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que les Judaïsants ne tarderaient pas à porter dans Rome le trouble qu'ils semaient en Asie Mineure : « Frères, écrivit-il, ayez l'œil sur ces hommes qui causent les divisions et les occasions de chute par des enseignements qui ne sont pas selon la doctrine que vous avez apprise; éloignez-vous d'eux; car ces sortes de gens ne servent point Notre-Seigneur, mais leur propre ventre, et par de douces paroles et un beau langage ils séduisent les cœurs des simples... Soyez sages pour le bien, et innocents devant le mal, et le Dieu de paix brisera bientôt Satan sous vos pieds 2. » Trois fois l'apôtre, prenant lui-même la plume, avait mis comme sceau à sa lettre des souhaits de paix et de grâce 3. Sa dernière et définitive signature fut cette belle doxologie :

« A celui qui est puissant pour vous affermir dans mon Évangile et dans la doctrine de Jésus-Christ que je prêche selon la révélation du mystère qui, étant demeuré caché à tous les siècles passés, est découvert maintenant, par le moyen des oracles et des Prophètes, selon l'ordre du Dieu éternel, et qui est venu à la connaissance de tous les peuples afin qu'ils obéissent à la foi, à Dieu, qui est le seul sage, honneur et gloire par Jésus-Christ dans les siècles des siècles. Amen1. »

Ce goût du luxe et de la bonne chère était commun chez les Judaïsants, car l'apôtre le leur reproche constamment. II Cor., XI, 20. Philip., II, 19. Tit., I, 12.

2 Rom., xvi, 17-20.

3 Id., xv, 33; XVI, 20, 24.

4 Id., XVI, 25-27.

Une chrétienne, Phœbé, diaconesse de Kenchrées, l'un des ports de Corinthe, était appelée à Rome par ses affaires. Paul lui confia sa lettre recommandant aux Romains de l'assister dans ses besoins en retour de la grande charité qu'elle avait toujours eue pour les frères et tout particulièrement pour lui-même 1. L'humble sœur emporta respectueusement le message, mais sans se douter assurément qu'elle tenait en main un de ces écrits que le monde méditera jusqu'au dernier jour. Nul sage, en effet, nulle école ne jettera de pareilles lumières sur ce qu'il importe ici-bas de connaître; la vie morale, le mal, l'homme, ses luttes et sa destinée, son union surnaturelle à Jésus.

1 Rom., xvi, 1, 2.

CHAPITRE QUINZIÈME.

RETOUR DE SAINT PAUL A JÉRUSALEM.

Les pensées que Paul exprimait dans ses lettres aux Galates et aux Romains n'étaient que l'écho de sa parole, de ses conversations de chaque jour. Au cours des trois mois qu'il passa en Achaïe, tout Corinthe l'entendit répéter que c'en était fait du mosaïsme 1, que, dans ses observances, on devait voir seulement l'ombre des réalités de la foi nouvelle 2. Israël sans doute y possédait les premiers éléments de la vérité, mais il les bégayait à la manière des enfants qui discernent mal ce que prononcent leurs lèvres 3; nulle force morale, nulle ressource dans ces pratiques surannées. Les Juifs, toujours aux aguets, connurent des premiers les hardiesses décisives où en venait Paul dans ce second séjour entre lui et leur foi ils sentirent la lutte

1 Gal., IV, 9-11; v, 1-6. Rom., III, 20; IX, 31-33; x, 21; XI, 1-10. 2 I Cor., x, 6-11.

:

3 Gal., IV, 3, 9 : τὰ στοιχεῖα τοῦ κόσμου..... ἀσθενῆ καὶ πτωχὰ OTOXETα les premiers principes, les éléments d'une instruction plus terrestre et mondaine que spirituelle; ici évidemment les préceptes, les observances grossières et charnelles du mosaïsme. Cf. Coloss., II, 8, 20.

ouverte à outrance; il fallait qu'un des deux disparût; sous main ils décidèrent que ce serait l'apôtre, et à bref délai. Leur mésaventure devant Gallion les avait dégoûtés de tout mouvement séditieux'; partout où s'étendait l'autorité de Rome, ils voyaient Paul assuré de trouver justice et protection. Mais ils apprirent son dessein de s'embarquer sous peu et de traverser directement de Corinthe en Palestine; là ils retrouvaient leurs avantages 2. La marine marchande dépendant des courtiers, aussi riches que nombreux dans la communauté juive, il ne s'agissait que de gagner un capitaine sans scrupule, et de le charger d'un crime que la mer engloutirait l'embûche fut vite dressée.

Heureusement Paul en reçut avis, car le calme apparent des Israélites de Corinthe avait détourné d'eux son attention; c'était au loin qu'il regardait le danger : « Je vous en conjure, frères, écrivait-il aux Romains..., combattez avec moi dans vos prières à Dieu, afin que je sois délivré des incrédules qui sont en Judée, et que les saints de Jérusalem reçoivent favorablement le service que je vais leur rendre3. » Contraint de se garder sur l'heure même et au plus près, il renonça au trajet direct qui lui eût permis d'être à Jérusalem pour la Pâque, et décida de refaire le long circuit autour de l'Archipel. Les routes de terre surveillées par l'autorité romaine étaient plus sûres. Paul, au reste, ne devait point les parcourir seul les disciples

1 Act., XVIII, 12-17.

2 Id., xx, 3.

3 Rom., xv, 30, 31.

venus avec lui à Corinthe avaient mission de le suivre. C'étaient, on s'en souvient, Timothée et les délégués portant chacun l'offrande de leur Église, Sopater de Bérée, Aristarque et Secundus de Thessalonique, Caïus de Derbé, Tychique et Trophime d'Asie'.

Tous, partant en même temps que l'apôtre, l'accompagnèrent jusqu'en Macédoine. A quelque point de la côte, une occasion se présenta de passer aux rives d'Asie. Paul en profita, mais pour ses compagnons seulement il leur fit prendre les devants avec cette seule instruction de l'attendre à Troas 2. Quant à lui, il se dirigea vers Philippes, dans l'espoir d'y trouver l'aide nécessaire pour achever son voyage en sécurité. Sans doute, au port de Thessalonique, l'un des plus fréquentés de l'Archipel, il eût rencontré quelque vaisseau appareillant pour les côtes de Syrie; mais les Juifs y étaient puissants, et il devait en redouter la même animosité, les mêmes dangers qu'à Corinthe. Philippes, au contraire, demeurait la plus dévouée de ses chrétientés. Le vent de haine qui soulevait contre lui les juiveries des grandes cités maritimes ne soufflait point à Néapolis, le port de cette ville. Où mieux s'adresser pour éviter les périls dont sa navigation venait d'être menacée?

Paul retrouva en ces lieux Luc l'Évangéliste, qui, de Corinthe où il n'avait fait qu'accompagner Tite, s'était hâté de revenir à Philippes. Depuis six ans, ce disciple annonçait la Bonne Nouvelle aux chrétientés

1 Act., XX, 4.

2 Id., xx, 5.

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