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traduits tous dans les prisons de Paris. (On murmure.) Que faites-vous dans ce moment, du moins que prétendez Vous faire ? vous allez décréter que trois citoyens prévenus, mais qui n'ont aucun décret sur le corps, seront provisoirement détenus. Puisque rien n'est avéré (ils ont été pris en flagrant délit ), pourquoi ne pas s'assurer des uns & des autres : voilà comme auroit dû procéder votre comité des recherches; voilà du moins comme on procédoit dans le tribunal dont votre comité des recherches est devenu le légataire universel, la police. Mais au reste, peu importent les vues du comité; l'assemblée ne peut se départir de ses principes elle a assuré à tous les citoyens, protection, sûreté & liberté; elle y dérogeroit étrangement s'il lui suffisoit du témoignage de trois fanatiques, de trois scélérats pour priver trois citoyens de leurs droits & de leur liberté.

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Tout bon citoyen qui dénonce un grand crime ne doit pas dire Je demande que M. un tel soit mis en prison; mais je demande qu'on m'arrête avec lui. A mon sens, il n'y a pas plus de raisons pour croire les accusés coupables que les dénonciateurs. (On entend de tous côtés, on vous en croît; vous déraisonnez sciemment). Si vous aviez fait arrêter les dénonciateurs de M. Lautrec, ils ne seroient pas restés impunis. (Eh! ceux de l'affaire du Châtelet !) Au lieu de trois personnes, faites-en arrêter six; ce n'est que pour me conformer au vœu de la majorité, que je parle de prisons; uns ni les autres ne devroient y être

car ni les avant un

décret (vous le voudriez bien). Je conclus à ce qu'ils soient incarcérés, les uns & les autres. M. de Cazalès: Il ne s'agit pas d'incarcérer les accusateurs, mais seulement qu'il leur soit ordonné de se rendre à Paris.

M. Barnave: Le sous amendement tend à nous attribuer les fonctions de juges : les préopinans nous ont si souvent fait le reproche de youloir nous les attribuer, qu'il est étonnant qu'ils osent même le proposer. C'est aux juges à prendre toutes les mesures nécessaires pour l'instruction & l'enquête de cette affaire. Notre devoir se borne à prévoir a ce que la chose publique ne souffre aucun détriment. Hors de là ce n'est point notre affaire.

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Je trouve que le cinquieme article ne dit point assez. Il est certain que dès que la nation a des individus à ses gages, d'autres sur qui elle verse sa munificence, elle ne doit point leur en faire sentir les effets, dès qu'ils refusent d'obéir à ses loix elle peut même ne répandre sa munificence & ses bienfaits qu'à telle & telle condition. Je vou drois donc qu'il y eût dans le décret une disposition telle que si les François expatriés n'étoient pas rentrés en France dans un délai d'un mois, ils fussent privés de tout traitement & gratification quelconque. (On applaudit trèsvivement l'opinant. Je demande la question préalable sur l'amendement & sous-amendement de MM. Maury & Cazalès. La redoutable question préalable pour parler le langage de M. de と Cazalès) a fait justice de l'un & de l'autre. (La suite demain. )

LE HODEY.

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Suite de la séance du soir 18 décembre 1790.

M. de Cazalès: Ce n'est pas une chose facile, de décider jusqu'à quel point l'intérêt public doit autoriser un corps législatif à entreprendre sur la liberté individuelle. Je professe que la nation a droit d'imposer telle condition, telle loi que bon lui semble, & à ses pensionnaires & à ses fonctionnaires publics; mais dans un instant où elle vient de changer sa constitution (elle n'en avoit pas), où elle a détaché d'elle ce qu'on appelle la minorité (& qui heureusement l'est effectivement), cette minorité n'est pas en droit de ne pas obéir; mais elle peut dire à la majorité : Je ne veux pas de votre constitution, je me retire. (On applaudir). Tout propriétaire qui a prêté le serment civique, est coupable, s'il veut renverser par des moyens quelconques la constitution; mais s'il ne l'a pas fait, il peut disposer de son bien, le vendre, & vous n'avez rien à dire : je ne veux pas de cette constitution, qui n'est pas celle qui m'a protégé pendant 25 ans (oui, vos privileges) je dois être le maître de renoncer à une association qui ne convient plus. Cette assemblée voudroit elle donner l'exemple de l'opposition, & renouveller les scenes de l'édit de Nantes, contre qui elle manifeste tant d'horreurs. (Vous êtes hors la question). De ce principe, découle naturellement que vous ne pouvez toucher aux propriétés (qui vous le dit qui le pense?) & ni conséquemment à ce quí est représentatif de la propriété. Or, le traitement des princes du sang (il n'y a plus de prince), Tome XIX. N°. 3.

C

n'est que l'équivalent de leurs propriétés. Sans développer très-longuement mes idées, il suffira de dire à l'assemblée que c'est le peu de sûreté pour les personnes, qui est cause de cette émigration. (Eh oui, s'écrie M. Maury: qu'estce qui veut m'assurer la vie, à moi? ) Je trouve la question si importante , que je crois qu'elle mérite un ajournement: (M. le président, on affecte de me troubler autour de la tribune :) la+ journement n'est que de douze heures ; je crois qu'on ne pourra s'y refuser.

M. Barnave: Il ne s'agit pas ici des apanages des membres de la dynastie régnante, mais bien de pensions & d'appointemens.

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M. de Bætidoux: L'amendement se réduit à ceci : Un apanage est-il ou n'est-il pas une propriété ?

M. de Mirabeau : Je soutiens que les mem bres de la dynastie n'ont pas la même liberté que le reste des citoyens.

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M. de la Fayette : Quoique les projets des ennemis de la révolution soient aussi mal conçus que leurs démarches, cependant l'assemblée doit prendre des mesures : ce n'est pas que je craigne pour la liberté conquise si glorieusement par la nation, que trois millions de gardes nationales sont prêtes à défendre ainsi que nous, envers & contre tous; ce n'est aucun danger que je redouté; mais d'après les principes que vient de développer M. de Cazalès, j'adopte l'amendement de M. Barnave. (On applaudit l'opinant, sur-tout de n'avoir point amené la question lui-même).p

M. d'Estourmelle: Rien ne me paroît plus simple que d'aller aux voix (c'est un signal pour

la majorité, de crier aux voix, aux voix); peutêtre n'est-il pas dans l'intention de l'assemblée d'aller aux voix in globo, mais article par article. L'orateur descend sans avoir parlé de Cambray, ni du Cambresis..

- M. de Mirabeau : Mon avis est beaucoup plus sévere. Il est interrompu par M. de Cazalès qui s'enroue à force de crier : J'insiste sur l'ajournement; j'aurai des choses infiniment raisonnables à répondre à M. de Mirabeau.

M. Maury se met encore de la partie : Il n'est pas d'usage de traiter une affaire particuliere dans un rapport à plus forte raison ne peut-on décider une question de droit public, sans que votre co. mité de constitution ne vous ait présenté ses vues. prenez garde, messieurs, que c'est épisodiquement qu'on vous veut faire décréter une loi de l'état. Je vois d'ici deux points importans par exemple la question des émigrans tient à la dévastation de l'hôtel de Castries. Aux voix, s'écrient MM. Lucas & Babey; plus vous entendrez M. Maury, plus il va débiter de sottises. Il conclut à l'ajournement; que la question préalable l'écarte.

M. Voidel lit son projet de décret amendé par M. Barnave; les quatre premiers articles sont décrétés sans débats ultérieurs; sur le cinquieme M. de Virrieux se met à dire : Les dispositions de cet article sont trop rigoureuses; que dis-je, elles portent l'empreinte de l'inquisition; vous ne pouvez ou du moins vous ne devez pas empêcher des malades de se retirer où bon leurs semble; je connois un vieillard de 84 ans qui est allé chercher le soleil du midi : le priverez-vous de ses gratifications, parce qu'il ne pourra revenir Ca

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