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un seul et unique siége du gouvernement national, que les communications des différentes parties de l'État avec le centre soient directes et assurées, et que toutes les fois qu'il y a lutte ou qu'il peut y avoir conflit, soit entre les intérêts locaux, soit entre un intérêt local et l'intérêt général, ce soit au gouvernement central à décider, c'est là un principe incontestable. Ne pas le vouloir, c'est retomber dans le gouvernement fédéraliste.

Et la centralisation amènera toujours l'existence d'une grande capitale. On s'est beaucoup récrié contre le système des grandes capitales, et on a eu raison quand on a voulu parler de leurs inconvénients moraux et hygiéniques. Il y a là un mal véritable, que les hommes d'État et les hommes de l'art doivent chercher à atténuer de tout leur pouvoir. Mais les reproches faits aux grandes capitales, sous d'autres rapports, ne sont que des déclamations. Que n'a-ton pas dit contre ces capitales absorbantes, contre ces cerveaux apoplectiques, contre ces grosses têtes, qui attirent à elles tout le sang des provinces? De pareilles assertions semblent presque ridicules, lorsqu'on voit dans les deux pays les plus riches de l'Europe, dans les deux pays qui possèdent les plus belles provinces et renferment le plus grand nombre de villes florissantes, des capitales comme Londres et Paris.

Les grandes capitales sont un très-puissant moyen d'unité nationale et de civilisation. Elles tiennent aujourd'hui la place qu'occupait jadis le temple, quand les peuples allaient reconnaître leur confra

ternité, leur conationalité, en se rendant au temple commun, en se réunissant sur le territoire du temple commun. Les grandes capitales, aujourd'hui, jouent un rôle analogue. Elles ne s'appartiennent pas à elles-mêmes, elles sont le bien et la gloire de tous. Sans doute, il est vrai qu'elles attirent à elles tous les rayons partant des diverses parties de l'État, mais aussi elles les réfléchissent vigoureusement jusqu'à la circonférence. Sans les grandes capitales, bien des éléments resteraient au fond de leur province, mais ils y resteraient sans vie, ils y resteraient sans rien produire, tandis qu'échauffés à ce grand foyer, ils produisent, non pour la capitale seulement, mais pour la nation tout entière.

Telles sont, en thèse générale, les conditions nécessaires ou favorables à la formation de cette unité, qui est, selon nous, un progrès ou un indice de l'état de civilisation de toute société.

Il nous faut maintenant appliquer ces idées à la France, voir à travers quelles vicissitudes elle a dû passer pour arriver au degré de centralisation où elle est parvenue, comment les peuples de races différentes, qui se trouvaient contenus dans l'enceinte de notre territoire, se sont fondus peu à peu en un seul, ont détruit, à l'aide du temps et du mouvement des esprits, les priviléges qui, pendant des siècles, ont régné sur eux, comment la royauté, représentation du principe unitaire, s'est formée, a grandi, est devenue peu à peu puissante, absolue, pour être comprimée plus tard et ramenée dans de justes limites; par quel travail séculaire l'esprit humain s'est

affranchi, pendant que le pouvoir social s'affermissait, se consolidait, comment enfin s'est créé l'état de société au milieu duquel nous vivons. C'est là ce que nous nous proposons d'examiner maintenant, et nous ne craindrons pas de remonter à l'origine de notre histoire nationale, d'interroger les faits qui ont si puissamment agi dans le monde, et dont le contre-coup s'est fait ressentir chez nous, comme les croisades, la réforme, etc... C'est le seul moyen de comprendre les modifications successives apportées à notre organisation et le sens intime des événements, le lien qui les unit entre eux, l'action qu'ils peuvent avoir eue sur l'avenir de notre pays.

SEPTIÈME LEÇON

SOMMAIRE

État de l'empire romain et en particulier de la Gaule au moment de l'invasion des barbares. Impuissance du despotisme impérial; les charges municipales devenues un fléau. Caractère des peuples barbares et leur situation vis-à-vis des Romains. - Le christianisme seul en position d'adoucir le choc et de fondre ensemble l'élément barbare et l'élément romain. — Puissance de l'idée chrétienne auprès des barbares. nisation de la société chrétienne et de l'Église. Puissance de l'Église

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due au principe de l'élection, à sa hiérarchie et à l'expérience des affaires formée par de grandes et longues luttes.

MESSIEURS,

L'empire romain avait désormais épuisé son principe et ses forces. Désormais il avait, par son développement, produit tout ce qu'il était dans sa nature et dans l'énergie de son principe de produire. Nous l'avons dit et vous le savez tous, c'est le peuple ancien chez lequel les idées d'État, d'unité, de force publique, de droit, s'étaient le plus développées; elles s'étaient développées autant que le permettait le principe moral du paganisme, autant que le permettaient des opinions et des croyances qui n'ont jamais

vraiment reconnu la fraternité humaine, qui n'ont jamais fondé le droit universel et commun à tous sur l'identité de notre nature, sur la parfaite réciprocité de droits et d'obligations entre homme et homme; en un mot, elles s'étaient développées autant que le permettait une civilisation qui n'a jamais franchement proscrit l'exploitation de l'homme par l'homme.

Et si c'était là un des vices fondamentaux de l'organisation morale de ce grand État, il est également vrai que l'organisation matérielle n'était guère plus rationnelle. J'ajoute qu'elle ne pouvait pas l'être, précisément parce que l'organisation générale était fondée sur un principe qui n'était pas en lui-même complet et suffisant.

Aussi les nations diverses qui formaient ce qu'on appelle l'empire romain, surtout les nations en deçà des Alpes ou hors d'Europe, n'ont jamais été unies entre elles que par des liens artificiels, par la force matérielle des vainqueurs et l'épuisement des vaincus. Il n'y a jamais eu cette liaison intime, cette liaison morale qui incorpore véritablement un peuple à un autre peuple. Et s'il est irrécusable que, par sa propre force, le principe romain a opéré jusqu'à un certain point, et dans une certaine mesure, un travail d'assimilation, il y a loin de là, cependant, à la véritable fusion, à la véritable incorporation qui fait ya une unité profonde et intime de vie et de sentiments entre les diverses parties de l'État. L'Asiatique, l'Africain, le Romain de la péninsule, le Gallo-Romain, l'Hispano-Romain, n'ont jamais été véritablement des concitoyens. Il y avait des hommes réunis

qu'

il

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