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population affamée. Quelques condamnations sans importance firent justice de ces tentatives coupables, qui ne se renouvelèrent plus.

Le 8 juillet, un accident terrible signala les débuts de l'exploitation du chemin de fer du Nord. A Fampoux, village situé à 8 kilomètres d'Arras, un déraillement dont on ne put apprécier les causes précipita plusieurs wagons dans les tourbières qui, à ces endroits, bordent le chemin. Quatorze morts et dix blessés, tel fut le déplorable résultat de cet événement, qui rappela à la France épouvantée le sinistre si tristement mémorable du chemin de fer de Versailles.

Un mouvement important se déclara, cette année, vers la liberté commerciale. Une société se forma à Bordeaux, à l'imitation de l'anti-corn-law-league, qui, en Angleterre, venait de faire triompher ses doctrines. Sans doute, la France ne peut, comme l'Angleterre, affronter toute concurrence extérieure, et d'une absence de protection résulterait une perturbation profonde dans nos intérêts; mais enfin il y avait là un principe posé pour l'avenir, et la prudence du gouvernement saurait prévenir les dangers que ferait naître une application prématurée des principes du libre échange.

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la France et l'Angleterre.

Mariages espagnols.

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Entrevue d'Eu.

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Historique des négoAccord secret conclu entre

Menées de M. Bulwer à Madrid. Change

ment de ministère à Londres. Attitude hostile de lord Palmerston. Conclusion des mariages. — Colère de l'Angleterre.

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Calomnies. Role de l'opposition en France. - Vote des cortès espagnoles. Réception des princes français en Espagne.-Évasion du comte de Montemolin.-Protestation de lord Palmerston. - Echange de notes. Échec du cabinet anglais près des autres puissances.- Rupture de l'entente cordiale.- Incorporation de Cracovie à l'Autriche. Protestation isolée de la France. Rapports commerciaux avec la Russie. — Rappel de l’ukase du 19 juin 1845. — Conclusion d'un traité de commerce. Rapports nouveaux des deux gouvernements. Voyage en France de S. A. R. le grand-duc Constantin. Conclusion d'une convention commerciale avec la Belgique. - Avantages accordés à la navigation française par la Néerlande. — Outrage commis sur la personne d'un Français à Saint-Domingue. Réparation. Suites de l'affaire de Tamatave. - Préparatifs d'expédition. - Décision à ce sujet. Rôle de la France dans les affaires de la Plata. - Politique méditerranéenne.

- Visite du bey de Tunis. - Visite d'Ibrahim-Pacha.

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Evasion du prince Louis-Napoléon.

La question la plus grave et qui domine, pendant cette année, la politique extérieure de la France, c'est celle des mariages de la reine d'Espagne avec le duc de Cadix, et du duc de Montpensier avec l'infante, sœur de la reine. Bien que l'ordre naturel et l'importance des événements nous fasse un devoir de placer au chapitre de l'Espagne les négociations relatives à ces alliances, il ne sera pas inutile d'en tracer ici un rapide aperçu.

Déjà, pendant la régence d'Espartero, la question du mariage de la reine d'Espagne avait éveillé la sollicitude des cours de l'Europe. Lorsque, en 1843, le régent fut renversé, un principe, qu'il n'avait pas été facile de fixer sans de vives résistances,

se trouvait établi, à savoir : que la jeune reine n'épouserait qu'un prince de la maison de Bourbon. Le nom du duc de Montpensier avait même été prononcé; mais on avait dû reculer devant les complications qui pouvaient résulter de la conclusion de cette alliance.

Parmi les autres candidatures possibles, dans cette voie, se trouvait celle d'un des princes espagnols, de l'aîné des fils de don Carlos, le prince des Asturies. Mais cette alliance devenait inadmissible en face des prétentions de légitimité élevées par don Carlos, contrairement aux dispositions du testament de Ferdinand VII. Il y avait là de plus un motif de troubles, et ce mariage serait devenu sans doute le signal d'insurrections nouvelles en Espagne.

Un autre des princes espagnols, le second fils de don Francisco de Paula, don Enrique, pouvait aussi aspirer à la main de la reine; mais la situation de l'infant don Francisco paraissait de nature à fausser les résultats de cette alliance.

La reine-mère, alors à Paris, indiqua, dans une entrevne avec le roi des Français, une candidature nouvelle qui semblait réunir toutes les conditions également réclamées et par l'honneur de la maison de Bourbon et par l'état présent de l'Espagne: c'était celle du comte de Trapani, le plus jeune des fils du roi de Naples. En admettant le consentement du roi de Naples, il restait à vaincre les préventions de la Grande-Bretagne, qui, surtout sous le ministère whig, avait refusé d'accéder au principe établi en faveur de la conservation du sang de Bourbon dans la famille royale d'Espagne. Là était la difficulté véritable.

Aussi, lorsque, dans la première entrevue entre la reine Victoria et le roi des Français au château d'Eu, l'Angleterre montra des intentions plus conciliantes, lorsque lord Aberdeen reconnut avec M. Guizot tous les avantages d'une alliance entre un prince du sang royal de Naples et la reine d'Espagne, le consentement du roi de Naples fut la conséquence naturelle de l'accord des deux grandes puissances, et le prince de Carini,

marquis de Lagrua, fut chargé de notifier à Madrid la reconnaissance du gouvernement de la reine Isabelle par le roi des Deux-Siciles.

Le dernier obstacle à une alliance ainsi levé, les choses changèrent subitement de face. Un parti prétendu national s'éleva en Espagne contre la candidature du comte de Trapani, et rendit inutile tous les efforts des cabinets de Naples, de Londres et de Paris.

Il fallut donc en revenir, ou à don Enrique, candidat préféré par l'Angleterre, ou au duc de Cadix, candidat présenté par la France. Des concessions mutuelles furent faites. En ce qui touchait le mariage de la reine Isabelle, l'Angleterre renonçait à présenter un Cobourg, et la France le duc de Montpensier. Il fut convenu que la jeune reine épouserait un descendant de Philippe V. Quant au second mariage, le gouvernement français songeait à ajourner l'union du duc de Montpensier avec l'infante jusqu'au moment où la reine aurait donné un héritier à là couronne; mais aussi il avait été convenu que, dans le cas où lá France verrait reparaître la candidature d'un Cobourg, elle reprendrait toute sa liberté.

Toutefois la reine Christine était convaincue qu'il y avait dè grands inconvénients à ne pas conclure en même temps les deux mariages de la reine et de l'infante, et qu'en ajournant le second, on laissait une porte ouverte à des éventualités fâcheuses.

Ces difficultés sans cesse renaissantes déterminèrent la reinemère à envoyer un agent au prince Ferdinand de Cobourg, qui se trouvait alors à Lisbonne avec son fils Léopold. Le représentant de l'Angleterre à Madrid accueillit avec faveur les négociations nouvelles, et M. Bulwer travailla, contrairement aux vues de lord Aberdeen, à faire triompher la candidature du prince de Cobourg.

Secrètement désavoué par le ministre des affaires étrangères de Londres, M. Bulwer allait donner sa démission, lorsqu'un événement politique d'une haute importance vint changer la

face des choses: sir Robert Peel et ses collègues cédèrent la place à un cabinet whig.

Dès ce moment, il devint évident qu'une pensée hostile à la France se manifestait dans les conseils de Londres. Aux communications faites par le cabinet français au sujet des mariages, il ne fut plus répondu que par le silence ou par des généralités évasives. Parmi les candidats indiqués comme possibles par lord Palmerston, chef de l'administration nouvelle, reparut le nom du prince de Cobourg. A l'action loyale et commune des deux gouvernements se substituait une lutte d'influences. Il fallut accepter ce nouveau terrain.

Dans ces circonstances, le gouvernement français fit appel à la volonté indépendante de la reine Isabelle et de son gouvernement; il offrit une combinaison différente : c'était son droit qu'il avait expressément réservé. La reine d'Espagne et son gouvernement acceptèrent cette combinaison à laquelle les Cortès donnèrent une adhésion unanime.

A la nouvelle du double mariage, l'étonnement fut grand en Angleterre; il y avait là, pour les membres du cabinet britannique, un échec qui ne leur permit pas de considérer la situation avec tout le sang-froid désirable. Comment avait-on pu réussir? Ce n'était pas sans doute parce que le droit et la raison se trouvaient du côté de la France? On aima mieux croire, ou paraître croire à des menées souterraines, à des moyens peu avouables. Des calomnies, que l'histoire ne saurait répéter, furent imaginées comme l'excuse de cette défaite. Ce qu'il y a de plus triste à dire, c'est que ces infamies trouvèrent un écho lans une partie de la presse française. L'opposition, qui, dans les premiers jours, voulut considérer le mariage du duc de Montpensier comme une humiliation pour le gouvernement français, mise enfin sur la voie par les colères de la presse anglaise, s'empressa de la suivre sur ce terrain peu national. Ce gouvernement qu'on accusait naguère de se mettre à la remorque de l'étranger, on lui reprocha bientôt de troubler la paix du monde pour une alliance de famille. Les négociations

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