Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

qui les regarde avec plaifir, défire d'en pa»rer fes cheveux «. Que devient, au milieu de toutes ces images, la douleur vraie ou fausse d'Armide?

Que devient-elte encore, lorfqu'Armide (1) » fait briller comme un double foleil fon regard » ferein & fou fouris célefte fur les nuages » obscurs & épais de la douleur «?

Tancrède, dès l'infiant qu'il voit Clorinde, en devient amoureux. Le Poëte, au lieu de peiadre ce rapide fentiment de l'amour, s'amufe à cette image beaucoup trop fleurie de l'Amour enfant (2). » O merveille! l'Amour, qui vient "à peine de naître, vole déjà grand', & déja » triomphe armé «‹.

Mais, à proprement parler, ceci pourroit être mis au rang des penfées frivoles. En voici qui ne le font pas moins. Erminie, pour fortir de la ville, & pour aller guérir Tancrède, prend les armes de Clorinde. La nit couvre fon lar3 cin (3), » la nuit qui eft l'amie des voleurs & » des Amans «‹.

Tancrède, enfermé dans les obfcures prifons d'Armide, y. regrette moins de ne plus voir le foleil, que de ne plus voir Clorinde; encore

(1) E lampeggiar fà, quafi un doppio fole
Il chiaro fguardo, e'l bel rifo celefte
Sù le nebbie del duolo ofcure e folte.

(2) O meraviglia! amor ch'apena è nato
Gia grande vola, e gia trionfa armato.

[blocks in formation]

Ch'a i ladri amica ed a gli amanti ufcia.

ne s'exprime-t-il pas auffi naturellement (1) » C'eft une perte légère que de perdre le foleil; malheureux ! je perds la vue bien plus » douce d'un plus beau foleil «.

Argillan veut frapper de fon épée le jeune Page de Soliman.» (2) Le fer parut avoir du fenti»ment, & fut plus humain que l'homme; il fe » tourna, & defcendit à plat«.

Renaud, revenu de fes erreurs, s'acheminant avant l'aurore vers la montagne où il doit prier, admire les étoiles & la lune argentée: on s'attend qu'un fi beau fpectacle lui ditera quelque penfée profonde; or voici celle qu'il lui infpire. A n'est perfonne qui admire tant de merveilles (3), » &.1

nous admirons la lumière trouble & obfcure, - qu'un coup d'œil, ou l'éclair d'un fourire » nous découvre fur les confins bornés d'un fragile vifage. Le fond de la pensée eft auffi frivole, que le tour cft précieux & affe&té.

כל

Renaud & fes Guerriers tuent tout ce qu'ils rencontrent les Infideles n'ofent même fe défendre: ce n'eft point un combat, c'eft un maffacre; » car on emploie d'un côté le fer, & de l'autre la gorge (4) «. Ici la frivolité de la penfée va jufqu'au ridicule.

(1) Leve perdita fia perdere il fole,

Ma di più vaga fol più dolce vista
Mifero i' perdo.

(2) Senfo haver parve e fu de l'huom più humano
Il ferro, che fi volfe,e piatto fcefe.

(3) E miriam noi torbida luce bruna
Ch'un girar a'occhi, un balenar di rifo
Scopre in breve confin di fragil vifo.

(4) Che quinci oprano il ferro, indi ta gola.

Je fais que cela est imité de Lucain, qui dit dans fon neuvieme Livre:

Perdidit inde modum cades ; ac nulla fecuta eft Pugna, fed hinc jugulis, hinc ferro bella geruntur..

Mais, n'en déplaife à Lucain & à fes Admirareurs, frivolité & ridicule n'en font pas moins ici les mots propres.

Tours affectés. Je comprends fous ce titre les répétitions, les accumulations, les oppofitions. qui s'écartent du naturel, qui ne forment qu'un vain cliquetis de mots & de penfées, & qui ôtent au ftyle épique fa noble & décente fimplicité.

[ocr errors]

Odoard & Gildippe combattent toujours enfemble: tous les coups qu'ils reçoivent les bleffent également: » (1) fouvent l'un eft bleffé l'autre languit : & celui-là verfe fon ame, quand celle-ci verfe fon fang «.

כל

La belle Sophronie ne prife fa beauté qu'autant qu'elle fert d'ornement à fa vertu.» (2) Son plus grand mérite eft de cacher d'auffi grands. » mérites entre les murs d'une maifon étroite. » Elle est aimée d'Olinde; mais (3) où elle le méprife, ou ne le voit pas, ou ne s'en apper"çoit pas ainfi jufqu'alors le malheureux l'a.

[ocr errors]

(1) Efpeffo è l'un ferito l'altro tangue

E verfu l'alma quel, fe quefta il fangue. (2) E il suo pregio maggior chetra le mura D'angufta cafa afconde i faoi gran pregi (3) O lo prezza, o not vede, o non s'avede Cosi fin ora il mifero ha fervito

O non vifo, o mal noto, ò mal gradiso.

fervie, on fans être vu, ou mal connu, ou mai récompenfe. Dans le projet qu'elle a de fe dévouer pour fauver les Chrétiens, le courage l'excite, la pudeur & Ja décence virginale l'arrêtent. (1) Le courage l'emporte. » ou plutôt il s'accorde avec elle; il devient plein de pudeur, & la pudeur pleine d'audace <<

[ocr errors]

"

[ocr errors]

Soliman, dans un combat nocturne, fait des prodiges de valeur : (2) fon fer ne s'abat point » qu'il ne touche; il ne touche point qu'il ne bleffe; it ne bleffe point qu'il ne tue «. Après un tour affecté, & une accumulation fi exagérée, fied-il bien d'ajouter encore: »J'en dirois davan»tage, mais la vérité a l'air du menfonge « ?

Clorinde & Tancrède, qui fe combattent fans fe connoître,» (3) ont le pied toujours ferme & la main toujours en mouvement. L'infulte excite le courroux à la vengeance',' & la vengeance enfuite renouvelle finfulte.

Au haut de la montagne où Armide a placé fes jardins, le ciel eft toujours ferein, & conferve éternellement >> (4) aux prés les herbes,

(1) Vince fortezza; anzi s'accorda, e face Se vergognofa, e la vergogna audace.

(2) Non cala il ferro mai ch'a pien non colga, Ne coglica pien che piaga ancor non faccia: Ne piaga fa che l'alma altrui non tolga. E più direi; ma il ver di falfo ha faccia. (3) Sempre è il piè fermo, e laman fempre in moto. Bonta irrita lo fdegno alla vendetta

E la vendetta poi l'onta rinova.

[ocr errors]

(4) E nutre ai prati l'herba, a l'herba i fiori
Ai fior l'odor, Lombra a le piante eterna.

» aux herbes les fleurs, aux fleurs les odeurs, » aux arbres les ombrages «.

Une jolie Nymphe qui fe jouoit dans l'eau d'une fontaine (1) rioit & rongiffoit tout en» femble, & le fourire étoit plus beau dans la » rougeur, & la rougeur dans le fourire".

Figurez-vous le fage Defpréaux lifant toutes ces balivernes, & ofez le blâmer d'avoir un peu rudoyé les fots de la Cour & de la ville, qui profanoient l'Iliade i l'Eneide par une comparaifon, & même par une préférence injurieufe. Mais je me fuis trop hâté de laiffer échapper cette réflexion chagrine: je devois la réferver pour l'article fuivant, qui fera le dernier. Il feffiroit feul pour abfoudre Boileau du jugement dont on a voulu lui faire un crime.

Pointes ou jeux de mots. Ici je ne puis être embaraffé que du choix ; & je n'ai besoin que de patience pour citer une partie de ce qui ma bleffe tant de fois.

Ce n'eft pas affez qu'Armide raconte que fon Tyran la quittaavec un vifage fombre où paroiffoit clairement la cruauté de fon coeur (2, ni qu'elle dife, Je craignoismême de découvrir,ma crainte(3), ni que fa feinte douleur, & fes larmes perfides foient représentées, comme nous l'avons déjà vu, par des images trop fleuries; il faut encore que l'eau qui coule de fes yeux produife l'effet

(1) Rideva infiem: e infieme ella arroffia,
Ed era nel roffor più bello il rifo,
E nel rifo il roffor.

(2)

Con un fembiante ofcuro

Onde l'empio fuo cor chiaro trafpare
Scoprir la mia tema ancor temea.

« PreviousContinue »