Page images
PDF
EPUB

ils les trouveront raisonnables. Ce qu'ils refusent de faire, c'est de soumettre leur jugement à celui d'aucune assemblée, parce que nos adversaires leur ont appris que toute assemblée, même celle de l'Église universelle, est une société d'hommes sujette à faillir, et à laquelle par conséquent le chrétien ne doit pas assujettir son jugement, ne devant cette sujétion qu'à Dieu seul. C'est de cette prétention des indépendant que suivent les inconvénients que le synode de Charenton a si bier marqués. Car quelque profession qu'on fasse de se soumettre à la pa role de Dieu, si chacun croit avoir droit de l'interpréter selon son sens, et contre le sentiment de l'Église déclaré par un jugement dernier, cette prétention ouvrira la porte à toutes sortes d'extravagances; » elle << ôtera tout le moyen d'y apporter le remède, » puisque la décision de l'Église n'est pas un remède à ceux qui ne croient pas être obligés de s'y soumettre; enfin elle donnera lieu à « former autant de religions, » non-seulement « qu'il y a de paroisses, » mais encore qu'il y a de têtes.

Pour éviter ces inconvénients, d'où s'ensuivroit la ruine du christianisme, le synode de Charenton est obligé d'établir une dépendance en matières ecclésiastiques, » et même en matière de foi. Mais jamais cette dépendance n'empêchera les suites pernicieuses qu'ils ont voulu prévenir, si l'on n'établit avec nous cette maxime, que chaque Eglise particulière, et, à plus forte raison, chaque fidèle en particulier, doit croire qu'on est obligé de soumettre son propre jugement à l'autorité de l'Église.

Aussi voyons-nous au chap. v de la Discipline de messieurs de la religion prétendue réformée, titre des Consistoires, art. 31, que voulant prescrire le moyen de terminer « les débats qui pourroient survenir sur quelque point de doctrine ou de discipline, » etc., ils ordonnent premièrement que le consistoire tâchera « d'apaiser le tout sans bruit, et avec toute douceur de la parole de Dieu; » et qu'après avoir établi le consistoire, le colloque et le synode provincial, comme autant de divers degrés de juridiction, venant enfin au synode national, au-dessus duquel il n'y a parmi eux aucune puissance, ils en parlent en ces termes: « Là sera faite l'entière et finale résolution par la parole de Dieu, à laquelle s'ils refusent d'acquiescer de point en point, et avec exprès désaveu de leurs erreurs, ils seront retranchés de l'Eglise. » Il est vi sible que messieurs de la religion prétendue réformée n'attribuent pas l'autorité de ce jugement dernier à la parole de Dieu, prise en eliemême, et indépendamment de l'interprétation de l'Eglise, puisque cette parole ayant été employée dans les premiers jugements, ils ne laissent pas d'en permettre l'appel. C'est donc cette parole, comme interprétée par le souverain tribunal de l'Église, qui fait « cette finale et dernière résolution, à laquelle quiconque refuse d'acquiescer de point en point, » quoiqu'il se vante d'être autorisé par la parole de Dieu, n'est plus regardé que comme un profane qui la corrompt et qui en abuse. Mais la forme des lettres d'envoi, qui fut dressée au synode de Vitré en 1617, pour être suivie par les provinces, quand elles députeront au synode national, a encore quelque chose de bien plus fort. Elle est

conçue en ces termes : « Nous promettons devant Dieu de nous soumettre à tout ce qui sera conclu et résolu en votre sainte assemblée, y obéir, et l'exécuter de tout notre pouvoir, persuadés que nous sommes que Dieu y présidera, et vous conduira par son Saint-Esprit en toute vérité et équité, par la règle de sa parole. » Il ne s'agit pas ici de recevoir la résolution d'un synode, après qu'on a reconnu qu'il a parlé selon l'Ecriture: on s'y soumet avant même qu'il ait été assemblé; et on le fait, parce qu'on est persuadé « que le Saint-Esprit y présidera. Si cette persuasion est fondée sur une présomption humaine, peut-on en conscience « promettre devant Dieu de se soumettre à tout ce qui sera conclů et résolu, y obéir, et l'exécuter de tout son pouvoir? Et si cette persuasion a son fondement dans une croyance certaine de l'assistance que le Saint-Esprit donne à l'Église dans ses derniers jugements, les catholiques mêmes n'en demandent pas davantage. Ainsi la conduite de nos adversaires fait voir qu'ils conviennent avec nous de cette suprême autorité, sans laquelle on ne peut jamais terminer aucun doute de religion. Et si, lorsqu'ils ont voulu secouer le joug, ils ont nié que les fidèles fussent obligés de soumettre leur jugement à celui de l'Eglise, la nécessité d'établir l'ordre les a forcés, dans la suite, à reconnoître ce que leur premier engagement leur avoit fait nier.

Ils ont passé bien plus avant au synode national tenu à Sainte-Foi en l'an 1578. Il se fit quelque ouverture de réconciliation avec les luthériens, par le moyen d'un « formulaire de profession de foi générale et commune à toutes les Églises, » qu'on proposoit de dresser. Celles de ce royaume furent conviées d'envoyer à une assemblée qui se devoit tenir pour cela, « des gens de bien, approuvés, et autorisés de toutes lesdites Eglises, avec ample procuration pour traiter, accorder et décider de tous les points de la doctrine, et autres choses concernant l'union. » Sur cette proposition, voici en quels termes fut conçue la résolution du synode de Sainte-Foi : « Le synode national de ce royaume, après avoir remercié Dieu d'une telle ouverture, et loué le soin, diligence et bons conseils des susdits convoqués, et « approuvant les remèdes qu'ils ont mis en avant, » c'est-à-dire principalement celui de dresser une nouvelle Confession de foi, et de donner pouvoir à certaines personnes de la faire, « a ordonné, que si la copie de la susdite Confession de foi est envoyée à temps, elle soit examinée en chacun synode provincial ou autrement, selon la commodité de chacune province; et cependant a député quatre ministres les plus expérimentés en telles affaires, auxquels charge expresse a été donnée de se trouver au lieu et jour, avec lettres et amples procurations de tous les ministres et anciens députés des provinces de ce royaume, ensemble de Mgr le vicomte de Turenne, pour faire toutes les choses que dessus: même, en cas « qu'on n'eût le moyen d'examiner par toutes les provinces ladite Confession, on s'est remis à leur prudence et sain jugement, pour accorder et conclure tous les points qui seront mis en déli-· bán, soit pour la doctrine, ou autre chose concernant le bien, union et repos de toutes les Élises. » C'est à quoi aboutit enfin la

fausse délicatesse de messieurs de la religion pretendue réformée. Ils nous ont tant de fois reproché, comme une foiblesse, cette soumission que nous avons pour les jugements de l'Eglise, qui n'est, disent-ils, qu'une société d'hommes sujets faillir; et cependant étant assemblés en corps dans un synode national, qui représentoit toutes les Églises prétendues réformées de France, ils n'ont pas craint de mettre leur foi en compromis entre les mains de quatre hommes, avec un si grand abandonnement de leurs propres sentiments, qu'ils leur ont donné plein pouvoir de changer la même confession de foi, qu'ils proposent encore aujourd'hui à tout le monde chrétien comme une confession de foi, qui ne contient autre chose que la pure parole de Dieu, et pour laquelle ils ont dit, en la présentant à nos rois, qu'une infinité de personnes étoient prêtes à répandre leur sang. Je laisse au sage lecteur à faire ses réflexions sur le décret de ce synode; et j'achève d'expliquer en un mot les sentiments de l'Église.

Le Fils de Dieu ayant voulu que son Eglise fût une, et solidement bâtie sur l'unité, a établi et institué la primauté de saint Pierre, pour l'entretenir et la cimenter. C'est pourquoi nous reconnoissons cette même primauté dans les successeurs du prince des apôtres; auxquels on doit, pour cette raison, la soumission et l'obéissance que les saints conciles et les saints Pères ont toujours enseignée à tous les fidèles.

Quant aux choses dont on sait qu'on dispute dans les écoles, quoique les ministres ne cessent de les alléguer pour rendre cette puissance odieuse, il n'est pas nécessaire d'en parler ici, puisqu'elles ne sont pas de la foi catholique. Il suffit de reconnoître un chef établi de Dieu, pour conduire tout le troupeau dans ses voies; ce que feront toujours volontiers ceux qui aiment la concorde des frères et l'unanimité ecclésiastique.

Et certes, si les auteurs de la Réformation prétendue eussent aimé l'unité, ils n'auroient ni aboli le gouvernement épiscopal, qui est établi par Jésus-Christ même, et que l'on voit en vigueur dès le temps des.apôtres, ni méprisé l'autorité de la chaire de saint Pierre, qui a un fondement si certain dans l'Evangile, et une suite si évidente dans la tradition: mais plutôt ils auroient conservé soigneusement, et l'autorité de l'épiscopat, qui établit l'unité dans les églises particulières, et la primauté du siége de saint Pierre, qui est le centre commun de toute l'unité catholique.

Telle est l'exposition de la doctrine catholique, en laquelle, pour m'attacher à ce qu'il y a de principal, j'ai laissé quelques questions que messieurs de la religion prétendue réformée ne regardent pas comme un sujet légitime de rupture. J'espère que ceux de leur communion, qui examineront équitablement toutes les parties de ce traité, seront disposés, par cette lecture, à mieux recevoir les preuves sur lesquelles la foi de l'Eglise est établie; et reconnoîtront, en attendant, que beaucoup de nos controverses se peuvent terminer par une sincère explication de nos sentiments, que notre doctrine est sainte, et que, selon leurs principes mêmes, aucun de ses articles ne renverse les fondements du salut.

Si quelqu'un trouve à propos de répondre à ce traité, il est prié de considérer que, pour avoir quelque chose, il ne faut pas qu'il entreprenne de réfuter la doctrine qu'il contient, puisque j'ai eu dessein de la proposer seulement, sans en faire la preuve; et que si en certains endroits j'ai touché quelques-unes des raisons qui l'établissent, c'est à cause que la connoissance des raisons principales d'une doctrine fait souvent une partie nécessaire de son exposition.

Ce seroit aussi s'écarter du dessein de ce traité, que d'examiner les différents moyens dont les théologiens catholiques se sont servis pour établir ou pour éclaircir la doctrine du concile de Trente, et les diverses conséquences que les docteurs particuliers en ont tirées. Pour dire sur ce traité quelque chose de solide, et qui aille au but, il faut, ou par des actes que l'Eglise se soit obligée de recevoir, prouver que sa foi n'est pas ici fidèlement exposée; ou montrer que cette explication laisse toutes les objections dans leur force, et toutes les disputes en leur entier; ou enfin faire voir précisément en quoi cette doctrine renverse les fondements de la foi.

TRAITÉ DU LIBRE ARBITRE.

[ocr errors]

CHAPITRE PREMIER. · Définition de la liberté dont il s'agit. Différence entre ce qui est permis, ce qui est volontaire, et ce qui est libre.

Nous appelons quelquefois libre ce qui est permis par les lois; mais a notion de liberté s'étend encore plus loin, puisqu'il ne nous arrive que trop de faire même beaucoup de choses que les lois ni la raison ne permettent pas.

On appelle encore faire librement ce qu'on fait volontairement, et sans contrainte. Ainsi nous voulons tous être heureux, et ne pouvons pas vouloir le contraire; mais comme nous le voulons sans peine et sans violence, on peut dire, en un certain sens, que rous le voulons librement. Car on prend souvent pour la même chose liberté et volonté, volontaire et libre. Liberè, d'où vient libertas, semble vouloir dire la même chose que velle, d'où vient voluntas: et on peut confondre en ce sens la liberté et la volonté; ce qu'on fait libentissimè, avec ce qu'on fait liberrimè.

On ne doute point de la liberté en ces deux sens. On convient qu'il y a des choses permises, et en ce sens libres; comme il y a des choses commandées, et en cela nécessaires. On est aussi d'accord qu'on veut quelque chose, et on ne doute non plus de sa volonté que de son être. La question est de savoir s'il y a des choses qui soient tellement en notre pouvoir, et en la liberté de notre choix, que nous puissions ou 12 les choisir ou ne les choisir pas.

[blocks in formation]

Que cette liberté est dans l'homme; et que nous
connoissons cela naturellement.

1 Je dis que la liberté, ou le libre arbitre, considéré en ce sens, est certainement en nous, et que cette liberté nous est évidente:

1° Par l'évidence du sentiment et de l'expérience;

2° Par l'évidence du raisonnement;

3. Par l'évidence de la révélation, c'est-à-dire parce que Dieu nous l'a clairement révélé par son Écriture.

Quant à l'évidence du sentiment, que chacun de nous s'écoute et se consulte soi-même; il sentira qu'il est libre, comme il sentira qu'il est raisonnable. En effet, nous mettons grande différence entre la volonté d'être heureux, et la volonté d'aller à la promenade. Car nous ne songeons pas seulement que nous puissions nous empêcher de vouloir être heureux; et nous sentons clairement que nous pouvons nous empêcher de vouloir aller à la promenade. De même ncus délibérons, et nous consultons en nous-mêmes, si nous irons à la promenade, ou non; et nous résolvons comme il nous plaît, oa l'un, ou l'autre: mais nous ne mettons jamais en délibération, si nous voudrons être heureux

« PreviousContinue »