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reconnu, non légalement autorisé, semblent fondés à prétendre plus de droits que les Ordres religieux reconnus. Ces derniers sont astreints, en effet, à certaines formes, à certaines conditions auxquelles ils doivent se soumettre, à peine de perdre immédiatement le bénéfice de la sanction légale dont ils jouissent; tandis que les Ordres religieux non reconnus paraissent avoir le droit de repousser toute espèce de forme spéciale que l'on voudrait leur imposer, et, à toute entreprise de cette nature, de pouvoir opposer cette réponse : Nous ne sommes pas reconnus, donc nous restons dans le droit commun, donc nous devons être traités comme tous les autres citoyens.

Et cette réponse est conséquente avec l'état actuel de la jurisprudence, à ce point qu'elle a été spontanément déduite et prévue en justice, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant.

CHAPITRE SECOND

Des Décisions rendues.

Si puissante que soit l'autorité de la jurisprudence, il faut cependant se garder de croire que cette autorité doive être considérée comme absolue, et surtout comme définitive. Indépendamment de nombreux arrêts infirmatifs qui mettent tous les jours à néant des décisions de justice, l'expérience nous apprend que, dans la plupart des cas soumis à l'appréciation des cours et tribunaux, des arrêts sont respectivement invoqués et produits par chacune des parties contendantes qui semblent devoir déterminer dans le sens de leurs prétentions la sentence des magistrats appelés à prononcer.

C'est que, d'une part, les arrêts invoqués

peuvent être facilement détournés de leur véritable sens, de leur signification réelle par une interprétation défectueuse et erronée; c'est que, d'autre part, les espèces sont bien rarement identiques, à ce point qu'elles se produisent dans des circonstances d'exactitude mathématique et rigoureuse telles que le point de fait et le point de droit coïncident en toutes leurs parties.

Et puis, il faut bien le reconnaître, tous les arrêts n'ont pas la même valeur : tous également respectables au point de vue du droit, tous également pourvus d'une même force exécutoire, ils n'ont cependant pas tous la même puissance morale, ils n'ont pas tous la même autorité juridique, et souvent ils présentent des différences considérables quant aux principes dont ils posent les bases, ou dont ils expliquent l'économie.

Ne sait-on pas d'ailleurs que la chose jugée ne peut que très-exceptionnellement seulement être invoquée en justice, puisque l'autorité absolue que la loi lui accorde (1) n'est acquise

(1) Art. 1350, 1351.

à l'espèce pendante qu'alors seulement que la chose demandée est la même que celle sur laquelle il a été statué par le jugement invoqué; et que la demande est fondée sur les mêmes causes et formée entre les mêmes parties, agissant en la même qualité.

Somme de conditions impérieusement requises, et qui ne se rencontrent que très-rarement dans les instances introduites devant une juridiction quelconque. Indépendamment de cette considération, que la décision antérieurement rendue n'est pas nécessairement applicable à toute espèce similaire, et que, loin de là, chaque contestation, chaque difficulté présente la plupart du temps ses éléments propres, son caractère spécial, qui doivent nécessairement provoquer une décision à elle propre et spéciale également.

Ce n'est donc pas la quotité des arrêts rendus en matière d'apparence analogue qui constituera la force de la jurisprudence, mais au contraire sera-ce l'autorité morale et personnelle des magistrats qui auront formulé cès arrêts, et dont l'opinion seule eût suffi, comme étant celle de jurisconsultes éclairés, à faire

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