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influer sur les votes de cette assemblée. Après la manifestation si nette de l'opinion dans les deux chambres, il essayait encore, par l'annonce affectée de son rappel, et par la vente des meubles de l'hôtel de l'ambassade, publiée dans le Diario de los avisos, d'effrayer le gouvernement espagnol sur les conséquences de ses actes.

M. Bulwer ne s'arrêta pas là. Il échangea avec le général Serrano une correspondance devenue immédiatement publique, dans laquelle le général ne craignait pas de donner, même après le vote des cortès, une adhésion complète à la politique anglaise. M. Isturitz dut intervenir, et rappela à M. Bulwer qu'après la manifestation éclatante du parlement, il ne reconnaissait à aucune puissance étrangère le droit d'intervenir dans une question nationale comme l'avait proclamée elle-même l'Angleterre. Que serait-ce donc si cette intervention, au lieu d'être diplomatique, prenait un caractère d'excitation extraofficielle?

Un événement politique d'une haute gravité avait, en Angleterre, préparé de nouvelles difficultés à la question espagnole. L'administration de sir Robert Peel avait fait place à un cabinet dirigé par lord Palmerston. Les imprudentes rancunes de cet homme d'État contre la France, la dangereuse légèreté dont il avait fait preuve jusqu'alors, pouvaient faire craindre que, dans une lutte diplomatique engagée avec la France, il n'entraînât les deux pays à des extrémités déplorables.

Les intentions du nouveau ministère se manifestèrent par une première note officielle communiquée par M. Bulwer à M. Isturitz. Cette note ne tarda pas à être connue du gouvernement français, car elle se trouvait reproduite dans une dépêche adressée au nouvel ambassadeur du cabinet de SaintJames à Paris, lord Normanby, par lord Palmerston, et dont copie fut laissée à M. Guizot. Le gouvernement anglais y exprimait ses plaintes, ses regrets, même son mécontentement de la détermination prise à l'égard des mariages espagnols. L'alliance de la reine avec son cousin don François n'y était pas combattue

par des arguments d'une grande force; lord Palmerston ne pouvait oublier que ce prince avait été longtemps un des candidats de l'Angleterre. Mais le ministre s'étendait sur les clauses des traités d'Utrecht, d'après lesquelles les couronnes de France et d'Espagne ne peuvent être réunies sur une même tête, et il protestait contre le mariage de l'infante. Le différend diplomatique se prolongea jusque dans l'année 1847, et le détail en appartient à l'histoire de cette année (voyez les nombreux documents rassemblés à l'Appendice).

Malgré le manifeste adressé par M. Bulwer et par le général Serrano aux passions de partis, dans le but évident de raviver de vieilles haines et de montrer l'influence anglaise prête à seconder un nouveau mouvement révolutionnaire, la question marchait promptement à sa solution. Si les journaux anglais et une partie des organes de l'opposition française s'accordaient à blâmer les alliances si habilement et si énergiquement conclues, il ne fallait voir dans cette étrange association qu'une preuve de plus des succès de la diplomatie française. Des deux côtés de la Manche, on n'avait pas craint, pour infirmer le triomphe remporté par la sage politique des deux pays constitutionnels, d'exploiter de fausses nouvelles, de basses calomnies dont firent justice le bon sens et la pudeur publique.

Partis de Bayonne le 2 octobre, LL. AA. RR. les ducs de Montpensier et d'Aumale furent accueillis par les populations espagnoles avec un enthousiasme qui témoignait hautement de la volonté nationale. Le 10 octobre, furent célébrés ces deux mariages, suivis immédiatement d'un décret d'amnistie qui honorait la clémence royale, et qui inaugurait heureusement l'ère nouvelle ouverte pour l'Espagne. Après tant de désordres, quand les partis s'agitaient encore, en présence des menaces et des excitations de la presse de Madrid et de Londres, et lorsque le comte de Montemolin recevait en Angleterre un accueil significatif et l'assurance d'un appui secret, l'amnistie témoignait d'une noble confiance, et montrait combien le gouvernement de la reine désirait båter le moment où les partis, fatigués de leurs

divisions, oublieraient leurs haines pour se rallier franchement autour du trône constitutionnel d'Isabelle II.

La session des cortès fut déclarée close le 30 octobre, et les élections commencèrent bientôt ; elles furent de tout point favorables au parti modéré. Mais le ministre Isturitz était incapable de diriger quand il en serait temps la majorité gouvernementale, et malgré l'adjonction du marquis de Viluma, nommé à la présidence du conseil, il semblait devoir tomber devant les premières manifestations de l'opinion parlementaire.

PORTUGAL.

nistère.

CHAPITRE XI.

Ouverture des cortès. Discours royal.

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· Situation du mi

- Suspension des

Décret relatif à la régence. - Révolte du Minho. - Demande de pouvoirs discrétionnaires. — Suspension des garanties constitutionnelles. - Extension de la révolte. - Son caractère et ses causes. comptes rendus des discours de l'opposition. Protestation parlementaire. Formation d'un parti puissant contre le ministère. Motion d'une adresse à la reine. Rejet. Caractère septembriste de l'insurrection. Dissolution du ministère. — Ministère Palmella. - Junte révolutionnaire. — Fuite des Cabral. — Clôture de la session. - Concessions. - Modification ministérielle. Manifeste des frères Cabral. Représentation des pairs et députés de la minorité à la reine. Concessions nouvelles aux septembristes. Complications extérieures. Marche des troupes espagnoles sur la frontière. - Réapparition des miguelistes. Réaction chartiste.Retour des émigrés de Torres-Novas. Leurs exigences. Modification radicale du ministère. Nouvelle loi électorale. - Triomphe de la réaction conservatrice.—Ministère Saldanha. — Destitution du duc de Palmella. Décret nuisible au crédit public.—Situation financière.- Contre-révolution. Exaspération du parti septembriste. — Défaite du duc de Terceira à Oporto. - Manifeste de la junte d'Oporto.- Lettre de Das Antas à la reine. — Déclaration de déchéance et de régence par la junte de Coïmbre. – Mesures réactionnaires du gouvernement. Défaite de Bonfim. — Traité de com

merce.

-

PORTUGAL.

Les cortès portugaises furent ouvertes le 2 janvier. La reine, quoique très-avancée dans sa grossesse, présida à cette solennité.

Dans le discours prononcé à cette occasion, Sa Majesté rappela le traité de commerce et de navigation conclu avec la Prusse, et dont les principales dispositions avaient été étendues à la plupart des États qui constituent l'union des douanes allemandes.

Une convention avait été aussi conclue avec l'Espagne, pour fixer les attributions des consuls respectifs.

La position du ministère, présidé par M. Costa-Cabral, pa

raissait, à l'ouverture de la session législative, plus assurée que jamais. Il était soutenu dans les deux chambres par une immense majorité. Quoiqu'il n'eut pas le moindre doute sur l'appui qu'il devait y rencontrer, il ne négligeait rien cependant pour raffermir le dévouement de ses amis et rallier les sympathies de ceux dont les opinions pouvaient sembler douteuses. Ainsi, les huit membres, qui seuls représentaient l'opposition dans le congrès, espéraient une division du parti conservateur, et comptaient voir se former un tiers parti sous la direction du duc de Palmella. Aussi, M. Costa-Cabral fit-il entrer dans le nouveau conseil d'Etat le due de Palmella, le marquis de Saldanha, ambassadeur à Vienne, le duc de Terceira, les hésitants comme les dévoués.

Le premier projet important présenté aux chambrés par lé gouvernement de Lisbonne assurait l'avenir de la monarchie constitutionnelle. En cas de mort de la reine Maria II, si le suc cesseur à la couronne se trouvait âgé de moins de dix-huit ans, ou dans un des autres cas prévus par l'article 96 de la charte constitutionnelle, la régence appartiendrait de droit à S. M. lé roi don Fernando ( 20 mars ).

La province de Minho, qui confine à la Galice et qui avait servi de point de départ à l'insurrection fomentée par le général Iriarte dans la province espagnole (voyez le chapitre précédent), fut elle-même le théâtre de désordres assez graves, contre coup de la révolte heureusement apaisée en Espagne.

A cette occasion, une loi fut présentée aux cortès, le 20 avril, par le ministère de l'intérieur. Le gouvernement y demandait l'autorisation de faire usage, pendant le laps de temps de soixante jours, dans tout le royaume, de pouvoirs extraordinaires et discrétionnaires, suivant que les circonstances l'exigeraient.

Le ministre déclara que les symptômes de la révolte actuelle annonçaient un plan s'attaquant non-seulement à la propriété des citoyens, mais encore aux institutions et au trône. Il affirmait même que le mouvement était le résultat des excitations

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