entendue; ils s'acquittaient du premier devoir de l'homme libre et digne de l'être en travaillant. Ils étaient quatre mille comme dans leurs montagnes. Ils vivaient, d'abord, isolés de la population coloniale; puis peu à peu, ils s'y mêlèrent, et, peu à peu, ils s'y absorbèrent. Leur histoire finit ici, avec leur vie active. La trace de leur existence s'efface, et on ne plus compter chacune qui s'éteint. Elles s'éteignent toutes. Le cacique Henri meurt paisiblement et obscurément. Et bientôt, à quelques années de là, pas un Indien ne lui survit; on ne trouve plus que de rares descendants de cette race

dont on démêle à peine quelques traits caractéristiques à travers le mélange plus prononcé du type africain et européen. Les femmes surtout de ces sang-mêlés qu'on persiste, jusqu'à ce jour, à appeler dans l'est, où elles sont en plus grand nombre, INDIOS, et de ce côté-ci, IGNES, corruption du mot indien, se reconnaissent à leur forme symétrique, à leur teint olivâtre, à leur belle peau, à leurs grands yeux noirs et à leur chevelure longue, abondante et noire. Pas un Indien pur n'est arrivé jusqu'à nos jours, quoiqu'une tradition plus que douteuse veuille que dans les montagnes du Boaruco les restes de la tribu d'Henri se soient maintenus dans la pureté de leur origine et y vivent encore dans l'indépendance et tout à fait isolés de nos populations actuelles. Nos contes populaires, espèces de légendes, les désignent sous le nom de VIENVIENS (autre corruption probablement du mot indien), et débitent sur ces prétendus rejetons des aborigènes d'Haïti des choses curieuses par la naïveté et le grotesque de l'invention. Ces êtres existent donc uniquement dans l'imagination. de nos conteurs. Mais un autre récit, une vraie légende qui se rattache aux derniers jours de l'existence des Indiens de la tribu d'Henri, a été recueillie par les historiens sérieux. Sous couleur de merveilleux, elle a un sens historique très raisonnable. On rapporte que plusieurs d'entre eux, poussés par le repentir d'avoir abjuré leurs anciennes croyances pour la religion catholique, entreprirent d'abattre une grande croix de bois élevées par les Espagnols dans l'enceinte de la ville de Santiago. Ils essayèrent d'abord à l'aide de cordes et de courroies qu'ils nouèrent au sommet de cette croix de la déraciner du sol; ils s'épuisèrent en efforts inutiles : la croix

resta inébranlable. Ne pouvant réussir par ce moyen, ils avisèrent à un autre: ils portèrent la hache sur le bois sacré. Chaque morceau qu'ils en détachaient se réparait aussitôt, en sorte qu'après avoir longtemps sapé, la croix demeura intacte. Le miracle était évident, néanmoins ils n'en crurent pas encore leur impuissance, et ils recoururent à l'emploi d'un dernier moyen. Ils dressèrent un bûcher tout autour du monument religieux et y mirent le feu. Les flammes l'enveloppèrent, et semblèrent l'avoir consumé; mais, lorsqu'il ne resta plus de ce brasier que des cendres, la croix reparut entière et sans la moindre trace de combustion.

Cette légende ne veut-elle pas dire que la conquête était un fait irrévocablement accompli, et que la religion des conquérants implantée sur ce sol, comme cette croix, y dominait et ne pouvait plus en être extirpée ?

APPENDICE

GÉOGRAPHIE PRIMITIVE D'HAÏTI

DIVISIONS

Le territoire d'Haïti était primitivement divisé en cinq grands royaumes ou caciquats, subdivisés en circonscriptions moins importantes, que les auteurs désignent généralement par le mot province. Les cinq grands royaumes étaient :

Le Marien, au Nord;

Le Xaragua, à l'Ouest et au Sud;

Le Maguana, au Centre;

Le Higuey, à l'Est;

Et la Magua, au Nord-Est.

SUBDIVISIONS

Le Marien comprenait les provinces suivantes :
Baynoa, Guahaba, Hatiey, Iguamuco et Dahabon.

La capitale, résidence du cacique, était situé à l'endroit où a été élevée, plus tard, la ville du Cap. Le nom de cette bourgade indienne était Guarico. Les Espagnols ont longtemps appelé ce lieu el Guarico; mais depuis l'établissement français, la simple dénomination de Cap a définitivement prévalu. Les autres bourgades trouvées à l'époque de la découverte étaient

situées, l'une à l'endroit où le bourg du Gros-Morne a été bâti, et l'autre au Port-de-Paix. L'Atibonico arrosait en partie ce territoire; les autres rivières qui le traversent étaient le Guatapana, connu aujourd'hui sous le nom de rivière du Massacre, le Macoris et le Garaouai, nommé, depuis, la Grande-Rivière du Nord.

Le Xaragua renfermait les provinces de Tiburon, d'HaniguAyagua, de Yaquimo, de Yaguana et de Cayaha.

Ce royaume comprenait trois villages: l'un situé à l'emplacement connu du Vieux-Bourg, près Port-au-Prince: deux autres, le premier, près de la ville actuelle de Léogane, le second près d'Aquin. Yaguana est réputée la capitale du Xaragua. Les noms modernes de Léogane et d'Aquin sont francisés de Yaguana et de Yaquimo. Les deux lacs à l'est de Xaragua avaient noms Jar et Caguani.

L'une des deux principales chaines de montagnes qui s'y trouvent y porte jusqu'aujourd'hui, sa dénomination primitive, c'est le Baoruco, puis la Hotte; tout à fait dans le Sud, et le Baoruco, au Sud-Est.

La Maguana comprenait les provinces Niti, Coroay et Cibao. Cibao était aussi le nom de la grande chaîne de montagnes du centre de l'île. Le Cibao recelait les sources de la Neyba, de I'Yaqui et de l'Yanique. La plus grande portion du cours de l'Atibonico arrosait la Maguana. La capitale de ce royaume était une bourgade située à l'endroit où existe maintenant le bourg de Saint-Jean qui a retenu son nom indien dans la langue espagnole San-Juan de la Maguana.

Le Higuey se subdivisait en plusieurs provinces: Azoa, Maniel, Cayacoa, Bonao, Cayemu et Macao.

La capitale existait à l'endroit où est encore le bourg de Higuey. Près de la ville actuelle de Santo-Domingo se trouvait une autre bourgade, et près de Monte-Plata, le bourg de Boya, dernier asile des Indiens.

L'Ozama, l'une des plus belles rivières de l'île, y avait son cours, et a retenu jusqu'aujourd'hui son nom primitif.

La Magua, enfin, se partageait en plus de provinces qu'il n'en est resté de noms pour les désigner. Celles dont les désignations sont connues étaient le Canabocoa, le Cubao, et le Ciguay qui est aussi le nom d'une chaîne de montagnes.

La capitale de la Magua existait au lieu où fut depuis construite la ville de la Conception de la Véga.

Le territoire de la Magua comprenait aussi la presqu'île de Samana dans la baie de laquelle se jette la Yuma.

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