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au fecond rang, & paroiffent tantôt féparés's jantôt réunis, fans fe nuire ni fe confondre

F'autre

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Du côté des Païens, on ne voit pas comment Aladin auroit pu foutenir le fiége, s'il n'avoit eu pour fa défenfe que les tronpes renfermées avec lui dans la ville. Pas un Guerrier de marque ne s'y fait diftinguer: il faut que Clorinde arrive d'un côté, Argant de Soliman d'un troifième: mais lorf qu'ils font réunis, ces trois caractères diverfement héroïques ont un éclat prodigieux, qu'on pourroir même accufer quelquefois d'éclipfer celui des Héros Chrétiens. La tendre Erminie jette au milieu de ces couleurs fortes, une nuance douce qui repofe agréablement les yeux. L'Enchantereffe Armide vient à fon tour, & fixe tous les regards. C'eft une de ces heureufes inventions qui fortent du cerveau d'un • Poëte pour s'imprimer dans la mémoire des hommes, & ne s'en effacer jamais.

L'armée d'Egypte,qui paroît à la fin du Poëme pour donner un dernier relief à la valeur des Chrétiens, fournit encore de nouveaux caractères, parmi lefquels on diftingue fur tout ceux d'Adrafte & de Tiffapherne. Elle fournit auffi non feulement de nouveaux incidens, mais un nouveau dénombrement poétique, des peintures nouvelles de moeurs & de coftumes étrangers. Elle donne enfin une dernière preuve de la féconde imagination du Taffe & de l'étendue de fon génie.

Quant à fa fublimité, la preuve en eft, en quelque forte, répandue dans tout le Poëme. On la trouve dès l'invocation adreffée à cette Mufe, qui n'a point fur l'Helicon le front ceint d'un laurier periffable, mais qui, parmi les chœurs leftes, porte une couronne d'or & d'étoiles immor

telles. On la trouve dans la manière dont fe fait l'expofition du Poëme, dans ce regard que l'Eternel jette fur la Syrie & fur l'armée Chrétienne, regard qui pénètre au fond des cœurs de tous les Chefs, & qui nous y fait pénétrer nous-mêmes on la trouve dans l'annonce brufque & terrible du caractère d'Argant, lorf qu'il fecoue fon manteau devant les Chrétiens affemblés, & qu'il paroît en faire fortir la fureur, la difcorde & la guerre. Le confeil infernal, quoiqu'imité & prefque traduit de Vida (1); la mort du jeune Suénon, & fon difcours avant le combat; la fuite de Soliman; la defcription du trône de l'Eternel; celle de cette féchereffe dévorante qui met l'armée Chrétienne à deux doigts de fa perte; un nombre infini de pensées & de fentimens, quelquefois énoncés dans le ftyle le plus noble & le plus poétique, comme ceux de ce vieillard qui montre à Renaud notre vrai bien, non dans des plaines agréables, parmi les fontaines & les curs au milieu des Nymphes & des Syrènes, mais fur la cime du mont escarpé où habite la Vertu; quelquefois indiqués par l'attitude feule ou par l'expreffion des traits du vifage, comme lorfque ce même Renaud, averti par Tancrède que Godefroi veut le faire arrêter fourit avant de répondre, & qu'un courroux dédaigneux éclaté à travers fon fourire; mille traits enfin dont tout ce Poëme étincelle, font des preuves auffi multipliées que frappantes, de l'élévation & de la fublimité du génie du Taffe.

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Mais tant de beautés ne font-elles pas obfcurcies par les défauts que Boileau lui repro che? C'est ce qu'il reste à examiner. Allons par ordre; & avant que de chercher dans la

(1) V. Chriftiad. Lib. I.

Jerufalem délivrée ce qui justifie le jugement de Defpréaux, voyons ce que quelques amis du Taffe penfoient de cet Ouvrage, & ce qu'il en penfoit lui-même.

(La fuite au Mercure prochain. )

SPECTACLES.

CONCERT

SPIRITU E L.

IL y a long-temps qu'on n'avoit eu de

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Concerts aufli brillans que l'ont été ceux de cette quinzaine on qu'on y ait donné beaucoup de nouveautés, mais on y a vu réunis avec un plaifir extrême, des talens très-diftingués & déjà chers au Public. Madame Todi, dont nous avons déjà parlé avec éloge, & qui eft au deffus de tout éloge par fon habileté › par le charme de fon expreffion & la perfection de fa méthode, a foutenu le fuccès qu'elle a en d'abord en reparoiffant ici. L'enthoufiafme qu'elle a excité, & qui ne s'eft point ralenti, juftifie pleinement l'accueil flatteur qu'elle a reçu dans plufieurs Cours Souveraines, notamment dans celle de Ruffie, où elle a été comblée des bontés d'une Impératrice qui fait fi bien apprécier les talens, & à celle de Berlin, où elle est en

core attachée & dont elle fait les délices.

Un triomphe bieu flatteur pour Mademoifelle Balletti, première femme férieufe du Théatre de Monticur, cft d'avoir reçu les applaudiffemens les plus vifs au milieu de ceux que l'on prodiguoit fi juftement à Madame Todi. Le Public, qui n'eft pas toujours auffi raifonnable, a fu reconnoitre féparément & fans les comparer, les qualités éminentes qui diftinguent ces deux Virtuofes: il les a plutôt traitées en émules qu'en rivales, & a trouvé le moyen de partager les applaudiffemens fans les diminuer.

M. Rovedini & M. Mengozzi, tous deux ́également attachés au Théatre de Monfieur, & dont le raérite eft de plus en plus goûté, ont achevé de rendre la partie du chant extrêmement intéreffante cette année. Mademoifelle Sainte-James, qui s'eft fait entendre une fois, a été fort applaudie & l'on a cuffi donné beaucoup d'encouragemens à Madedemoiselle Parifot, jeune élève de l'Ecole de chant, qui a déjà une grande habileté, & qui promet plus encore lorfque fes moyens feront développés.

Mademeifele Vaillant, ainfi que MM. Lays, Rouleau, Chardini & le Brun, ont exécuté avec les applaudiffemens auxquels ils font accoutumés, plufieurs oratoires ou fcènes françoifes, parmi lefquelles on a diftingué celles de M. Berton, jeune Compofiteur, qui s'avance chaque jour vers la

plus grande réputation, & deux nouvelles fcènes de M. le Brun, qui confirment l'idée avantageufe qu'il a donnée de fon talent.

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Il n'y a eu en Moters qu'une feule nouveauté; favoir, l'In cxitu de M. Zingarelli. Cet habile Compofiteur, qui n'est encore connu en France que par de charmans morceaux détachés mais qui infpire le plus vif défir de pouvoir le juger dans de plus grands ouvrages, n'a pas autant réuffi dans ce Motet. On auroit tort cependant d'en rien conclure contre fon mérite; il faut confidérer que la févérité du ftyle d'églife en ufage en Italie, n'eft pas encore adoptée en France, où l'on aime qu'elle foit tempérée par les graces du chant théatral. Tous les autres Moters, déjà connus, ainfi que les divers Stabat, ont été entendus avec le même plaifir.

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Prefque tous les concertos ont extrêmement réufli; la plupart ont été exécutés pard des Virtuofes dont le fuccès eft affuré depuis long-temps, tels que MM. Lefèvre. pour la clarinette, Aldée, pour le violon, Caravoglia, pour le hautbois, Duport pour le violoncelle, Peret, pour le baffon, ainfi que Mademoiselle Dorison, pour le Forte-piano. M. Eck, charmant violon, dont nous avons déjà parlé, a joui, pendant toute la quinzaine, du plus brillant fuccès. M. Jadin, fur le forte-piano, a fair grand plaifir, & M. le Vaffeur, que fa ti

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