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Le Roi pourroit également fe repofer fur eux de l'inspection fur les dépenfes des communau tés & des villes. Combien de municipalités ne fe font pas endettées, parce que l'adminiftration première n'a pu fuivre exactement leur geftion? On aperçoit à chaque instant de quelle utilité pourroit être une action & une cenfare plus rapprochée de cette multitude d'abus inféparable de l'humanité.

Ce n'eft pas ici le moment de fe livrer à de plus grands développemens ; il est aisé d'aperce voir que pour tous les biens partiels & relatifs à une localité particulière, les meilleures intermédiaires que le Roi pourroit choifir, ce feroient des adminiftrations dont l'organisation feroit fage & bien ordonnée. Il s'étoit élevé depuis un temps fort reculé une forte d'ombra❤ ge & de défiance entre l'administration miniftérielle & celle des anciens États: on confidéroit ces deux administrations comme rivales, & chacune occupée effentiellement [de fon autorité, étoit fouvent moins occupée du bien réel des peuples, que du privilége de les commander; & malheureufement ce privilège paroiffoit éga lement maintenu, foit qu'on étendit fa propre action, foit qu'on mit obftacle à celles des au tres. Aucune de ces difficultés, aucune de ces contradictions ne fubfiftera dans un plan bien ordonné. Le Roi, en assemblant autour de lui les Députés de la Nation entiere, attefte à tous fes fujets, par ce grand acte de confiance qu'uniquement occupé du bien public, c'est avec la Nation même qu'il veut l'entreprendre & le réalifer. Ainfi, foit univerfellement aux Etatsgénéraux, foit partiellement dans chaque province, les citoyens zélés qui pourront aider Sa Majefté à parvenir au but qu'Elle de propofe, deviendront comme autant de miniftres de fes

volontés ; & nous autres, Metheurs, nous fcconderont, non pas de notre pouvoir, puifque ce pouvoir ne confifte que dans notre obéiflarceaux ordres du Roi, raais de notre ardente affection & de notre extrême volonté, l'établiffement d'un ordre bienfaitant & falutaire, prcpre également à glorifier le règne de Sa Majellé, & à confolider le bonheur de la Nation.

Cependant, Meffieurs, fi ce bonheur peut appartenir en grande part à beffer des foins dévolus aux Etats particuliers de chaque provincè, & fi vos réflexions vous amenoient encore à penfer que librement élus, ils pourroient fournir un jour une partie des Députés des Etas du royaume, ou une affemblée générale intermédiaire, la compofition des Etats provinciaux vous paroîtroit alors une des plus grandes chofes dont vous auriez à vous occuper. Et comme on doit être perfuadé, Meffieurs, que bientôt un même fentiment vous réunira,comme on ne peut douter que mille ou douze cents Députés de la nation Françoife ne fe fèpareront pas fans avoir fait fortir de terre les fondemens de la profpérité publique, je me représente à Eavance ce jour éclatant & magnifique, où le Roi du haut de fon trône, écouteroit au milieu d'oneba femblée, augufte & folennelle, le rapport que viendroient faire les Députés des Etats de chaque province. Je les vois ces Deputés, impatiens de mériter l'approbation de jeur Souverain & les louanges de la Nation; je les'vois s'arrêter avec orgueil & à l'envi fur les moyens que leurs Etats auroient employés pour ajouter au bonheur du peuple, ou pour alléger le poids de fon infortune; je les vois attentifs à recevoir les uns des autres quelque lumière nouvelle ou quelque notion bienfaifante afin de les rapporter foigneufement à l'admi niftration dont ils font partie. Je vois Sa Ma

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jefté remarquer ceux dont le zèle & les coniances auroient le plus d'éclat, & fe fervir, pour exciter l'amour du bien public, des divers moyens d'émulation qui font déposés entre les mains du Monarque. Ah! qu'il feroit beau ce moment où par le concours des lumières de tout un peuple, on découvriroit avec certitude le bien qu'on peut faire dans un royaume tel que la France! Ah! qu'il feroit bean ce moment, où, par une rivalité généreufe, après avoir connu ce bien, on s'emprefferoit de le faire!

Ce n'eft pas feulement pour former & conftiuer fagement des Erats particuliers dans les provinces où il n'y en a point encore, que le Roi aura befoin de vos confeils & de vos réflexions; Sa Majefté attend de vous que vous l'aidiez à régler plufieurs conteftations qui fe font élevées. fur la conftitution des anciens Etats de quelques provinces; Sa Majefté défire que fa juftice foit éclairée; Elle défire faire le bonheur de fes peuples fans exciter aucune réclamation įlégitime; E le défire tenir une exate balance entre les prétentions des divers Ordres de fon royaume ; enfin, au milieu des intérêts contraires qui agtent les efprits, Ele eft inquiète lorfque la route la meilleure & la plus sûre n'eft pas évidemment tracée. Vous fixerez fes doutes, vous viendrez affurer fa marche, & vous l'aiderez à rendre à tous fes fu ers une parfaite juftice.

les

Je ne dois point retracer ici, Meffieurs, grands objets de bien public fur lefquels M. le Garde des Sceaux vient d'arrêter votre attension; il n'en eft aucun qui ne foit de la plus grande importance, & l'énumération feule de leurs titres fuffit pour en impofer aux imaginations les plus hardies. Qui pourroit en effet entendre fans émotion la fimple dénomination de rant de travaux fi dignes d'occuper fucceffivement l'intérêt

d'une Nation? l'amélioration des toir riviks & des loix criminelles ; la douce modification des peines; la réduction des frais de juftice; l'accélération des procédures; la détermination des degrés de diftances convenables entre la réfidence des tribunaux & le domicile de ceux qui ont recours à la juftice fouveraine ; la détermination du degré de reftriction ba de facilité qu'il faut acorder à la publicité de toutes les opinions & de tous les écrits; la connoiffance des temps où la fauvegarde des loix fuht au maimien de Fordre public, & l'examen auffi des circonflančes où cet ordre dépend des actes rapides de l'au torité; la recherche de tous les foins propres & établir une parfaite harmonie entre l'exercice des nouvelles fonctions qui feront attribuées aux tribunaux, & la célérité indifpenfable dans cette multitude de circonftances où le gouverne. ment feul étoit appelé à intervenir; la recherche plus délicate encore des moyens de concilier Fauftère, l'inflexible, & furront l'uniforme application des loix avec ces habitudes de ménagemens & d'égards dont quelques-unes tiennent de fi près aux moeurs nationales; l'étude encore des difficultés auxquelles on s'expoferoit fi l'on aban donnait trop rapidement les nfages affertis aux préjugés de l'honneur, pour adopter en entier ces principes de juftice abitraire, qui affujentillent à leur domination tous les rangs indiftin&tement, tous les états, toutes les perfonnes. Qui, Meffietirs, vous apercevrez fûrement qu'il eft des abus, qu'il eft des erreurs de gouvernement dont les racines s'entre-mêlent invifiblement avec les premières tiges de plufieurs opinions qui appartiennent effentiellement aux grandes monar chies; &relle loi dont l'exécution abfolue fait le bonheur d'une république, s'y trouve environnée de tous les ufages, de tous les principes de tous les fentimens qui composent sa force

n'auroit pas le même fuccès, & furtout ne conferveroit pas long-tems fon empire, fi on la tranfplantoit dans un pays où elle fe trouveroit comme ifolée au milieu des opinions & des habitudes qui toutes n'auroient aucune connexion avec elle. Ces réflexions & beaucoup d'autres, Meffieurs, n'échapperont pas à vos lumières, & une fage circonfpection vous fervira de guide, fans vous faire perdre de vue le but où vous voudrez atteindre.

Les cahiers qui ont été composés dans les divérfes parties du royaume, & dont vous êtes dépofitaires,comprennent fans doute un grand nom, bre d'idées utiles & plufieurs projets d'améliora tions fufceptibles d'être réalités. Ce feroit donc inutilement qu'on vous retraceroir les difpofitions particulières qui feroient dignes de votre attention & de votre intérêt : vous choifirez Meffieurs, dans cette collection de fouhaits & de plaintes que la condition humaine rend malheureufement inépuifable, vous y choifrez les demandes les plus inftantes & les plus preffées. & vous rendrez heureux votre Souverain, quand vous lui préfenterez des vœux que fa juftice lui permettra de fatisfaire.

Ah! quelle immenfe tâche en tous les genres va fe déployer devant vous! vous ne pourrez pas la remplir, vous pourrez à peine la découvrir à cette première époque de votre réunion; car dans un vafte empire comme dans les grands travaux de la nature, le temps feul achève notre œuvre. Chaque jour, chaque année, amènent de nouvelles idées, & font découvrir des vérités long-tems inconnues; mais fi vous pofez les grandes bafes, fi vous élevez les colonnes de l'édifice, vous vous affocierez d'avance à toute la gloire du monument, & aux divers, avantages qui en résulteront.

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