Page images
PDF
EPUB

Peuple, doué d'une sensibilité exquise, que Phonneur anime dans toutes les classes, qui porte l'admiration jusqu'à l'enthousiasme, & quiinterrompt quelquefois son plaifir même, dans la noble impatience d'applaudir tout ce qui porte le caractère de l'héroïsme & de la vertu!

[ocr errors]

S'il est vrai, Mefsicurs, que les Productions dramatiques dont s'honore la France, foient une acquisition précieuse pour toute l'Europe; s'il eft vrai qu'elles faffent une partie de l'éducation publique, & même une branche de la gloire natiomale; avec quelle ardeur ne devons-nous pas cultiver un Art qui nous appelle à vous procurer le plus noble & le plus utile des plaisirs de l'esprit humain; un Art qui nous afsocie en quelque forte à tout ce que le génie inspira de plus grand & de plus heureux à ces hommes extraordinaires qui vous parlent par notre organe, qui semblent se ranimer encore fur la Scène, & fentir l'immortalité au bruit de vos acclamations & de vos fuffrages ?

» Quel fardeau nous est impofé ! nous ne l'ignorons pas, Messieurs; mais cette fûreté de goût & de jugement qui appartient aux hommes raffemblés, ce noble privilége d'être, pour ainsi dire, la raison vivante qui s'explique, au lieu de nous effrayer, nous rassure, parce que l'étendue des lumières n'est jamais séparée de l'indulgence.

>> C'est sur-tout pour moi, Messieurs, que je viens la folliciter. J'ai eu le bonhear inappréciable de n'avoir débuté dans la carrière que sous vos yeux; je n'ai reçu que vos leçons, car ceux qui m'ont enseigné ne m'ont donné que les vôtres. Me voici maintenant, graces à vos bontés qui ont décidé celles de mes supérieurs, atraché au Théatre de la Capitale. Nous ne le savons que trop, Meslieurs, des talens dignes de vous sont rares, le souvenir de nos pertes ne nous en avertit que trop tous les jours; mais combien de fois, en daignant attendre l'effet de vos leçons & de votre indulgence, n'avez-vous pas, Mefsieurs, créé & développé des talens foibles ou timides qui ne demandoient qu'à éclore, & n'avez-vous pas fini par applaudir vousmêmes à votre ouvrage, quand nous n'avions que le bonheur de vous faire jouir de vos propres dons "?

Ce discours, écrit avec noblesse, & dont les détails ne pouvoient que flatter beaucoup l'amour propre des Spectateurs, a été récité par M. Talma avec beaucoup de sensibilité & de grace. Il a été couronné par les applaudissemens les plus universels.

LE Vendredi 24 on a donné la première représentation de la fausse Apparence, ou le Jaloux matgré lui, Comédie en trois

Actes & en vers.

FS

/

Un homme de Cour en crédit est le mari d'une très jolie femme qu'il aime autant qu'il en est aimé. Il a en même temps une seur qu'il a promis de donner en mariage à en Grand disgracié. Un ami qui cherche à éviter les premières suites d'une affaire mal-. heureuse, se retire chez lui, y inspire de l'amour à sa sœur, & en devient lui-même. très-amoureux. On réclame les secours de la femme pour parvenir à rompre le mariage projeté. L'intérêt que celle-ci prend aux deux Amans, l'idée qu'elle a conçue qu'ils ne peuvent être heureux que l'un par l'autre, lui font employer tous les moyens qu'elle croit fufceptibles de conduire au succès. De sa naïveré, de l'amitié qu'elle a pour la belle-scœur, il résulte des incidens qui font naître la jaloufie dans l'aine du mari. En vain il veut la repousfer, les circonftances semblent se succéder exprès pour en motiver les mouvemens. Enfin la fœur se décide à faire connoître à celui qu'on lui avoit destiné pour époux, la véritable firuation de fon cœur. La lettre où elle s'explique, mise sous les yeux du frère, lui démontre son erreur; la paix rentre dans la maifon, & les deux Amans s'uniffent.

A la première représentation de cette Comédie, on avoit remarqué quelques longueurs, on pourroit même dire des inutiLités. L'Auteur les a fait promptement difparoître : la marche de l'action y a gagné tout ensemble plus de rapidité, plus de vraisemblance & plus de clarté. Le succès,

qui pourtant n'avoit pas été équivoque, malgré quelques murmures, n'a point été contredit à la feconde représentation, & la troisième l'a fixé. On a généralement remarqué l'art avec lequel le Jaloux & fa femme, qui se trouvent fouvent dans des fituations très-piquantes, développent leur caractère, & se contraftent perpétuellement par un jeu très-comique & très naturel. Le style est facile, spirituel, & fieuri. Le dialogue est vrai, rapide, & il brille par les détails. Le mérite de cet Ouvrage ne peut être bien fenti qu'à la représentation ou à la lecture. Dès qu'il sera imprimé, nous y reviendrons, & nous efpérons prouver que c'est à juste titre qu'il a reçu des éloges dans tous les Ecrits périodiques.

Les principaux rôles de cette Pièce ont été fort bien joués par MM. Molé & Fleury, par Madame Perir, & par. Mile. Contat, qui, dans le rôle de la fœur, nous paroît avoir mérité une mention particulière.

COMÉDIE

ITALIENNE.

!

Le même jour, Lundi 20, on a fait l'ouverture de ce Théatre par la ze. représentation de l'Heureuse Inconséquence, Comédie lyrique, par MM. de Piis & de Propiac; précédée des Arts & l'Amitié, Comédie en un Acte.

F6

Avant la première Pièce, on a exécuté trois petites scènes en Vaudevilles, pour tenir lieu de Compliment.

Des Paysans attendent leur Seigneur; ils se préparent à lui offrir une couronne de fleurs, comme un hommage de leur amour & de leur reconnoiffance.

Nous avons déjà dit que ce cadre étoit fort ufé; cependant nous devons convenir qu'il a été, pour ainsi dire, rajeuni par les détails. Dans aucun des Complimens faits jusqu'ici sur ce modèle, on n'avoit fait paroître le Seigneur : on l'a introduit dans celui-ci, ce qui a amené les deux Couplers suivans:

JULIEN présentant la couronne au Seigneur.
Air: Avec Ifeult & les Amours.

On reffent un plaifir bien doux
Quand on fête l'objet qu'on aime;
En chantant vos bontés pour nous,
On reffent un plaifir bien doux !
Ces fleurs qu'on rassembla pour vous,
Prouvent au cœur, à l'esprit même
Qu'on reffent un plaifir bien doux
Quand on fête l'objet qu'on aime.

LE SEIGNEUR.

[ocr errors]

Air: Avec les jeux dans le Village.
Refufer ce que le cœur donne
Ce feroit blesser la raison ;

« PreviousContinue »