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Chambres, et ne pouvant prêter matière à des observations de la part d'une puissance étrangère. || La Belgique, après s'être annexé le Congo, n'entend se soustraire à aucune des obligations qu'elle héritera de l'État Indépendant ni à celles qu'elle a contractées elle-même en signant les actes de Berlin et de Bruxelles. Le régime spécial, que ces actes établissent dans le bassin conventionnel du Congo, sera en effet obligatoire pour elle comme il l'est pour toutes les Puissances signataires qui ont des possessions à l'intérieur de ce bassin. Mais la Belgique ne comprendrait pas qu'elle pût être mise en demeure de fournir des indications complètes sur les décisions qu'elle serait amenée à prendre à ce sujet. || Le Gouvernement et le Parlement belges sont à la veille d'assumer la responsabilité des résolutions les plus importantes qui se soient imposées aux hommes d'État de notre pays depuis la formation de l'unité nationale.

Ces résolutions doivent être arrêtées avec toute la maturité nécessaire. Le Gouvernement britannique, dont l'amitié nous est précieuse, ne saurait le contester, ni mettre en doute la correction de notre attitude. L'Angleterre ne peut mieux faciliter l'exécution de la reprise du Congo, comme elle s'est si souvent déclarée toute disposée à le faire, qu'en ne contrariant pas dans ces circonstances solennelles notre complète liberté d'action. Tels sont, Monsieur le Comte, les termes dont vous devez vous servir dans la démarche que je vous prie de faire auprès de Sir Edward Grey ou de Sir Charles Hardinge. || Je vous autorise, si vous craignez une défaillance de votre mémoire dans cet entretien, à donner lecture de la présente dépêche.

Veuillez agréer, Monsieur le Comte, les assurances de ma haute considération.

J. Davignon.

Nr. 14174. GROSSBRITANNIEN. Denkschrift des Gesandten in Brüssel an den belgischen Minister des Auswärtigen. England verlangt Steuererleichterung für die Eingeborenen, Landanweisungen für die Eingeborenen, gleiches Recht für die Händler jeder Nationalität.

30. März 1908.

Le Gouvernement du Roi, comme suite aux conversations que le Ministre de Belgique a eues au Foreign Office relativement à la question du Congo, juge qu'il est désirable de présenter quelques observations pour exposer la façon dont il envisage les obligations qui incombent en vertu des traités à l'État Indépendant du Congo, ainsi que les mesures

qui, à son avis, sont nécessaires pour conformer à ces obligations l'Administration de cet État. || Il a reçu avec une vive satisfaction les déclarations du Gouvernement belge par lesquelles celui-ci l'assure qu'il reconnaît que le territoire de l'État Indépendant restera soumis après l'annexion aux dispositions des Actes de Berlin et de Bruxelles. A ces dispositions, le Gouvernement du Roi désirerait ajouter, pour ce qui le regarde, celles de la Convention anglo-congolaise de 1884. Il a pleine confiance dans le désir bien sincère du Gouvernement belge d'introduire des réformes efficaces et de portée profonde dans le système administratif actuel; aussi tient-il à garder une attitude des plus réservées et à éviter toute démarche susceptible d'être interprêtée comme empiétant sur l'absolue liberté de la Belgique en ce qui concerne la gestion future des affaires intérieures du Congo. Il reconnaît pleinement que c'est à la Belgique seule que revient le choix des moyens les plus aptes à mettre l'Administration du Congo en harmonie avec l'Acte de Berlin. Cependant, tout en répudiant toute idée d'ingérence en pareille matière, le Gouvernement de Sa Majesté britannique croirait manquer de loyauté s'il laissait le Gouvernement belge douter que, dans sa pensée, l'Administration congolaise n'a point répondu aux fins qui ont motivé sa reconnaissance primitive; qu'elle n'a point rempli les conditions des Traités qui la lient et que des changements sont par conséquent nécessaires en vue d'atteindre les buts ci-dessous énumérés: || 1° Soulagement des indigènes d'impôts excessifs. || 2° Octroi aux indigènes de terres suffisantes pour les mettre à même non seulement de se procurer la nourriture qui leur est nécessaire, mais aussi une part suffisante des produits du sol, afin de leur permettre de vendre et d'acheter, comme cela se pratique dans d'autres colonies de pays européens. || 3° La possibilité pour les négociants, quelle que soit leur nationalité, d'acquérir des immeubles à dimensions raisonnables dans toutes les parties de l'État du Congo, pour l'établissement de factoreries leur permettant d'entrer en relations commerciales directes avec les indigènes. || Le mémoire ci-annexé résume la question des impôts. Il prend comme base les conclusions de la Commission d'enquête, telles qu'elles ressortent du rapport de celle-ci en date du 30 octobre 1905, insiste sur les assurances données par MM. les Secrétaires généraux dans leur rapport au Roi-Souverain soumettant à l'approbation de Sa Majesté les décrets de réformes du 3 juin 1906, et compare ces assurances avec le fonctionnement actuel de ces nouveaux décrets, tel qu'il est décrit par les consuls britanniques. La lecture de ce document ne peut manquer d'établir d'une façon claire que, bien que les cas de véritable cruauté aient en grande partie disparu, le fardeau de l'impôt reste aussi écrasant

que par le passé. Il équivaut en effet à un système de travaux forcés, ne se distinguant que par le nom de l'esclavage et il ne peut, dans la pensée du Gouvernement du Roi, se concilier avec l'article 6 de l'Acte de Berlin. | Pour ce qui est du deuxième point, le Gouvernement du Roi a constaté, non sans une certaine inquiétude, l'intention du Gouvernement belge, telle qu'elle semble résulter du Traité d'annexion, de respecter intégralement les droits des compagnies concessionnaires. Il présume que toute l'étendue du Domaine privé et le territoire autrefois connu sous le nom de Domaine de la Couronne seront transférés à l'État belge, et que ce dernier sera libre d'y introduire toutes les mesures réformatrices qu'il jugera nécessaires, non seulement pour la protection des indigènes, mais aussi en vue d'assurer la liberté du commerce, un des buts de l'Acte de Berlin. || Si les concessions sont maintenues, l'introduction de modifications suffisantes au système administratif actuel se heurtera probablement à de plus grandes difficultés, puisque les réformes à faire devront nécessairement s'appliquer à toute la superficie de l'État également soumise aux dispositions de cet Acte. || Or, les compagnies concessionnaires occupent à l'heure qu'il est approximativement trois cinquièmes du territoire de l'État. Leur objet principal est l'exploitation du caoutchouc, produit qui représente, si l'on prend la moyenne annuelle, quatre-vingtcinq pour cent des exportations totales du pays; et aussi longtemps que les concessions seront exploitées dans les conditions actuellement en vigueur, la liberté absolue du commerce garantie par l'article 1er de l'Acte de Berlin ne pourra exister puisque la situation faite aux indigènes dans ces régions les prive du moyen d'acquérir toute richesse matérielle en dehors du minimum nécessaire à leur existence, puisqu'ils restent toujours exclus de la jouissance des produits du sol. De telles conditions ne constituent pas seulement un obstacle infranchissable à l'établissement de toutes relations commerciales avec la population de la plus grande partie de l'État congolais, mais, en outre, elles ne répondent pas aux exigences de l'article 6 de l'Acte de Berlin, par lequel les Puissances signataires s'engagent à pourvoir à l'amélioration du bien-être moral et matériel des indigènes. || Les régions comprises dans les concessions de l'Abir et de l'Anversoise doivent en outre être considérées comme se trouvant sur le même pied que celles qui constituent les concessions des compagnies existantes. Bien que ces compagnies aient cessé d'exploiter elles-mêmes leurs concessions, cependant d'après leurs conventions avec l'État (annexes 13 et 14 du traité de cession) ce dernier s'engage à leur en livrer à Anvers le produit en caoutchouc à un taux déterminé. Le produit de ces régions doit par conséquent être envisagé comme d'ores

et déjà engagé. Le Gouvernement du Roi croit avoir compris que, par le traité de transfert, le Gouvernement belge s'est obligé à respecter cet accord, et il en conclut que la situation dans ces régions sera semblable à celle qui prévaut dans les limites des autres concessions. || Tant qu'une superficie si étendue du territoire congolais restera assujettie au système des concessions, le Gouvernement du Roi ne peut s'empêcher de croire qu'aucune amélioration réelle ne sera apportée à l'état actuel à moins d'un changement radical du régime économique de ces régions. || Le Gouvernement du Roi ne peut que répéter qu'il n'entre pas dans ses attributions (aussi s'en rend-il bien compte) de préciser les réformes à faire au Congo, mais comme il se plait à croire qu'un même esprit anime à cet égard les deux Gouvernements, il ose indiquer les mesures suivantes, convaincu que leur adoption entraînera une amélioration notable des conditions qui existent au Congo. Il aime à espérer que le Gouvernement belge voudra bien accueillir ces suggestions dans un esprit amical et leur accorder la mesure de considération que comporte la gravité de la situation présente. En examinant l'un après l'autre les trois points précités il paraît au Gouvernement du Roi: || En premier lieu, que pour ce qui est de l'impôt en travail les abus auxquels il a donné lieu n'ont été rendus possibles que par l'absence d'un régulateur convenable de la valeur. Il pense que le seul moyen efficace de prévenir à l'avenir de pareils abus est l'introduction et la circulation de la monnaie, dans un délai aussi bref que possible, sur toute l'étendue du territoire congolais. Le rapport de la Commission d'enquête et l'expérience des consuls britanniques s'accordent à constater que l'indigène s'est rendu compte de la valeur de l'argent et que l'introduction générale de la monnaie serait accueillie avec satisfaction par tous les éléments de la population tant indigène qu'européenne. || En second lieu, les indigènes dans les régions concédées ne devraient pas être forcés, d'une manière directe ou indirecte, à fournir leur travail aux compagnies sans en être rémunérés. L'introduction de la monnaie servira à les protéger d'une façon sensible contre des exactions illicites ou excessives de la part des particuliers. Mais pareille protection ne peut leur être assurée d'une façon efficace, à moins que celui qui emploie l'indigène ne soit obligé à le payer en monnaie, d'après un taux raisonnable, lequel sera fixé par la loi. || En troisième lieu, le Gouvernement du Roi voudrait voir un accroissement considérable des terres allouées aux indigènes. || Dans cet ordre d'idées l'on devrait avoir égard au système foncier en usage chez eux. D'après les rapports qu'envoient les consuls britanniques, la propriété individuelle existerait à peine chez les indigènes et la propriété collective serait la règle. Les habitants du Congo

ne sont pas, à proprement parler, des nomades; ils émigrent rarement en dehors des limites de leurs tribus, mais comme ils ignorent le principe de la rotation des cultures et l'usage des engrais, le produit de leurs terres diminue après trois ou quatre années d'exploitation, et ils doivent ainsi déplacer leurs villages et défricher et planter de nouveaux terrains. Si l'on respecte ces pratiques, la distribution des terres aux indigènes devrait se faire sur une large échelle et l'on devrait leur permettre de conserver pour eux tous les produits du sol, qu'ils proviennent ou non de la culture. Dans la pensée du Gouvernement de Sa Majesté britannique les recommandations de la Commission d'enquête sur ce point, mises en application pratique par le décret du 3 juin 1906 intitule „Terres Indigènes", ne suffisent pas à atteindre ce but. || Ces trois réformes dans leur ensemble auraient pour effet d'améliorer d'une façon sensible le sort des indigènes du Congo, mais pareille amélioration ne pourrait se réaliser à moins que toutes les trois ne soient appliquées. L'avantage qui découlerait de l'une d'elles, si elle restait isolée des autres, serait insignifiant. Ainsi qu'il l'a déjà déclaré le Gouvernement de Sa Majesté britannique se borne à soumettre ces vues au jugement amical de celui de Sa Majesté le Roi des Belges. Si ce dernier projetait l'application d'autres mesures que celles qu'il s'est permis de lui suggérer, le Gouvernement de Sa Majesté britannique accueillerait avec une bien vive reconnaissance tout renseignement que le Gouvernement belge serait disposé à lui communiquer à cet effet. || Il serait, en outre, heureux d'avoir l'assurance que les missionnaires, colons et négociants de nationalité britannique auront, à l'avenir, la faculté d'acquérir des lots de terrains en quantité raisonnable dans n'importe quelle partie du Congo, afin de jouir des avantages prévus par l'article 2 de la Convention anglo-congolaise du 16 décembre 1884. || Le Gouvernement du Roi avait eu l'intention de réclamer l'arbitrage conformément aux droits qui lui sont acquis par l'article 12 de l'Acte de Berlin, afin de faire décider si le régime foncier et commercial actuellement établi dans l'État du Congo est compatible avec les articles 1 et 5 de cet Acte, lesquels prescrivent que le commerce sera libre et que les monopoles seront interdits. Mais puisqu'il nourrit l'espoir que l'État Indépendant sera prochainement annexé à la Belgique, il croit préférable de différer toute proposition de recours à l'arbitrage et de discuter la situation actuelle avec le Gouvernement de Sa Majesté le Roi des Belges dans un esprit amical et avec une entière franchise.

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