Page images
PDF
EPUB

mandements du droit civil pour proscrire les ventes faites à des êtres collectifs que la loi ne reconnaît pas et qu'elle prive de toute action. en justice;

[ocr errors]

Qu'il est de l'intérêt général de maintenir ces règles salutaires;

[ocr errors]

Que la Communauté de l'Adoration perpétuelle n'est pas légalement autorisée ;

» Et que dès lors la vente du domaine des Feuillants est entachée d'une nullité d'ordre public.

» Par ces motifs, la Cour : Infirme, déclare nulle la vente du 11 juillet 1828; ordonne, en conséquence, que le domaine des Feuillants sera remis par les intimés au sieur Boulnois avec les fruits qui ont pu être recueillis depuis la prise de possession (1).

[ocr errors]

:

Comme on le voit, ce sont toujours les mêmes griefs, les mêmes raisons de décider la jurisprudence est constante; elle est clairement exprimée, fortement établie, et les Congrégations

(1) 1re Chambre, audience des 22, 29 décembre 1853 et 5 janvier 1856. Affaire des héritiers Boulnois contre la Communauté de Picpus, en la personne de Mgr l'évêque de Chalcédoine.

religieuses non autorisées constituent à ses yeux une classe d'êtres à part, mixtes, indéterminés, qui ne forment même pas de personne civile: ils sont en fait; ils ne sont pas en droit.

Et cependant, par cela seul qu'ils sont, ils ont des droits, ne fût-ce que le droit de vivre, le droit de prier, le droit de secourir ceux qui souffrent, de consoler les affligés!

S'ils n'étaient pas, comment pourrait-on diriger une action contre eux? Cette action ellemême n'est-elle pas une reconnaissance implicite de leur existence?

Est-il besoin d'ajouter que la Cour suprême, la Cour de cassation, elle aussi, a dès longtemps sanctionné ce principe, et qu'elle a souverainement décidé que la Communauté non autorisée est dépourvue d'existence légale (1)?

Nous nous bornerons donc, à l'occasion de l'arrêt que nous venons de citer, à rappeler cette considération purement passive que présentait à la Cour M. l'avocat général Flandin dans son réquisitoire :

(1) Cassation, 21 décembre 1852.

« La loi du 2 janvier 1817, celle du » 24 mai 1825, empêchent qu'une Congréga

[ocr errors]

» tion religieuse non autorisée ne puisse » comme être collectif, comme personne civile, recevoir, acquérir, posséder.

[ocr errors]
[ocr errors]

» Que cette législation soit bonne ou mau

vaise, qu'elle soit en désaccord ou non avec » cette indépendance absolue, illimitée, que chacun voudrait s'arroger aujourd'hui, ce » n'est pas là la question : le magistrat ne fait la loi, il l'applique.

pas

[ocr errors]

C'est en ces termes que l'organe du ministère public appréciait lui-même le régime légal sous lequel les Communautés religieuses sont actuellement placées, et il ajoutait :

[ocr errors]

« Ainsi aucune Congrégation religieuse ne peut légalement exister en France sans une auto» risation du gouvernement; même autorisée, » elle ne peut posséder que sous le même con» trôle et dans une certaine mesure; non au

[ocr errors]

torisée, elle n'a aucune existence civile, et » ne peut ni recevoir, ni transmettre. »

C'est dans l'esprit de cette doctrine que le tribunal civil de Tours a jugé, lé 7 juillet 1859, que la donation manuelle d'une somme d'ar

gent quelconque faite à une Communauté religieuse, même légalement reconnue, est sujette à rapport quand celle-ci n'a pas été spécialement autorisée à accepter la donation qui lui a été remise.

La jurisprudence est donc loin de favoriser les instituts religieux (1); et cependant ces instituts ne sont, à proprement parler, régis par aucune législation d'exception; puisque la loi de 1825, celle-là surtout que l'on invoque si volontiers, et que l'on applique si sévèrement en cette matière, ne concerne que les Communautés religieuses de femmes seulement, et nullement les Communautés religieuses d'hommes. La disposition spéciale de cette loi est exclusivement relative aux premières, à ce point que lors de sa discussion

(1) Un arrêt de la cour de cassation du 18 août 1858 décide même que la disposition testamentaire par laquelle une personne destine une somme déterminée de sa succession à être employée en prières et en aumônes dont le choix est confié par elle à son exécuteur testamentaire, ne saurait être qualifiée de simple charge de la succession, et validée à ce titre; Qu'elle constitue un legs qui doit être annulé comme fait au profit de personne incertaine ;

Et qu'un tel legs doit au moins être considéré comme une fondation pieuse et charitable, pour l'acceptation de laquelle l'autorisation du gouvernement est indispensable.

il a été solennellement proclamé qu'elle avait pour objet de rétablir les Communautés religieuses détruites par la Révolution; mais qu'il ne s'agissait que des Communautés de femmes ; et que si jamais on venait à désirer l'établissement régulier de Communautés d'hommes, une loi nouvelle serait nécessaire, et la discussion des Chambres serait inévitablement appelée sur la question de savoir si ces Communautés doivent, ou non, être autorisées (1).

Les adversaires de la loi de 1825 ont reconnu eux-mêmes la nécessité d'une loi à venir pour régler l'état civil des Communautés religieuses d'hommes. Ces Communautés sont admises par l'Église comme les Communautés de femmes. La loi devra un jour conférer aux premières les capacités réclamées pour les secondes (2).

C'est encore uniquement en vue des Communautés religieuses de femmes que fut rendu le décret du 31 janvier 1852, aux termes duquel le Président de la République, sur la

(1) Chambre des pairs, séance du 3 février1825.

(2) M. Meghin, Chambre des députés, séance du 6 avril 1825.

« PreviousContinue »