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avec l'obligation que l'ordonnance sera transformée en loi à la session suivante. Vous voyez donc des exemples de cette délégation dont je viens de parler, et ici vous en voyez un exemple très-considérable dans la loi de 1833, dont, encore une fois, le germe se trouve dans la loi de 1791.

VINGT-DEUXIÈME LEÇON

SOMMAIRE

Dispo

Décrets de 1793 qui abolissent les primes à la traite des noirs. — Décret du 14 février 1794 qui abolit l'esclavage; réflexions sur ce décret. — Loi du 12 nivôse an VI; analyse de ses principales dispositions. — Colonies rendues à la France par la paix d'Amiens. L'esclavage et la traite des noirs rétablis par la loi du 30 floréal an X. Efforts des Anglais pour arriver à l'abolition de l'esclavage et d'abord à celle de la traite. sitions prises en France à ce sujet : ordonnance de 1817 et loi de 1818.-Loi du 25 avril 1827. Croisières. Horribles moyens employés par les négriers pour échapper à la répression. Dispositions rigoureuses et efficaces de la loi du 4 mars 1831. - Question de l'abolition de l'esclavage examinée au point de vue moral, au point de vue du droit proprement dit et au point de vue politique. Mesures prises par les Anglais pour l'abolition de l'esclavage dans leurs colonies. Conclusion.

MESSIEURS,

-

Nous avons vu dans la dernière séance quelle a été l'organisation administrative des colonies depuis le commencement de la révolution jusqu'à nos jours; nous avons vu que, si l'on excepte l'intervalle assez court qui sépare la Constitution de 1795 de celle de 1799, les colonies n'ont jamais été parties intégrantes du territoire français, n'ont jamais été soumises au droit commun. Cela vous explique comment l'escla

vage a pu se maintenir aux colonies, tandis qu'il est en complète opposition avec notre droit civil.

Dans nos premières assemblées nationales, il ne fut rien fait pour l'abolition de l'esclavage. Vous trouverez seulement un décret de la Convention du 27 juillet 1793 qui abolit toutes les primes accordées à la traite des noirs, toutes les primes échues comme les primes non échues, car, Messieurs, on accordait alors des primes pour la traite des noirs comme on en accorde aujourd'hui pour l'exportation du sucre ou de certaines étoffes. Et c'était certes un grand scandale que non content d'autoriser le commerce et la traite des noirs, le gouvernement accordât même des primes pour ce commerce et participât ainsi directement à cet odieux commerce par une allocation des deniers publics. Le décret du 27 juillet fut confirmé par un autre décret du 19 septembre suivant.

Mais cela ne diminuait guère la traite et ne changeait en rien la condition des esclaves, lorsque le 14 février 1794, la Convention rendit un décret ainsi conçu : « L'esclavage des nègres est aboli. En consé>>quence, tous les hommes, sans distinction de cou>> leur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens >> français et jouiront de tous les droits assurés par » la Constitution. Le Comité de salut public fera in>> cessamment un rapport à la Convention sur les » mesures à prendre pour assurer l'exécution du » présent décret. >>

Il faut se reporter au temps pour concevoir qu'on ait pu rendre un pareil décret et le lancer tout à coup au milieu des populations de maîtres et d'es

claves, de blancs et de noirs, sans aucune préparation, sans aucune mesure pour amener les nègres à leur nouvelle condition, pour faciliter cette brusque transition de l'état de bête de somme à l'état d'homme, de citoyen français. Le principe est proclamé. Quant aux applications, quant aux conséquences, il arrivera ce qu'il pourra, le Comité de salut public fera un rapport sur les mesures à prendre, on ne sait quand, ni comment.

Si pour améliorer le sort des hommes et des nations, il ne fallait que trois ou quatre lignes noires sur du papier blanc, l'œuvre serait par trop facile et trop peu méritoire. Ce n'est pas ainsi qu'on opère le bien, le bien qui doit rester. Aussi les nègres sontils esclaves aujourd'hui encore, en l'an de grâce 1835. Voilà tout le résultat du décret de 1794 et peut-être n'en pouvait-il arriver autrement. Je l'ai déjà dit, la secousse de 1789 qui pouvait être supportée par des nations déjà vieillies dans la carrière de la civilisation, par des nations chez lesquelles il y avait sans doute des intérêts divers et même hostiles, mais non à coup sûr ces haines invétérées de l'esclave contre le maître, par des nations chez lesquelles, du moins, tous les hommes étaient de même race et de même couleur, cette secousse ne pouvait manquer de devenir pour les colonies une cause de crimes, de calamités, de désastres.

Il ne nous pas appartient de vous retracer ici les événements qui se sont passés dans les colonies, et surtout dans la plus belle des colonies françaises, dans l'île de Saint-Domingue. Le nom de Saint

Domingue est un nom terrible à prononcer, quand on se reporte par la pensée aux années qui s'écoulèrent de 1793 à 1803. Le commencement de cette terrible lutte était étranger à l'esclavage proprement dit. Il vint de ces décrets contradictoires si légèrement rendus par les diverses assemblées délibérantes sur le sort des hommes de couleur libres, décrets qui tantôt leur accordaient des droits, tantôt les leur refusaient. Cette oscillation produisit ces luttes épouvantables des hommes de couleur et des blancs, luttes dans lesquelles l'un et l'autre parti appelaient les esclaves à leur secours.

Ces esclaves qu'on avait proclamés libres, et pour l'existence desquels on n'avait pris aucune espèce de mesures, dans quels rapport se trouvaient-ils avec leurs anciens maîtres, là où les colonies étaient encore au pouvoir de la France? Continuaient-ils à travailler, étaient-ce des ouvriers? Les maîtres pouvaient-ils leur dire « Vous êtes libres, allez-vous-en et devenez ce que vous pourrez. » Qui est-ce qui prenait soin des vieillards et des infirmes? Ce sont là des questions extrêmement difficiles et compliquées. D'après la loi du 12 nivôse an VI, dont je vous ai parlé dans la dernière séance, des agents du Directoire devaient se rendre dans les colonies et y mettre en activité la Constitution. « Ils sont aussi, dit l'art. 9, >> autorisés à faire administrativement des règlements » de culture basés sur la Constitution (ce n'est pas >> très-facile à comprendre), lesquels seront exécutés >> provisoirement jusqu'à la publication des lois qui >> seront faites sur cette matière par le Corps légis

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