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morale; il se contenta de quelques mots sur la joie chrétienne, la paix, l'union des esprits et des cœurs, y joignit un bref salut, puis signa de cette bénédiction :

Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, et l'amour de Dieu, et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous 1. »

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L'impression produite par cette seconde lettre paraît avoir été décisive. A partir de ce moment en effet, non seulement les Actes et les Épitres ne parlent plus d'aucun trouble à Corinthe, mais saint Clément nous y montre tout schisme, toute rébellion en horreur et une paix profonde abondant en fruits de charité 2. Il est vrai qu'à l'heure où l'évêque de Rome donnait ces louanges aux Corinthiens, l'esprit de faction renaissait parmi eux 3; mais ce n'était plus pour le même objet; la querelle des Judaïsants avait cessé, et l'autorité de Paul demeurait sans conteste. Pour un temps, le souhait qui termine la lettre de l'apôtre se trouva donc accompli : après tant de luttes et de partages, les esprits, les cœurs s'unirent, «<le Dieu d'amour et de paix » régna dans Corinthe.

1 II Cor., XII, 17.

2 S. Clément, I Ep. ad Corinth., 1-1.

3 Id., XLVII.

4 II Cor., XIII, 11.

CHAPITRE TREIZIÈME.

SAINT PAUL ET LES JUDAÏSANTS.

Paul, laissant Tite et ses deux compagnons se diriger vers Corinthe, continua d'évangéliser la Macédoine. L'activité de cet apostolat est le seul trait que saint Luc en ait recueilli '; selon toute apparence, nous l'avons vu, l'historien des Actes s'éloignait avec Tite; il ne connut donc pas les détails de la mission qui fut prêchée en son absence. Quelques mots de S. Paul dans l'Épître aux Romains nous permettent d'en apprécier mieux le caractère. Il montre Jérusalem demeurant encore à ses yeux le point de départ et le centre de ses travaux 2, de là toutefois le cercle de sa troisième mission s'élargissant jusqu'à l'Illyrie. C'est à peine s'il avait quitté la lisière des côtes dans ses précédents voyages; mais cette fois il allait pénétrer dans l'intérieur de la Macédoine et pousser même aux rives de l'Adriatique. La principale route à travers ces pays montueux, la voie Egnatienne, le menait à la côte occidentale de Macédoine, l'Illyrie proprement dite,

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2 Από Ιερουσαλὴμ καὶ κύκλῳ μέχρι τοῦ Ἰλλυρικοῦ. Rom., IV, 19.

celle des Grecs'. Est-ce de cette région que parle l'apôtre dans sa Lettre aux Romains, ou plutôt n'at-il pas en vue le pays de brigands et de pirates, situé plus au nord, que Rome contenait à grand'peine, et qu'elle appela successivement province d'Illyrie, puis de Dalmatie 2? Paul, dans la dernière lettre qui nous reste de lui, annonce que Tite est chez les Dalmates3; vraisemblablement ce disciple envoyé par lui visitait alors les chrétientés fondées au temps qui nous occupe. Quelles qu'aient été l'étendue et la durée de cette mission, elle remplit les vues de Paul, car après l'avoir achevée, embrassant du regard le champ de son apostolat, la Syrie, l'Asie Mineure, la Grèce jusqu'à l'Illyrie, il reconnut que partout « l'Evangile du Christ avait été pleinement annoncé »; désormais <«< nul motif de demeurer plus longtemps en ces régions »; il pouvait librement se tourner vers la partie du monde qui lui restait à conquérir, Rome et l'Occident 6.

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Mais ce n'était pas encore l'heure de mettre à exécution ces vastes desseins. Les aumônes pour le tribut de la cité sainte se trouvaient recueillies; or, Paul tenait à religion de les porter à Jérusalem, et à hon

1 La province de Macédoine comprenait l'ancienne Illyrie grecque, c'est-à-dire toute la côte de l'Adriatique entre les villes de Lissus et d'Aulona (Cicéron, de Prov. Cons., 3. In Pison., 34. - Dion Cassius, XLI, 49).

2 Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, p. 295. 3 II Tim., IV, 10.

4 Rom., xv, 19.

" Id., xv, 23. • Id., xv, 24.

neur de faire auparavant cette visite de Corinthe tant de fois annoncée et remise. Il se rapprocha donc des côtes de l'Archipel où l'attendaient les délégués chargés de l'accompagner en Judée et il prit avec eux la route d'Achaïe. Jamais son cortège n'avait été plus nombreux «< Sopater de Bérée, fils de Pyrrhus, les Thessaloniciens Aristarque et Secundus, Caïus de Derbé, Timothée, Tychique et Trophime d'Asie '. » A cette petite troupe se joignirent dès Corinthe les disciples qui se trouvaient déjà dans cette ville, Tite, Luc2, Justus3, Stéphanas, Fortunat, Achaïcus, Lucius, Jason, Tertius, Éraste le trésorier de la cité, Quartus, Caïus le Corinthien qui reçut l'apôtre à ce second séjour 5.

La joie de Paul de se voir ainsi entouré, et de retrouver ses Églises d'Achaïe, calmes, soumises, ne tarda guère à être troublée. Les nouvelles se transmettaient promptement sur la grande route de l'Asie à Rome dont Corinthe était une étape. Dès son arrivée, Paul y apprit les dangers que couraient les Églises de Galatie. Les Judaïsants, acharnés à sa poursuite, étaient parvenus dans ces régions écartées, et là, comme partout, ils travaillaient à décrier sa personne et sa parole.

Leur tactique était insidieuse. Sans méconnaître les décisions de l'assemblée de Jérusalem reçues depuis longtemps dans ces chrétientés, ils les représentaient comme une pure concession au parti novateur de

1 Act., XX, 4.

2 II Cor., VIII, 17, 18.

3 Act., XVIII, 7.

4 I Cor., XVI, 15.
5 Rom., XVI, 21-23.

Paul, mais qui n'ôtait rien à la Loi de son autorité. A les entendre, si la foi en Jésus suffisait au salut, la circoncision et les observances mosaïques donnaient au fidèle qui les pratiquait une perfection où n'atteindraient jamais les autres. L'Évangile de Paul n'avait donc apporté en Galatie qu'un christianisme incomplet, découronné de ce qui en faisait le prix et la gloire. Et comment s'en étonner au souvenir de ce qu'avait été leur prétendu apôtre? D'ennemi du Christ devenu brusquement croyant, il avait porté dans sa voie nouvelle l'orgueilleuse présomption du persécuteur. Bien que jamais il n'eût vu Jésus, ni entendu sa parole, il s'était arrogé le droit de façonner à sa guise un nouvel Évangile. Que valaient ces imaginations, comparées à l'enseignement de Pierre, de Jacques, de Jean, de ceux qui dès le commencement avaient été les témoins de la vie du Maître, les dépositaires de sa doctrine? Ces grands apôtres, «< colonnes de l'Église1», demeuraient les exemplaires de la foi; n'était parfait chrétien, vrai fils d'Abraham et héritier de ses promesses que celui-là qui se modelait sur eux, gardait la Loi à leur exemple et en portait la marque dans sa ehair.

Plus que toute autre pratique du mosaïsme la circoncision, sceau de l'antique alliance, était chère aux Judaïsants; mais, nous l'avons vu, plus que toute autre aussi, elle répugnait aux chrétiens de Galatie. Ces fidèles, sortant pour la plupart de la gentilité, n'avaient accueilli si favorablement l'évangile de Paul que parce

1 Gal., II, 9.

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