Page images
PDF
EPUB

les lumières de Milord Hawkesbury; l'homme d'Angleterre le plus versé dans l'économie du commerce, a recueilli tous les documens nécessaires; il a rédigé un Rapport imprimé à l'usage des Communes, et qui forme un volume in-folio de faits, de preuves, de tables, et d'états de calcul. Un pareil ouvrage peut seul fonder la certitude des raisonnemens, et écarter de la délibération les verbiages déclamatoires.

Ce Rapport est l'arsenal dont les armes décideront la question: il paroît avoir puissamment aidé M. Wilberforce, ami de M. Pitt, qui, le 12, soumit à la discussion de la Chambre des Communes, douze propositions, dont la vérité une fois constatée, doit entraîner la suppression de la Traite des Nègres. En voici la traduction littérale:

« I. Que le nombre d'Efclaves exportés annuellement de la côte d'Afrique fur des vaiffeaux Anglois, cft fuppofé monter à environ 38,000. »›

[ocr errors]

Que le nombre tranfporté annuellement aux Isles Angloifes des Indes Occidentales, s'eft trouvé d'environ 22,500, d'après le calcul de quatre années, jufqu'en 1787 inclufivement. »

« Que le nombre d'Efclaves gardés dans ces Ifles, monte, à ce qu'il paroît, d'après le même calcul fait fur les regiftres des douanes, à près de 17,500.

«II. Qu'il eft conftaté que le plus grand nombre de Nègres enlevés par les vaiffeaux Européens, vient de l'intérieur du continent de l'Afrique, & beaucoup de ces malheureux de lieux fort éloignés ».

« Qu'il ne paroît pas qu'on ait pu fe procurer de renfeignemens exacts fur la manière dont ils

ont été faits efclaves,

« Mais que d'après les mémoires fournis relativiment aux Efclaves achetés dans l'intérieur de FAfrique, & les informations reçues des pays prés de a côte, on peut en général ranger les Efclaves fous les quatre dénominations fuivantes: 1°. Les Nègres faits prifonniers de guerre.

2. Les perfonnes libres, vendues pour dettes ou pour crimes réels ou fictifs, particulièrement pour adultère ou pour forcellerie; cas dans lefquels il est très-ordinaire de vendre toute la famille, & quelquefois même au profit de ceux qui l'ont condamnée.

3°. Les Efclaves vendus au profit de leurs maîtres, dans quelques endroits à la fimple volonté de ces maîtres, & dans d'autres fur leurs fentences pour crimes réels ou imputés.

4. Les perfonnés faites Efclaves par différens actes d'oppreffion ou de fraude, commis par les Princes ou les Chefs de ces contrées, fur leurs fujets, foit par des individus qui fe vendent l'un l'autre, foit enfin par les Européens occupés de

ce commerce.com

«III. Que le commerce fait par les Européens fur les côtes d'Afrique, pour le procurer des Efclaves, tend néceffairement à élever des guerres cruelles & fréquentes entre les naturels, à faire punir fous de faux prétextes, pour crimes prétendus ou exagérés, à encourager les actes d'oppreffion, de violence & de fraude, & à mettre obftacle à la marche de la civilifation & de la perfection de l'espèce humaine dans ces contrées ».

IV. Que le continent de l'Afrique, dans fon état actuel, fournit différens ardcles d'échange de la plus grande importance pour le commerce & les manufactures de ce royaume, & dont le plus

grand nombre eft propre à cette partie du globe : qu'on a trouvé par expérience le fol & le climat très-favorables à la production d'autres articles que nous fourniffent entièrement ou en très-grande partie les nations étrangères. »

« Qu'on pourroit probablement substituer un commerce très-étendu avec l'Afrique, à celui que nous faison aujourd'hui fur les Efclaves, & le porter affez haut pour en tirer annuellement au moins le même profit que celui qu'ont fait jufqu'ici les vaiffeaux Anglois; & enfin, qu'on pour roit raifonnablement s'attendre à voir ce commerce s'agrandir en proportion des progrès que la civilifation feroit fur ce continent ».

« V. Qu'on a également reconnu par expérience, que la traite des Nègres eft fingulièrement nuifible & funefte aux matelots Anglois qui y ont été employés, & que la mortalité s'eft trouvée beaucoup plus grande que fur les vaiffeaux de Sa Majefté, ftationnés fur la côte d'Afrique, ou qu'elle n'a coutume de l'être fur les vaiffeaux Anglois fervant à tout autre commerce. »

« VI. Que la manière de tranfporter les Efclaves d'Afrique aux Indes Occidentalas, les expofe néceffairement à un grand nombre de maladies fâcheufes, qu'aucuns réglemens ne fauroient prévenir ou combattre ; & qu'en conféquence on en a perdu annuellement un grand nombre pendant la traversée ».

[ocr errors]

« VII. Qu'il a auffi péri un grand nombre d'Ef, claves tranfportés de cette manière dans les havres des Indes Occidentales, avant qu'on les mit en vente que l'aff:mblée des propriétaires de la Jamaïque évalue cette perte à quatre & demi pour cent du nombre des Efclaves importés ; & que des médecins expérimentés de cette Isle l'attribuent en grande partie aux maladies contractées pendant le voyage, & au traitement palliatif &

répercuff fait à bord pour mettre les Nègres en état d'être vendus fans qu'on s'aperçoive fur le champ des défauts qui empêcheroient de les ache

ter. »

VIII. Que la perte des Efclaves récemment importés fe trouve, dans les trois premières années, très-considérable re ativement à la fomme totale des importations. »

a IX. Que l'accroiffement naturel de la population des Efclaves dans les Isles, paroît avoir été arrêté jufqu'ici, principalement, par les caufes fuivantes :

1. L'inégale proportion du nombre d'invidus de chaque fexe.

2°. Le libertinage effréné des Efclaves, & le défaut de réglemens propres à encourager les ma riages & l'éducation des enfans.

3. Les maladies particulières qui dominent chez les Nègres, & que l'on attribue dans quelques cas aux travaux exceflifs ou au traitement trop rigoureux, & dans d'autres, à une nourri ture infuffifante ou peu convenable.

[ocr errors]

4°. Les maladies qui affectent le plus grandnombre des Nègres dans leur enfance, & celles auxquelles on a découvert que les Efclaves récem ment importés étoient particulièrement fujets.

X. Qu'en 1768, tout le nombre d'Efclaves à la Jamaïque étoit d'environ 167,000. »

« Qu'en 1774, le Gouverneur Keith portoit ce même nombre à 193,000. »

« Et qu'en Décembre 1787, le vice-Gouverneur Clarke le faifoit monter 256,000. »

«Qu'en comparant ces nombres avec ceux des Efclaves importés & gardés dans l'Isle en différentes années, depuis 1768 jufqu'à 1774, inclusi vement, nombres eftimés, d'après les mémoires que M. Fuller a remis au Comité du commerce, & dans la fuite d'années depuis 1775 jufqu'à 1787

[ocr errors]
[ocr errors]

la première & la dernière y comprises, auffi efti més d'après les mémoires remis au même Comité par l'Infpecteur-général, où il compte une perte d'un vingt-deuxième de Nègres morts fur les vaiffeaux après leur entrée, perte certifiée dans le rapport des propriétaires de la Jamaïque, il paroît que l'excédert annuel des morts fur les naiffances a été dans cette Isle, durant le cours de dix-neuf ans dans la proportion d'environ sept huitièmes par cent, en prenant pour base de ce calcul, le nombre moyen d'Efclaves exifta dans cette Isle durant ce période; que dans les derniers treize ans de ces dix-neuf, l'excédent des morts s'eft trouvé dans la proportion de trois cinquièmes fur chaque cent du nombre moyen : & qu'il confte par le rapport de l'affemblée des propriétaires de Ja Jamaïque, qu'il a péri dans le dernier période 15,000 Nègres, foit par les ouragans répétés, foit par le manque de provifions, qu'il faut néceffairement tirer du dehors. »

"

Que fuivant les comptes remis au Comité de commerce, par M. Braithwaite, le nombre des Nègres de la Barbade montoit, en 1764, à.79,706. Qu'en 1774, le nombre étoit, d'après

les mêmes comptes, de......

En 1780, toujours fuivant M. Brathwaite, de..

......

74,874.

68,270.

En 1781, après l'ouragan, de...... 63,248.

En 1786, de..

62,115. Qu'en comparant ces nombres avec le total dés importations dans cette Isle, & fans en rien déduire pour aucune réexportation, dont il n'eft pas queftion dans les comptes de V. Braithwaite, l'excédent annuel des morts fur les naiffances, en dix années, à partir de 1764 jufqu'en 1774, a été dans la proportion d'environ cinq par cent, en prenant toujours pour base du calcul le nom

« PreviousContinue »