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que le fort leur fufcite un obftacle qui détruit tout l'édifice de leur bonheur.

Cécile, que Sevinges avoit abandonnée; étoit mère d'un fils qu'on croyoit mort, & elle-même paffoit pour s'être retirée dans un Couvent. Une Marquife, auffi méchante qué coquette, mieux inftruite de fon fort 3. Favertit, du mariage de fon infidèle, & par fes confeils pernicieux, elle l'engage à une démarche qui caufe les plus grands malheurs. Cette fille, infortunée, avec fon fils: dans fes bras, vient fe placer, toute en larmes, entre les deux amans, à l'instant même qu'ils vont recevoir la bénédiction. nuptiale. La furpife, les larmes, les cris, rous les fentimens qu'excite cet évènement forment un fpectacle aufli touchant qu'inat-tendu, Hortenfe eft emportée chez elle fans: connoiffance; & ce revers émeut tellement fa fenfibilité, qu'elle n'y furvit que peu de jours; fon amant tue, malgré lui, le père de fa première maîtrelle, qui étoit venu avec elle pour lui demander raifon; il eft bleffe lui même dangereufement, & il ne recouvre fa fanté que pour aller s'ensevelir chez les Chartreux..

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L'hiftoire de cette mère qui, avec fon enfant dans fes bras, vient s'oppofer juf qu'au pied des autels au mariage de fon amant infidèle, & qui termine Faction du Roman, fe trouve déjà dans un autre Roz

man de M. Imbert, intitulé: Les ex Frères, ou la Famille comme il y en a peu, imprimé en 1779; & le même trait a fourni encore le fujet d'un tableau qui a été expofé au Louvre.

La marche du Roman que nous annonçons, eft lente, & l'intérêt en eft peu vif jufqu'aux deux tiers de l'action : les caractères, à celui d'Hortenfe près, manquent de phyfionomie, & le ftyle de l'Auteur eft négligé, mais il y a de la vérité dans les détails, point d'échafaudage, & la der nière Partie fe fait lire avec intérêt..

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VARIÉTÉ S

SUITE DE L'ESSAI SUR LE TASSE

ON fait que Le Taffe étoit fort jeune lorfqu'il commença fon Poëme. A mesure qu'il en finiffo t un Chant, i fe plaifoit à le lire à fes amis. I le leur prêtoit fans défiance; ils le @opioient fans fcrupule ce fut contre fa vo lonté, & avait qu'il put avoir corrigé toutes ces différentes parties de for Ouvrage, qu'elles furent imprimées, & qu'elles fe répandirent dans toute l'Italie..

Peu de temos après cette publication, fes malheurs commencerent; & il fe trouva horsd'état de donner lui-même une Elition corrigée, quoiqu'il fentit mieux que perfonne la néc ffité de cette correction. Ses amis, fes admirateurs la fentoient comme lui. » Ce Poëme, écrivoit » Lombardelli, honore la Religion, la Poéfie,. » & notre Siècle, autant que l'Auteur même. »Je ne doute pas que la fleur des Efprits » d'Italie ne fe plaife à le conumenter & à en » faire fenir toutes les beautés, fur-tout lors » que l'Acteur y pourra mettre la dernière main. Plaife à Dieu qu'il le puiffe, & que fon Fremme n'ait pas le même fort » l'Eneide.

que

Pellegrino, dans ce Dialogue qu'il confaera, pour ainfi dire, à la gloire du Taffe, reconnoît dans fon Poëme la même imperfection.

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Efpérons, dit-il, que fi le Ciel lui eft affez » favorable, ainsi qu'à notre Siècle, pour lui » rendre la fanté, il mettra la dernière main à » fa Jérufalem, qu'il étendra on éclaircira quel

ques endroits qui paroiffent maintenant obfcurs » & tronqués, & qu'il portera ce Poëme à fon » entière perfection. Avant que cette difgrace » lui fût arrivée, il avoit dit qu'il n'étoit pas » entièrement content de fon Ouvrage, & qu'il avoit deffein d'y faire plufieurs chan"gemens. Il n'eft donc pas douteux que, fans L'indifpofition de l'Auteur, ce Poëme auroit beaucoup moins de défauts qu'il n'en a main∞ tenant, &c.co.

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Le Taffe, dans fa Réponse à l'Académie parle ainfi de ce paffage: » L'Auteur du Dialogue dir ici pour ma défenfe, ce que je pourrois dire moi-même. J'ajouterai feulement que je n'ai jamais revu, ni corrigé, në publié ce Poëme, non plus que mes antres Ouvrages. Plaife à Dieu qu'il me foit permis de le faire! &c. « Il répète dans plufieurs endroits ce même væu; & l'on apperçoit fouvent dans fes réponfes, la connoiffance qu'il avoit de fes défauts.

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» Parmi les expreffions critiquées, dit-if " ailleurs, il y en a que je comptois changer. Or, fi les objections du Critique ne me forcent pas à corriger mes Vers lorfqu'elles » font fans raison, il ne feroit pas raifónnable » qu'elles me forçaflent à ne les pas corriger quand je juge à propos de le faire, fur-tout » n'ayant pas encore préfidé moi-même à l'impreffion de mon Poëme «. Et ailleurs encore En citant les mots dont je me fuis fervi, on les confond & on les défigure de manière que je ne les reconnois plus. Je ne

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» veux pas les chercher dans un Poëme que » je n'ai pas lu depuis dix ans, & dans lequel J'aurois changé non feulement des mots, mais beaucoup d'autres chofes, fi j'y avois mis las » dernière main «.

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Si l'Académie lui reproche de l'effort & de l'affectation dans le ftyle, de la recherche dans les penfées, & des jeux de mots : » Quand on » fe fert, répond-il, pour m'attaquer, de mon propre jugement, tel que je l'ai prononcé » devant plufieurs perfonnes, fi je veux repouffer le trait qui vient me frapper, il faut que je me réfute moi-même. Que dois-je donc » faire, mes amis? Attendre le coup, & préfenter la gorge au glaive, comme firent les » Sénateurs Romains quand Rome fut prife: " par les Gaulois? Ou bien toute défenfe fauffe.

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ou vraie me fera-t-elle permife contre mes » Adverfaires « Un interlocuteur lui confeille. de fe couvrir des armes des Grecs (1), comme fit Enée dans l'incendie de Troie, & de fe mêler parmi fes ennemis. Le Taffe avoue qu'il n'y trouveroit pas fon compte, parce qu'Homère, non plus que Virgile, ne fait que trèsrarement jouer les mots entre eux. Je de

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vrois plutôt, ajoute-til, prier le Prince de » Sulmone de m'accorder les armes dont fe: » fervoit fon Poëte (2. Le Parrain d'armes » de mon Adverfaire ne s'y oppoferoit pas fans doute, puifqu'il l'a armé de celles dont

(1) C'est-à-dire, de s'appuyer de l'exemple dess Grecs.

(2) Ovide, né à Salmone. On voit que Le Taffe reconnoifloit en lui-même quelques défauts qu'on eproche à ce Poëte.

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