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sur le territoire de chaque partie belligérante. Quelle sera alors la situation de ces étrangers?

Le droit des gens admet, en principe, qu'un délai doit leur être accordé pendant lequel ils sont libres, et après lequel ils peuvent être expulsés par la force ou retenus pour n'avoir pas quitté le pays à temps. Chaque pays reste libre, du reste, de modifier suivant les circonstances ou les individus les résolutions qu'il avait cru devoir prendre au début de la guerre contre les étrangers résidant sur son territoire.

C'est ainsi qu'au moment de la déclaration de la guerre entre la France et l'Allemagne, en 1870, le premier acte du gouvernement français fut une décision portant que les sujets allemands, se trouvant actuellement en France ou dans ses colonies, seraient autorisés à y séjourner tant que leur attitude ne fournirait aucun motif de plainte.

On lit, en effet, dans le Journal officiel de l'Empire du 21 juillet 1870:

L'Empereur a décidé, sur la proposition de Son Exc. le Ministre des affaires étrangères, que les sujets de la Prusse et des pays alliés qui lui prêtent contre nous le concours de leurs armes, se trouvant actuellement en France ou dans ses colonies, seraient autorisés à y continuer leur

résidence, tant que leur conduite ne fournirait aucun motif de plainte.

L'admission sur le territoire français des sujets de la Prusse et de ses alliés est, à partir de ce jour, subordonnée à des autorisations spéciales qui ne seront accordées qu'à titre exceptionnel.

<< En ce qui concerne les bâtiments de commerce ennemis actuellement dans les ports de l'Empire, ou qui y entreraient dans l'ignorance de l'état de guerre, Sa Majesté a bien voulu ordonner qu'ils auraient un délai de trente jours pour quitter ces ports. Il leur sera délivré des sauf-conduits pour pouvoir rentrer librement dans leurs ports d'attache, ou se rendre directement à leur port de destination.

« Les bâtiments qui auront pris des cargaisons à destination de France et pour compte français dans des ports ennemis ou neutres, antérieurement à la déclaration de guerre, ne sont pas sujets à capture. Ils pourront librement débarquer leur chargement dans les ports de l'Empire, et recevront des sauf-conduits pour retourner dans leurs ports d'attache. »>

Mais il se trouva parmi les Allemands autorisés à rester en France beaucoup de gens qui, au mépris de la convention qu'ils avaient acceptée par le fait seul de leur prolongation de séjour en France, en profitèrent pour faire parvenir à l'armée envahissante des renseignements sur nos

forces et leur dispositif; d'un autre côté, nos na tionaux étaient brutalement expulsés d'Allemagne; le gouvernement français se trouva donc obligé de rapporter le décret du 21 juillet, qui avait été dicté par des sentiments d'humanité et d'honneur que nos ennemis d'alors ne voulurent pas apprécier comme ils le méritaient.

Les biens possédés par les nationaux ennemis doivent être respectés; cette règle, qui n'a pris place que récemment parmi les principes du droit des gens, est la conséquence non seulement du progrès que fait ce droit dans l'esprit des nations, mais aussi du développement considérable des intérêts internationaux, amené par l'essor de l'industrie et la marche de la civilisation. Aujourd'hui même la plupart des nouveaux traités de commerce consentis entre nations contiennent une clause écrite, stipulant exactement quelle sera la situation de ces biens en temps de guerre.

Si les États sont libres d'autoriser les nationaux ennemis à prolonger leur séjour sur le territoire ou de les expulser aussitôt après la déclaration de guerre, il ne s'ensuit pas qu'un Français soit libre de rester dans un pays ennemi où la faveur de séjourner lui aurait été accordée, malgré la rupture de la paix; notre législation est absolument précise à cet égard, et les législations des diffé

rents pays contiennent pour leurs nationaux des dispositions analogues.

Dans l'antiquité, tout étranger était regardé comme ennemi; aujourd'hui le droit des gens établit, même après la rupture des relations du temps de paix, une distinction complète entre l'État armé et la population civile; la guerre a lieu entre les États, et non entre les simples citoyens.

« La guerre n'étant pas une relation d'hommes, mais une relation d'États, écrivait M. de Talleyrand à l'empereur Napoléon, le droit des gens ne permet pas que le droit de la guerre, et celui de conquête qui en dérive, s'appliquent aux citoyens paisibles et sans armes à leurs habitations, à leurs propriétés. »

Puisqu'il est admis que la guerre n'est dirigée que contre les forces de l'ennemi, il faut déterminer quels hommes contribuent à constituer ces forces; puisqu'il est admis que la guerre n'est point dirigée contre les sujets non armés de l'ennemi, il faut que les États soient en mesure de se défendre contre les sujets de l'ennemi qui font acte de guerre. De là est venue la distinction entre les combattants et les non-combattants.

Les combattants se composent de tous les hommes qui constituent les forces militaires de l'en

nemi; quand ils cessent de résister, ils sont faits prisonniers. Les non-combattants sont ceux qui ne font point partie des forces militaires de l'ennemi; quand ils sont pris les armes à la main, l'État qui les capture les traite d'après les nécessités que lui impose le soin de sa défense. La distinction des combattants et des non-combattants est donc très importante (1).

On doit en principe considérer comme belligérant, c'est-à-dire comme combattant régulier, tout individu qui combat pour son pays en se conformant aux lois de la guerre; cette qualité est donc acquise:

1o A l'armée régulière ;

2o A toutes les troupes faisant partie de l'armée nationale;

3o Aux corps de volontaires reconnus par leur gouvernement, commandés par un chef responsable portant les armes ouvertement, ayant un uniforme ou un signe distinctif â distance, et observant enfin toutes les lois de la guerre;

4o A la population d'un territoire non occupé par l'ennemi, qui, à l'approche des troupes d'invasion, prend spontanément et ouvertement les armes sans avoir le temps ou les moyens de s'organiser.

(1) Funck-Brentano et Albert Sorel, Précis du droit des gens.

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