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arrivera plus souvent que le nantissement sera purement symbolique, sans que l'emprunteur soit réellement coupable du dol. Tel est le cas du consignataire, qui faisant des avances sur Com. 93. des marchandises à lui expédiées, obtient un droit de gage, semblable à celui que donne la détention dans le nantissement ordinaire : la lettre de voiture ou le connoissement, sont en quelque sorte la marchandise elle-même. Il a droit de préférence sur le prêteur à la grosse, quand même le contrat seroit antérieur à l'expédition des marchandises; ce prêteur est dans un cas à peu près semblable à celui où il auroit prêté sur des marchandises que l'emprunteur lui auroit faussement assuré être à lui.

964. Nous sommes naturellement entraînés à examiner s'il faut, par analogie et par suite de ce que nous avons dit du privilége de la prime sur le navire assuré, en conclure que la prime d'assurance sur des marchandises jouisse également d'un privilége,

De fortes raisons semblent s'y opposer. Une disposition formelle de notre code, déclare pri- Com. 191. vilégiée la prime d'assurance du navire, et le silence qu'il garde sur celle des marchandises, semble annoncer l'intention de ne pas la faire jouir de cet avantage. La raison de cette différence paroît même expliquéé par celle qui existe entre les droits accordés aux créanciers

sur les navires de leurs débiteurs, et ceux qu'ils ont sur les autres effets mobiliers.

Une disposition non moins formelle, a égaleCom. 320. ment déclaré que le prêteur, à la grosse étoit privilégié sur les marchandises affectées au prêt qu'il avait fait, et rien de semblable n'est dit pour la prime due à l'assureur,

La raison de cette différence, indépendamment de ce que la publicité exigée pour le prêt à la grosse ne l'est pas pour la police d'assurance, paroît encore être expliquée par celle qui existe entre un prêteur et un assureur. Il est de l'essence du prêt que le prêteur fasse crédit à son débiteur; on ne peut prêter sans que l'emprunteur n'ait un terme pour se libérer. L'assureur n'est point dans ce cas; il n'est point de l'essence de la convention qu'il fasse crédit pour là prime stipulée, il peut exiger qu'elle lui soit payée; c'est volontairement, c'est sans y être contraint par la nature des choses qu'il est créancier.

L'analogie ne seroit pas un argument décisif, parce que les priviléges sont de droit › étroit; ils sont une exception à la règle que tous

les créanciers d'un débiteur ont des droits égaux sur ses biens: or, une exception doit être textuellement prononcée, elle ne s'induit pas, par conséquence, d'un cas à un autre.

D'un autre côté, les assurances sont d'une grande importance dans le commerce; elles

méritent d'être favorisées et encouragées. Si les assureurs exigeoient les primes comptant, elles seroient moins considérables, et peut-être même les assurances plus rares, parce qu'il y a des circonstances dans lesquelles le taux de la prime est si élevé, que ce déboursé augmenteroit singulièrement les charges de l'assuré.

En privant les assureurs sur marchandises, du privilége pour leur prime, on éloigne les étrangers d'assurer en France, et l'on s'expose à ce que les Français fassent préférablement des assurances en pays étrangers, où le privilége de la prime est généralement admis par les lois des diverses nations commerçantes.

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On peut, d'ailleurs, ajouter que l'assurance est une mesure qui tend à la conservation de la chose; que la prime due pour cette conservation peut donc, sans interprétation forcée, être considérée comme dette contractée

pour la conservation des marchandises, placée par le Civ. 2102. droit civil au rang des dettes privilégiées.

Il ne s'agiroit plus, si l'on admet cette opinion, que de déterminer la place de ce privilége, et l'analogie peut alors être d'un grand

secours.

Il est évident que la prime ne seroit pas préférée au fret et à la contribution. Le capitaine est détenteur de la marchandise, ou présumé tel, tant que la quinzaine dont il a été parlé, n. 962, n'est pas expirée.

La prime ne doit point aussi être préférée au prêt à la grosse, par le même motif qui, dans l'ordre des priviléges sur le navire, place le prêteur avant l'assureur.

A plus forte raison ne passera-t-elle point, avant le consignataire, pour ses avances; puisqu'indépendamment de ce que nous avons dit, n. 963, dans le droit civil même, dout les dispositions sont les seules qui puissent fonder le privilége de la prime, les droits du prêteur sur nantissement, sont préférés à ceux du conservateur de ce même gage qui n'en est plus saisi.

La prime se trouvera donc, si on lui accorde un privilége sur les marchandises, être au dernier rang, à-peu-près comme celle de l'assurance du navire; et dans la réalité, c'est tout ce que peut raisonnablement prétendre l'assureur qui a bien voulu accorder terme à l'assuré.

CHAPITRE IV.

Comment se perdent ou s'éteignent ·les Priviléges résultant des Contrats maritimes.

965. Lorsqu'une dette est éteinte entièrement par l'un des moyens généraux du droit civil, dont nous avons fait, dans le chapitre VI du titre I. de la seconde partie, l'application à la

que le

jurisprudence commerciale, il est évident privilége qui n'est qu'une qualification, qu'un accessoire de la dette, est également éteint.

Mais il peut arriver quelquefois que plusieurs de ces moyens d'extinction ne détruisent que le privilége et laissent subsister la dette. Les règles du droit commun doivent être observées scrupuleusement, afin de ne pas confondre deux cas qui sont si différens. . En effet, à l'exceptiou du paiement proprement dit, c'est-à-dire de la prestation réelle de la chose due, les autres modes d'extinction des dettes ne sont guères que des exceptions qui peuvent être paralysées ou rendues sans effet par le consentement de celui qui pouvoit les invoquer.

La prescription en est un exemple frappant. On a vu que toutes actions en paiement, pour fret de navire, gages et loyers des gens de mer, Com. étoient prescrites un an après le voyage fini; celles pour nourriture fournie aux matelots, par l'ordre du capitaine, un an après la livraison; celles pour fournitures de bois et autres choses nécessaires aux constructions, équipement et avitaillement du navire, un an après ces fournitures faites; celles pour salaires d'ouvriers, et ouvrages faits, un an après la réception des ouvrages; celles en remise de marchandises chargées, un an après l'arrivée du navire qu'enfin, celles qui dérivoient d'un contrat à

132.

433.

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