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nion douanière, en forçant l'accession des villes hanséatiques. Le grand-duché de Posen, Posnanie, qui, sous la domination bienveillante des rois de Prusse, avait pu conserver et entretenir l'ancien esprit de la Pologne, fut, le 14 février, le théâtre d'une conspiration qui éclata à Posen. Ce mouvement, comprimé à sa naissance, se rattachait à une tentative générale d'insurrection qui, partie de l'étranger, devait soulever toutes les populations d'origine polonaise réparties dans le royaume prussien et dans les empires d'Autriche et de Russie. Cracovie, foyer et tombeau tout à la fois de cette révolte avortée, fut, on le verra plus loin, incorporée à l'Autriche. La part que prit la Russie à ce grand événement qui devait ébranler un instant l'Europe sera expliquée ailleurs (voyez Pologne, Cracovie), et les incidents particuliers au grand-duché de Posen, se reliant nécessairement à l'ensemble de l'affaire de Cracovie, trouveront plus loin leur place.

Comment se faisait-il que, dans la Prusse, l'insurrection polonaise n'eût pas eu sur l'esprit des masses la même influence que dans l'Autriche? Pourquoi les massacres de la Gallicie n'avaient-ils pas eu leur pendant dans le grand-duché de Posen? C'est qu'en Prusse l'émancipation des classes inférieures a fait depuis vingt ans des progrès incontestables, progrès de moralité et d'intelligence, progrès de richesse et de liberté. Attachés au sol par la propriété (1), délivrés des corvées qui excitaient

(1) Les chiffres suivants prouvent combien, en Prusse, la constitution féodale de la propriété s'est transformée depuis vingt ans. Nous les extrayons d'une lettre de Berlin publiée par le Portefeuille, revue diplomatique, fondée en 1846 et rédigée dans un esprit politique des plus sages, avec une conscience et une érudition tout à fait remarquables. Nous sommes et serons encore redevable à cette publication distinguée de plus d'un emprunt de ce genre.

C'est à peine s'il y a vingt majorats dans tout le royaume, et encore ils existent plutôt comme un souvenir qui doit lier le passé à l'avenir, que comme un droit. Le principe de la divisibilité du sol n'est pourtant pas arrivé encore en Prusse, jusqu'au morcellement le nombre des propriétés, tout en augmentant, n'a pas dépassé le progrès de la population et par conséquent n'a pas produit de prolétariat. Combiné avec la trans

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contre leurs maîtres la haine des serfs autrichiens, les paysans prussiens étaient devenus possesseurs de la terre, et travailleurs indépendants.

Il y avait dans ce contraste entre les deux pays un hommage éclatant rendu aux principes de sage liberté que la monarchie prussienne représente en Allemagne.

BAVIÈRE.

La Bavière continue à garder, dans la question des tarifs, une attitude hostile au zollverein. Pays agricole, elle ne s'intéresse qu'à l'industrie linière, pour laquelle elle réclame les bienfaits du système protecteur, tandis que les États du Nord, et à leur tête la Prusse, veulent mettre à l'abri de la concurrence étrangère les fils, les machines, les draps et autres produits manufacturés. Lorsqu'en 1844 la Prusse insista sur l'augmentation des droits établis sur les fers, la Bavière protesta énergiquement et renvoya son vote à deux ans. Le 1er janvier 1846, elle différa son vote d'une année encore. Les chambres, réunies à Munich, se prononcèrent hautement, à cette occasion, contre le cabinet de Berlin. Le rapport fait sur cette question par une commission de la seconde chambre accusa la Prusse de se laisser

formation du sol, l'affranchissement des paysans dans les provinces où le servage existait a produit d'excellents résultats économiques sans troubler en aucune façon l'ordre politique et social; c'est ainsi que, depuis 1825 jusqu'en 1845, il s'est créé dans le grand-duché de Posen 1733 propriétés de paysans, 34 fermes seigneuriales et 5,643 habitations des manœuvres salariés. Dans le même espace de temps, le nombre de petites propriétés en Silésie s'est accru de 4,435 et de 95 fermes. Dans les districts de Stettin et de Costin, on a vu, jusqu'en 1833, plus de 1,105,000 arpents adjugés en toute propriété à 9,748 familles de paysans. En un mot, les comptes jusqu'à l'année 1831, les derniers qui ont été faits, ont prouvé qu'il y avait jusqu'à cette époque, dans tout le royaume, 46,694 propriétés nouvelles, représentant 3,738,681 arpents, et en outre 412 fermes, 17,925 habitations de manœuvres, c'est-àdire 19,526,657 arpents de terres libérés de toute charge, et appartenant en toute propriété à leurs possesseurs nouveaux, pour la plupart paysans et anciens serfs.

dominer par l'Angleterre, et de se laisser enlever la prépondérance qu'elle avait exercée jusqu'alors sur les affaires de l'union.

Une amélioration fut apportée aux règlements sur la censure par un arrêté royal en date du 8 mars. Le rédacteur d'un journal ou d'un écrit politique quelconque serait désormais libre de disposer ses matières de manière à séparer la politique extérieure de la politique intérieure. Les articles relatifs à cette dernière seraient exempts de toute censure. Le rédacteur des journaux où ces deux parties continueraient à être traitées ensemble serait tenu de soumettre sa feuille au censeur, et ces dispositions nouvelles enjoignaient formellement à celui-ci de ne laisser passer sans son visa aucun article de politique extérieure. Si, néanmoins, il se trouvait dans les questions intérieures quelque passage prévu dans le paragraphe 7 de la loi existante, le censeur, avant de rien changer ou supprimer, en référerait à l'auteur, et, en cas d'obstination de la part de ce dernier, aux autorités supérieures.

Un excédant de 6 millions de florins sur le budget des recettes remontant à trois années, et dont il n'avait pas été rendu compte, fut, pour quelques députés. l'occasion d'une motion contre les couvents, qu'on supposait avoir profité de ce boni. La Bavière, qui n'a que 4 millions d'habitants, compte plus de 80 couvents, dont plus de la moitié créée depuis dix ans. La chambre se prononça contre ces établissements. M. le ministre de l'intérieur, tout en assurant que jamais les jésuites ne seraient tolérés dans le royaume, prit sous sa protection les établissements religieux, qui tous ont été, affirma-t-il, défrayés par la caisse privée de Sa Majesté.

Le prince de Wrède, chef de l'opposition dans la première chambre des états de Bavière, fit une motion tendant à prier cette assemblée de réclamer du roi un projet de loi concernant la responsabilité des ministres et des hauts fonctionnaires de l'État, et renfermant des pénalités contre ceux qui violeraient la constitution. Selon le noble auteur de la motion, la mauvaise administration du ministre de l'intérieur, M. d'Abel, l'avait

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déterminé à formuler ce veu. Le prince accusait M. d'Abe d'avoir sciemment et à plusieurs reprises violé des articles de la constitution, et il annonçait son intention de demander plus tard la mise en accusation de ce ministre, dont le tort était, à ses yeux, d'avoir compromis les droits de la couronne par une soumission aveugle et servile aux prétentions de la cour de Rome, et de n'avoir point respecté le principe d'égalité des droits des catholiques et des protestants.

Cette motion fut renvoyée, après de vifs débats, à l'examen d'une commission dont le rapport, présenté à la Chambre, conclut à son admission.

Ce n'était pas la première fois que le gouvernement de Bavière avait été mis, par la législature, en demeure de lui soumettre un projet de loi sur la responsabilité ministérielle. En 1831, la chambre des députés avait émis avec insistance le vœu qu'exprimait aujourd'hui la chambre haute; mais le gouvernement, après avoir pris l'engagement formel de présenter le projet demandé, avait toujours éludé cette promesse.

Le 13 février, la chambre haute accueillit, à la majorité de 28 voix contre 4, une motion, adoptée dans la seconde chambre, tendant à prier le gouvernement d'introduire la procédure orale et publique pour les affaires criminelles dans les provinces bavaroises d'en deçà du Rhin. On sait que le Palatinat, comme toutes les provinces allemandes de la rive gauche du Rhin, jouit déjà de cet avantage, qui leur a été garanti par le traité de Paris.

SAXE ROYALE.

La clôture solenuelle de la diète eut lieu à Dresde le 17 juin. Le discours royal félicita la diète de ses travaux, qui comprenaient l'adoption de traités de commerce, de douane et de navigation précédemment conclus, ainsi que d'un projet de loi relatif à la délimitation des frontières avec le royaume de Bohême.

Sa Majesté exprimait la satisfaction toute spéciale que lui

avait causée le vote des projets relatifs à l'établissement de chemins de fer; elle regardait comme assurées désormais ces entreprises nationales si importantes, sans que les dépenses nécessitées par ces grands travaux dussent empêcher la diminution des charges qui pèsent sur le peuple.

Si la divergence des opinions n'avait pas permis jusqu'à présent d'introduire des réformes essentielles dans le code pénal, le roi annonçait son intention de faire bientôt commencer les travaux préparatoires d'après les principes qui lui paraissaient les plus propres à établir une bonne administration de la justice. Convaincu qu'il fallait prendre pour base le principe de l'oralité, avec un avocat général, Sa Majesté n'avait pu cependant reconnaitre l'utilité d'une trop grande publicité, et elle croyait qu'on obtiendrait sans dangers tous les avantages désirables par l'admission de certaines classes de citoyens qui assisteraient aux séances des tribunaux, essentiellement par intérêt pour la justice et avec une pleine connaissance de la tâche qu'ils auraient 2 remplir.

Après quelques paroles rassurantes sur la situation du pays, le discours royal se terminait par ces paroles :

S'il y a eu quelques malentendus, si l'on a éveillé des craintes et semé la défiance, j'espère qu'un exposé franc et sincère de la situation des affaires, tel qu'on l'a présenté aux chambres, aura dissipé ces craintes et ces malentendus, et convaincu de nouveau les états que le principe ferme et inėbranlable de mon gouvernement est de protéger efficacement la religion, la croyance et les confessions existantes, mais d'éviter en même temps toute contrainte religieuse; de s'opposer sérieusement à toute déviation de la marche régulière, à toute transgression des règles tracées par la loi, mais d'autre part d'accorder consciencieusement à chacun comme à tous les droits fixés par la constitution.

Puissiez-vous être de plus en plus convaincus que le progrès, dans la véritable et la meilleure acception du mot, n'est possible qu'en opposant une résistance énergique à toute tendance funeste. »

WURTEMBERG.

Le gouvernement wurtembergeois prit, à l'égard des néocatholiques, des mesures portant que les assemblées des sec

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