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LOGOGRIPHE.

JE n'ai pas une ride, & j'ai plus de mille ans ;
Vierge, j'eus des époux ; veuve, j'ai des amans;
Je vends cher mès faveurs; beaucoup ont la me
plaire,

Mais nul n'eft digne encor de mes embraffemens ;
Je foupire à Paris, je hurle en Angleterre,
Et m'attendris parfois avec les Allemands.
Neuf pieds compofent ma fubftance.
Qu'il fort de rejetons de cette tige immenfe!
Si la mer en courroux menace une Cité,
L'un peut impunément braver fa violence;
L'autre avec fon gémeau n'eft guère fréquenté à
Tantôt, à peu de frais, je réchauffe la France;
Fantôt je fuis un Dieu terrible & redouté.
Vois-tu ce dem:-Dicu? d'un Héros il eft père;
Pour lui donner le jour, il garrotta la mère.
Prends quatre de mes pieds, & je vais, à ton choix,
Porter ou Tiate ou Couronne,

Etre Royaume, on bien Ville à la fois.
Veux-tu m'ouvrir le fein? ajoute un pied.... frif

fonne!....

Mais arrête, crois-moi, ton regard eurieux;

Il en couta jadis trop cher à tes aïeux.

(Par un Abonne.)

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

LA caufe des Efclaves Nègres & des Habitans de la Guinée, portée au Tribunal de la Juftice, de la Religion, de la Politique; on Hiftoire de la Traite & de l'Esclavage des Nègres; preuves de leur illégitimité; moyens de les abolir, fans nuire ni aux Colonies ni qux Colons: par M. FROSSARD, Docteur en Dreit dans l'Univerfité d'Oxford, Miniftre du Saint Evangile, &c. &c. &c. 2 Volumes in 8°. A Lyon; & fe trouve à Paris, chez les Marchands de Nouveautés.

QUAND

UAND Ce Philofophe, dont l'éloquence ambitieufe fe plut quelquefois à foutenir les plus étranges paradoxes, pour mieux déployer toutes les reffources de fon talent; quand Rouffeau attaqua l'empire des Sciences, avec les armes même que les Sciences lui fourniffoient, il ne trouva point d'Adverfaire digne de fe mesurer avec lui. Tous ceux qui auroient pu défendre la caufe des Lettres, étonnés de

l'audace, & plus encore du pouvoir de l'agreffeur, gardèrent le filence; & la multitude, fubjuguée par la force ou séduite par les graces de fon ftyle, crut qu'il avoit raifon. Mais, de nos jours, où l'efprit d'analyse a fait plus de progrès, où l'on juge, avec une plus grande certitude les opinions & les raifonnemeas, il n'eft perfonne qui ne penfe qu'en acquérant des lumières, les hommes deviennent meilleurs. Il n'eft plus de préjugé que la philofophie ne fe hâte de combattre: il n'eft point de vérité qu'elle ne démontré; & depuis cinquante ans, elle a fait plus de bien au Monde, que vingt fiècles d'erreurs ne lui avoient fait de mal. Qui pourroit donc réfifter à l'évidence lorfqu'une tendance générale des efprits les porte vers la juftice? lorfque la bienfaifance eft devenue un befoin, & l'égalité une paflien: lorfque les droits de l'homme enfin ne font plus méconnus dans aucune des claffes de la Société ? N'eft-ce pas l'étude des Lettres, qui, en étendant l'empire. de la penfée, a produit cette heureufe révolution dans les cfprits, & préparé une révolution plus heureufe encore dans les Gouvernemens? N'eft ce pas elle qui, après avoir enhardi quelques Sages à couper prefque toutes les têtes de l'hydre du fanatifme, & à couvrir d'opprobre la tyrannie féodale, les excite fans ceffe à plaider pour l'humanité?

L'élévation des fentimens eft profque
ES

toujours le fruit d'une éducation foignée, & les vertus éclatantes ne femblent jamais Le partage que d'un efprit étendu. Ce n'eft que quand on a bien réfléchi fur les préjugés & les erreurs fans nombre qui ont afligé la Terre, qu'on le pénètre de cet amour de l'ordre qui ne pardonne point à l'erreur & au préjugé. Ce n'eft que quand on a beaucoup de courage & une fenfibilité très éclairée, qu'on facrifie fon repos à la gloire dangereufe de défendre l'innocence & de venger le malheur.

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M. Frollard doit être, fans contredit compté parmi les Ecrivains qu'honore un fi noble dévouement. L'Ouvrage qu'il vient de publier fur l'Efclavage des Nègres, le place au premier rang des défenfeurs de T'humanité; & il a l'avantage de réunir à un enthoufiafme fouvent éloquent, certe difcuffion tranquille & modérée, qui ne s'appuie que fur des autorités irréculables.

Ce Livre mérite d'autant plus d'être lu & médité, qu'il intéreffe non feulement la politique, inais l'humanité. Dans le systême actuel de prefque tous les Gouvernemens de l'Europe, le commerce de l'Amérique femble être néceflaire à leur fplen'deur, comme fes productions à nos jouilfances. Mais fans des Efclaves Nègres,

difent les partifans de l'Efclavage, plus » de commerce avec les Antilles, plus de "productions Américaines. Heureufement cette dernière affertion n'eft pas dé

montrée; mais s'il falloit effectivement opter entre le plaifir de manger des dragées & là justice d'épargner à des millions d'infortunés tous les maux que leur coute notre fenfualité; fi l'on fongeoit que chaque morceau de fucre qu'on prend après diner, a fait verfer plus de fang humain qu'il n'y a de café dans la talle où on le fait diffoudre, eft-il perfonne qui ne renonçât avec joie à une gourmandife inútile & barbare? Toutefois ne nous hâtons point d'entrer dans cette intéreflante difcution Tuivons plutôt la marche de M. Froffard; analyfons ce qu'il dit contre la Traite & Efclavage des Nègres; préfentons une efquille du tableau de leur pays & de leurs mœurs, ainsi que des maux qu'on leur fait Tonffrir avant de les tranfporter dans nos Colonies, & nous examinérons enfuite trèsbrièvement fi nous ne pourrions pas cultiver nos Colonies fans rendre les Nègres malheureux.

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C'éteit précisément à l'inflant où l'on venoit d'abolit fa fervitude dans la plus grande partie de l'Europe, que les Européens allèrent l'établir en Amérique, & là la tyrannie ayant bientôt exterminé des Peuples innombrables, & croyant n'en avoir pas affez à tourmenter, s'empreffa d'en chercher fur les, cores, paifibles & longtemps inconnues de l'Afrique.

Un Portugais nominé Alonzo Gonzalès, avoit été le premier qui, en 1434, cin

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