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nelle, mais on pourrait les appeler droits sociaux en ce sens què, pour qu'ils existent, il faut un état social.

Enfin, il y a des droits politiques proprement dits. Ils consistent dans la participation à la puissance publique. Or, on ne peut confondre les droits politiques avec les droits publics, parce que les droits politiques, quoi qu'on fasse, qu'on les suppose aussi généraux qu'on voudra, impliquent toujours une condition de capacité. Vous ne verrez jamais les droits politiques accordés aux enfants, aux femmes même, quoi qu'on dise, ni aux fous. Eh bien! les droits publics ne leur appartiennnent-ils pas ! Un enfant n'a-t-il pas droit à la liberté individuelle comme l'homme ? Une femme n'a-t-elle pas le droit de publier ses opinions comme un homme ? Et le fou lui-même, n'a-t-il pas droit à la liberté individuelle? car les garanties qu'on prend contre les écarts ou les fureurs d'un fou ne sont pas proprement des atteintes à la liberté individuelle; le fou n'a-t-il pas droit à la liberté individuelle, au respect de sa propriété ? Les droits politiques supposent donc toujours une condition de capacité, tandis que les autres n'en supposent pas. En fait, ils peuvent être exercés ou ne pas l'être, mais par leur nature ils appartiennent à tout homme qui peut développer ses facultés. En d'autres termes, les droits publics sont la chose, les droits politiques sont la garantie. Supposez que demain on découvre un moyen certain de garantir les droits de l'État et des citoyens, sans gouvernement, il n'y aurait pas de droits politiques mais des droits publics. Ce qui ne veut pas dire qu'il

n'y ait des rapports très-étroits entre l'organisation sociale et l'organisation politique, entre les droits publics et les droits politiques, mais ces rapports sont précisément les rapports qui exitsent entre deux choses diverses, ce ne sont pas des rapports d'identité.

Ainsi donc, appelé à étudier avec vous le droit constitutionnel du pays, nous avons deux grandes sections devant nous l'organisation sociale de la France; l'organisation politique de la France.

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Je croirais vous faire injure en m'arrêtant à vous signaler l'importance, la nécessité de cette étude, et je ne m'adresse pas seulement ici à ceux qui se vouent à l'honorable carrière des lois, je m'adresse à tout Français qui prétend avoir une éducation libérale. Ignorer la constitution de son pays, c'est ignorer sa patrie; ignorer la constitution de son pays, c'est vivre dans son pays en étranger, c'est s'exposer à chaque instant à ne pas remplir des obligations qu'on ne connaît pas et à donner à l'individualité un essor dangereux et contraire à ses propres sentiments.

Nous avons essayé de vous dire en quelques mots ce que c'est que l'État; étudions- en les lois afin d'apprendre à l'aimer davantage.

DEUXIÈME LEÇON

SOMMAIRE

Organisation de l'État; éléments nécessaires et éléments variables. Sans autonomie et sans puissance publique il n'y a pas d'État, mais l'État peut exister sous des formes diverses et avec une somme plus ou moins grande de droits publics. Il y a dans l'organisation d'un État, quelle qu'elle soit, une pensée dominante à laquelle tout se rattache comme des corollaires. Coup d'œil historique sur la formation des États : Tribus

nomades, États fédératifs, États unitaires.

empire Assyrien, Mède et Babylonien.

MESSIEURS,

Peuple Juif, Phéniciens,

L'État, nous l'avons dit, est un corps éminemment complexe. C'est un ensemble qui résulte d'éléments divers, plus ou moins complétement coordonnés, conspirant d'une manière plus ou moins complète vers le même but. Mais, par la nature même de l'homme, par cela seul que l'État est une agrégation organisée d'hommes, d'êtres libres, moraux, intelligents, par cela seul il est évident qu'il y a dans l'organisation de tout État quelconque des éléments nécessaires et des éléments qui ne le sont pas, des éléments immuables et communs à tout État quelconque, et des éléments variables. En d'autres termes, il est

évident que la nécessité et la spontanéité humaine jouent un grand rôle, l'une et l'autre dans l'organisation de l'État. De là encore une fois, ces bases fixes, certaines, qui sont communes à tout État quelconque, ces bases sans lesquelles un État n'existerait pas, et en même temps cette grande variété que l'histoire et l'observation nous révèlent dans les diverses organisations des États.

Et, si l'on veut expliquer cette pensée par un exemple, n'est-il pas évident que là où il n'existerait aucun lien entre les membres d'un prétendu État, que là où l'individualité dominerait seule et exclusivement, que là où il n'y aurait aucune puissance publique, aucun gouvernement, d'aucune forme, enfin, et plus encore s'il est possible, que là où il n'y aurait pas autonomie, c'est-à-dire indépendance, il n'y aurait pas d'État. Il pourrait y avoir une réunion, une agglomération d'hommes, mais l'État n'existerait

pas.

Voilà, dis-je, des éléments essentiels, que vous retrouverez dans tout État quelconque parce qu'ils en constituent la nature et l'essence même. Et cependant, que de diversités, que de variétés d'État à État, dans les détails de leur organisation.

Ainsi, par exemple, qu'importe à ce point de vue, qu'ici règne la forme unitaire, là la forme fédérative, qu'ici la somme des droits publics soit audessus ou bien au-dessous de ce qu'elle est ailleurs? Sans doute, on pourra préférer une de ces organisations à une autre, on pourra trouver chez l'une des avantages et des inconvénients qu'on ne trouvera pas

chez l'autre, mais, dans l'un et l'autre cas, il y aura un État, un État organisé d'une manière quelconque.

Et si l'on se propose d'étudier l'organisation générale des États, toujours par les mêmes considérations, il est évident que plus on descendra dans les détails et plus sera grand le nombre des variétés, des diversités réelles ou possibles.

Cependant, quelles que soient les variétés, quelles que soient les complications d'un État social donné, quelles que soient les formes qu'un État ait pu revêtir, toujours est-il que, pour l'observateur attentif, sous cette enveloppe quelquefois épaisse et confuse, il y a une pensée dominante dans chaque État, une idée mère, une base fondamentale sur laquelle repose l'édifice tout entier.

Qu'est-ce qu'un État, en effet, dans les rapports historiques, qu'est-ce que la formation de cette individualité, de cette grande unité politique? Il en est de l'État comme de tout autre fait historique remarquable; qu'on s'en doute ou non, que l'organisation de l'État ait été purement instinctive, ou qu'elle ait été une œuvre réfléchie et rationnelle, l'État est la réalisation plus ou moins complète, plus ou moins pure d'une pensée, d'une idée qui était dans le domaine de l'intelligence. Comme tous les autres faits historiques, la formation de l'État est un des phénomènes qui révèlent cette pensée, ce n'est autre chose que la pensée humaine qui se développe dans une région, qui serait demeurée parfaitement inconnue si les hommes n'avaient pas été doués de sociabilité, et si, en conséquence, ils n'avaient pas formé ces grandes

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