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velles d'après les instructions qu'ils ont reçues.

« L'objet unique ou essentiel de la mission rempli, l'officier parlementaire est reconduit, les yeux bandés, au poste avancé où il a été reçu; là, on lui débande les yeux, après quoi il revient faire son rapport au général et lui remettre les dépêches dont il peut être porteur (1). »

Les parlementaires sont sous la protection du droit des gens.

<< Cette protection s'étend à ceux qui les accompagnent. On ne doit ni tirer sur eux, ni user de violence à leur égard, ni les faire prisonniers. Méconnaître ces prohibitions, c'est enfreindre gravement les lois de la guerre. Le parlementaire perd ses droits à l'inviolabilité s'il abuse de sa situation privilégiée pour provoquer ou commettre un acte de perfidie. Il s'expose alors à être traité comme un espion ou un traître; mais les mesures de rigueur prises contre lui et les motifs qui en auront déterminé l'application devront toujours être portés sans retard à la connaissance de l'ennemi (2). »

<< Le droit des gens protège la personne des

(1) Général Thiébault: Manuel des états-majors.

(2) Manuel de Droit international à l'usage des officiers de l'armée de terre.

parlementaires pendant tout le temps de leur séjour chez l'ennemi. Bien que le droit des gens ait été parfois violé sous ce rapport, bien qu'on ait souvent tiré sur des parlementaires, se présentant cependant dans les formes voulues (accompagnés d'un trompette sonnant au parlementaire et protégés par le drapeau blanc), il est bon de reconnaître que ces faits, imputables parfois à un excès résultant d'une haine de races, ont été le plus souvent causés par l'ignorance des corps de troupes ou des individus. La sécurité même que le droit des gens assure au parlementaire impose à celui-ci l'obligation de se tenir strictement dans les limites de la mission qu'il doit remplir auprès du commandant en chef du corps ennemi, et d'éviter avec soin tout abus qui pourrait résulter de sa présence parmi les troupes ennemies. En agissant autrement, il renoncerait de lui-même à la protection qui lui est donnée par le droit des gens, et il s'exposerait à toutes les rigueurs avec lesquelles l'ennemi pourrait à bon droit le traiter (1). »

Le 24 août 1870, à la suite de l'attaque de vive force que l'armée du prince de Saxe, en marche sur la Meuse, tenta sur Verdun, et qui échoua, le trompette du parlementaire prussien, jeté précipitamment dans le faubourg Pavé, au milieu d'une

(1) Le service d'état-major, par Bronsart von Schellendorff; trad. du cap. Weil.

fusillade énergique, fut tué avant qu'on ait pu apercevoir le drapeau blanc et suspendre le tir.

M. de Bismark fit du bruit en Europe pour ce cavalier témérairement lancé sous le tir direct de l'artillerie et de la mousqueterie. A l'entendre, les Français, gens d'un naturel féroce, égorgeaient volontairement les parlementaires (1).

On ne saurait cependant exiger, au cours d'un engagement, la suspension du feu sous prétexte de parlementer. Un tel expédient peut sauver une troupe compromise ou faciliter la reconnaissance des positions de l'ennemi; c'est ainsi qu'à la première attaque de Toul par les Allemands, en 1870, l'état-major des assaillants inspecta les fronts de la place à 500 mètres de distance, tandis qu'un officier prussien amusait la garnison avec une sommation.

Les parlementaires doivent rentrer au pas. Pendant la guerre de 1870, au siège de Strasbourg, un parlementaire et son trompette s'étant retirés au galop, leur drapeau ne fut pas aperçu, et par méprise ils furent blessés tous deux. Le résultat de la correspondance échangée à ce sujet entre les deux commandants opposés fut qu'il y avait lieu de prescrire dans l'avenir, à tous les parlementaires, de se retirer au pas et de faire sonner tant en allant qu'en revenant.

(1) Siége de Verdun, par Maxime Legrand.

On ne peut admettre non plus que l'ennemi soit astreint à recevoir un parlementaire, même en dehors du moment de l'action, s'il doit en résulter quelque préjudice pour ses opérations; car l'envoi d'un parlementaire peut n'être qu'une ruse de l'adversaire, auquel il suffirait quelquefois de gagner un peu de temps pour que la situation se modifie à son avantage.

Le commandant d'une place assiégée et résolue fera même bien le plus souvent de refuser de recevoir un parlementaire, et de ne tolérer dans ce cas qu'un échange de communications écrites qui seront remises aux avant-postes; car, ainsi que nous le disions plus haut, les allées et venues de parlementaires ne peuvent qu'ébranler la confiance des troupes et des habitants.

Les parlementaires doivent toujours être accueillis avec les égards dus à leur rang et les attentions que commande la fraternité militaire. Ces égards et ces attentions ne sauraient, toutefois, exclure, de la part de celui qui les reçoit, la plus grande circonspection dans ses rapports avec eux et dans les libertés qu'il peut leur laisser prendre.

Par un sentiment de courtoisie exagéré, ou par suite du relâchement de la discipline, on a quelquefois négligé dans l'armée française de prendre à leur égard toutes les précautions prescrites par le service en campagne. Cette négligence a touours eu les plus funestes conséquences.

C'est ainsi que, le 8 septembre 1870, le corps d'armée du duc de Mecklembourg étant arrivé près de Laon, le colonel prussien von Alvensleben, son chef d'état-major, fut envoyé en parlementaire au gouverneur de la place, général Thérémin, pour le sommer de se rendre.

La sommation faite au général Thérémin, écrite et revêtue de la signature du duc de Mecklembourg, portait que le général devait, dans le délai de dix-huit heures, livrer la citadelle, ainsi que ses vivres, ses munitions et son matériel; que le général, les officiers et les troupes régulières seraient prisonniers de guerre; que les mobiles remettraient leurs armes et seraient lâchés; et que, ce délai expiré, si la reddition n'était pas accomplie, la ville serait brûlée (1).

Le général Thérémin protesta énergiquement contre cette menace digne des temps barbares, et refusa en même temps de signer une capitulation que l'honneur militaire ne lui permettait pas d'accepter.

Le colonel von Alvensleben aurait dû, aussitôt après la réponse du gouverneur, être reconduit aux lignes ennemies; mais il avait pu se rendre compte de l'état des esprits de la population laonnoise, énervée par nos précédents désastres, et il parvint

(1) L'explosion de la citadelle de Laon, par Gustave Dupont. Caen, imprimerie Le Blanc-Hardel.

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