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OF THE

UNIV

COURS

DE

DROIT CONSTITUTIONNEL

PREMIÈRE LEÇON

SOMMAIRE

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Notion de l'État. L'association est une loi naturelle de l'humanité; elle a sa base non dans un simple fait matériel, mais dans un devoir, parce qu'elle est le seul moyen de développement pour l'individu et pour l'espèce tout entière. L'État est la réalisation d'une individualité morale qui a ses obligations et ses droits propres et que l'individu ne peut détruire sans commettre un crime de lèse-humanité. La constitution d'un État, dans le sens général, est l'ensemble des lois qui président à son organisation; dans un sens plus restreint, c'est la loi des peuples libres, le pacte qui garantit les droits et les libertés de chacun. - L'organisation sociale est le but, l'organisation politique, le moyen. Le droit constitutionnel se partage donc en deux grandes sections: les droits publics et les droits politiques.

MESSIEURS,

Nous vivons au milieu des États européens divers par leurs formes, par leur organisation sociale et politique, par leur étendue, par la langue, par les mœurs, par les traditions. Eh bien, vous est-il jamais arrivé de vous demander ce que c'est qu'un État, ce que c'est que cette association dont nous

sommes membres, quel est son but, quels sont les éléments qui la composent?

Certes, nul de vous n'imagine que l'État, l'association politique soit uniquement le résultat du rapprochement fortuit d'un nombre plus ou moins grand d'individus dans un espace donné. Les besoins physiques et matériels à satisfaire ne peuvent être la seule cause de la tendance instinctive et générale de l'espèce humaine à vivre en société. Ce rapprochement, cette agglomération, ce n'est là qu'un fait. La notion de l'État implique autre chose, elle implique une idée morale, une idée de devoir et de droit. Car, vous le savez, les associations humaines dûment organisées sont pour l'individu et pour l'espèce tout entière un moyen de développement, un mode de perfectionnement que rien ne saurait remplacer.

L'état social est donc un devoir pour l'homme, l'État a sa base non dans un simple fait matériel, mais dans un devoir, dans une obligation. Et c'est ainsi qu'on peut dire que l'association, que l'État est une loi naturelle de l'humanité, c'est-à-dire un moyen, encore une fois, que la raison approuve et que rien ne saurait remplacer, de développement et de perfectionnement pour l'espèce humaine.

Cela étant, il est manifeste que l'État doit trouver dans son principe constitutif, à la fois le devoir et le droit, comme il doit trouver dans son organisation les moyens d'assurer à l'homme l'exercice légitime de ses facultés, et de seconder à la fois le développement non-seulement de l'individu, mais de l'espèce tout entière.

Ainsi, l'idée mère, le principe fondamental de l'État n'est pas l'agglomération matérielle des individus, c'est l'organisation de l'État. Ce n'est pas le fait, c'est le droit. En d'autres termes, il y a un ensemble de lois, je prends ici ce mot dans sa signification générale et philosophique, il y a un ensemble de lois qui régissent cette union, cette association qu'on appelle l'État, qui forme de cette union un véritable tout, un tout doué de sa vie propre, d'une volonté, d'une activité, d'une force qui doivent être proportionnées au but que cette union est destinée à atteindre.

Telle est la notion fondamentale et il importe de ne pas la perdre de vue; car si, comme nous le verrons plus tard, dans le monde ancien, il y avait tendance à exagérer cette notion et à annuler en quelque sorte les individus au profit de l'État, peut-être y a-t-il une tendance trop opposée de nos jours, tendance à affaiblir la notion de l'État au profit des individus, tandis que le vrai comme le droit (ce sont deux expressions d'une même chose) consiste dans l'accord de ces deux éléments.

L'État, disons-le, l'État est une personne morale, une personne complexe il est vrai, mais réelle, car il y a un ensemble d'obligations et de droits qui n'appartient qu'à la société en tant que société civile et qui cesserait d'exister, non comme notion mais comme fait, le jour où la société serait dissoute, il y a un ensemble d'obligations et de droits qu'aucun individu ne pourrait réclamer pour lui-même dès que la société aurait cessé d'être.

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L'État a non-seulement ses obligations et ses droits, mais ses principes, ses idées, comme ses propriétés, ses créances, ses dettes. L'État est la réalisation effective d'une idée fondamentale, d'une idée essentielle de l'humanité, c'est la création d'une individualité morale, sui generis, qui est elle et n'est pas autre chose, la réalisation d'une individualité morale pour laquelle, sans doute, l'individu est nécessaire, mais qui est autre chose que l'individu, qui a sa base dans le devoir, et que l'individu ne peut détruire sans commettre un crime de lèse-humanité, parce qu'il détruirait les moyens essentiels de son développement et de son perfectionnement.

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Ce que la logique nous indique, ce que l'observation nous enseigne, nos propres sentiments à tous, nous le disent d'une manière peut-être plus impérieuse encore. Nous voyons tous les jours cette distinction dont nous venons de jeter les premières. idées. Reportez-vous de quelques années en arrière. Lorsque la Grèce était sous la domination des Tures, où était l'État grec! Nulle part. Il y avait cependant des Grecs, il y avait des individus grecs, il y plus, il y avait une langue grecque, une religion grecque. Mais l'État grec n'existait pas, mais le drapeau grec ne brillait pas aux yeux du monde civilisé, mais l'État grec n'avait pas une force à lui, il était mort et vous le pleuriez précisément parce qu'il était mort. Et quand vous avez tout à coup tressailli, quand vous avez applaudi aux premiers efforts des Grecs, dans la lutte de ce pays contre l'oppression étrangère, à quoi, je vous le demande, applaudissiez

vous? Songiez-vous à des individus qui vous étaient inconnus, qui étaient peut-être profondément différents de ceux que votre imagination vous représentait? Non, messieurs, c'était l'État grec qui faisait battre votre cœur, c'était la résurrection de ce mot qui vous animait d'une véritable ardeur. C'était son souvenir comme État grec qui parlait à vos sentiments et à votre sainte ardeur.

Et de là le dissentiment qui s'est élevé plus d'une fois entre ceux qui, de loin, applaudissaient à cette résurrection, et ceux qui accouraient sur les lieux mêmes où elle devait s'opérer. Ce dissentiment dérivait de ce que nous songions à la résurrection de l'État grec, et qu'ils arrêtaient davantage leurs regards sur les individus ; ils voyaient des Maniotes et des Rouméliotes et se disaient que, dans l'état actuel de la civilisation, tel ou tel arrangement leur eût été plus utile; mais nous, nous repoussions cette idée parce que nous voulions la résurrection de cette activité propre de ce grand nom : l'État grec.

Et lorsque, avec un juste orgueil, vous vous appelez Français, à quoi songez-vous? Est-ce peut-être à un nombre plus ou moins grand d'individus qui portent le même nom? Est-ce peut-être à un surnom dû à ceux qui habitent entre le 43° et le 53° degré de latitude? Non, messieurs, vous le sentez tous, c'est à l'État français que vous pensez. Vous vous proclamez membres d'une unité politique qui était avant vous et sera après vous, dont vous voulez partager la destinée dans la bonne et dans la mauvaise fortune. Et dût-il en coûter la vie à des milliers d'in

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