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était que l'appréciation des droits de l'Union à ce territoire ne saurait être livrée, de la part des États-Unis, à d'autres juges que le gouvernement de la nation elle-mème.

Un tel ultimatum laissait peu de place à des négociations nouvelles, et il y avait là de quoi justifier les immenses armements faits par l'Angleterre.

Mais, le 15 avril, le sénat émit sur cette affaire un vote conciliant. Le président fut autorisé à dénoncer à son gré la fin du traité de l'occupation commune; mais les deux gouvernements étaient invités à faire tous leurs efforts pour amener une solution amiable du différend.

Renvoyé à la chambre des représentants, le vote du sénat fut amendé de manière à ne pouvoir passer dans ses nouveaux termes; mais déjà les dispositions pacifiques du parti le moins nombreux dans le pays et dans les chambres étaient imposées à tous par des circonstances nouvelles de la plus haute gravité.

L'annexion du Texas avait été définitivement consommée le 15 février. Le Mexique, après avoir paru accepter le fait accompli, reprit bientôt un langage menaçant, et, malgré les efforts du plénipotentiaire américain, M. Slidell, des troupes des deux pays se concentrèrent sur les deux frontières respectives, et, le 11 mai, le président dut déclarer l'existence de la guerre et demander les moyens de la soutenir. L'armée régulière fut portée à environ 15,000 hommes. Un bill spécial autorisa la levée d'une nouvelle force de 50,000 hommes qui serait mise à la disposition du président; 10 millions de dollars furent votés pour le payement des troupes. Les forces navales furent augmentées dans une proportion analogue.

Déjà le général Taylor, à la tête d'un petit corps d'armée, s'était avancé sur le Rio-Grande, tandis qu'une flottille américaine se dirigeait sur Matamoras. Mais le commandant américain fit la faute de s'enfermer, dès ses premiers pas, dans une espèce de triangle formé par les replis du fleuve et de s'y laisser bloquer par un corps de Mexicains, qui le séparèrent des forces américaines établies à 40 milles plus bas, vers l'embouchure du

Rio-Grande, sur un morne de sable nommé la Pointe-Isabelle. qui s'avance dans la lagune del Madre.

Une première tentative du général Taylor pour sortir de cette mauvaise position et pour renouer ses communications avec la Pointe-Isabelle fut tentée par un détachement de 70 hommes, mais elle demeura infructueuse. Il était cependant d'une telle importance pour les Américains, qui attendaient des renforts, de rouvrir leurs communications avec l'endroit où étaient placés leurs dépôts et qui leur donnait accès à la mer, que cette opération dut être effectuée à tout prix. En conséquence, le 1er mai, le général Taylor se résolut à l'entreprendre lui-même, et, laissant son camp sous la garde d'un régiment d'infanterie et d'une batterie d'artillerie, il partit avec le gros de ses forces, et dans une marche de nuit qui, malgré l'inhabileté de certaines dispositions, fut dérobée à l'ennemi, il descendit le cours du fleuve et atteignit sans coup férir la Pointe-Isabelle.

Il y resta cinq jours, durant lesquels il rallia les renforts qu'il attendait, et se munit des approvisionnements dont il avait le plus grand besoin. Le 7 mai, il se remit en marche pour aller au secours des troupes demeurées au camp, et qui, depuis son départ, avaient été exposées à une vive canonnade et à des attaques qui avaient coûté la vie au major Brown, leur commandant. Il s'avança en ordre de bataille, résolu à combattre l'ennemi, quelle que fût sa force, et rencontra en effet, le 8, près d'un lieu appelé Palo-Alto, l'armée mexicaine, forte d'environ 6,000 hommes, dont 800 cavaliers et 7 pièces d'artillerie. Une vive canonnade s'engagea, et dans la soirée les Mexicains se retirèrent pour aller se poster, un peu plus loin, dans un ravin qui commande la route de Resaca de la Palma, à 3 milles de Matamoras. Là se livra, le 9, un combat plus décisif, dans lequel les Mexicains, après une vigoureuse résistance, furent complétement mis en déroute; et' le général Taylor, avec son armée victorieuse, qui ne comptait qu'environ 2,500 hommes, regagna son camp.

Le général mexicain Mejia avait, en cette circonstance, montré cette assurance fanfaronne qui distingue les Mexicains avant la bataille et qu'ils savent conserver même après la plus honteuse défaite. Dans les dépêches officielles envoyées par lui à Mexico la veille du combat, il énumérait les chances en faveur de son armée et il ajoutait :

....J'ai aussi attaqué le moral de l'ennemi et semé la discorde entre les deux généraux, si bien que Worth, le seul homme capable, a demandé ses passe-ports. S'il s'en va, comme je pense qu'il le fera, il ne restera plus que Taylor, lequel est plus méprisable qu'un tailleur (tailor) mexicain.»

Après ce misérable jeu de mots, le général Mejia terminait ainsi :

«J'ai encouragé la désertion parmi les Américains, et, depuis le 28, il n'y a pas moins de 26 soldats et de 4 esclaves qui ont passé de notre côté. En un mot, le triomphe des armes mexicaines est hors de tout doute, soit avec les renforts que j'attends, soit avec les seules forces que je commande. Si les Américains franchissent la rivière, leur tombeau est creusé.»

La défaite et la fuite précipitée de l'armée mexicaine jetèrent la capitale du Mexique dans une terreur indicible. Le président Paredès se prépara à marcher en personne contre les Américains, sans songer que sa sortie de Mexico serait le signal de sa chute. Un parti puissant s'organisait pour rappeler SantaAnna, qui, retiré à Cuba, suivait d'un œil attentif la marche des événements qui devaient le ramener inévitablement au pouvoir. Ce parti s'accroissait tous les jours des mécontents nombreux faits par le gouvernement de Paredès. La dictature militaire était installée à Mexico, la ville était mise en état de siége, la presse bâillonnée.

A ce moment, des négociations pour la conclusion de la paix furent engagées entre les deux républiques. Un message adressé au congrès par les États-Unis annonça l'intention de trailer avec le Mexique, et demanda les fonds nécessaires pour faire face aux dépenses que pouvaient entraîner les négociations. Ainsi les propositions d'arrangement venaient de l'Union, et le président ne dissimulait pas au congrès que « le Ann. hist. pour 1846.

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principal obstacle à vaincre pour arriver à une paix juste et honorable serait probablement le règlement des frontières entre les deux républiques. » A l'effet de lever les difficultés de ce règlement, dans lequel les États-Unis devraient accorder au Mexique des équivalents pour les concessions qu'il pour rait leur faire, le président recommandait l'adoption d'une loi qui mît à sa disposition 2 millions de dollars (10 millions de francs).

La chambre des représentants vota cette allocation, mais en introduisant dans le bill cette clause remarquable et qui dénonçait les intentions secrètes d'agrandissement cachées derrière la guerre du Mexique, que l'esclavage ne serait jamais établi sur le territoire qui pourrait être acheté au Mexique au moyen de

cette somme.

Peut-être les démarches actives faites par l'Angleterre pour amener la paix n'avaient pas été sans influence sur la détermination pacifique des Etats-Unis. En effet, sous l'administration. de sir Robert Peel, et, plus récemment encore, sous celle de lord Palmerston, des propositions d'arbitrage avaient été faites par l'ambassadeur britannique aux deux républiques.

Mais, sans doute aussi le gouvernement de l'Union commençait à réfléchir qu'en prolongeant la guerre il s'imposerait des sacrifices immenses sans résultats certains, et qu'en poussant au milieu d'un pays ennemi, sans ressources, sans approvisionnements, sans retraite assurée, une poignée d'hommes aventureux, mais peu exercés aux combats, il risquait de compromettre l'honneur national et la sûreté des citoyens.

Au moment où ces ouvertures de paix étaient faites, la situation intérieure du Mexique devenait de jour en jour plus déplorable. Paredès, au moment de quitter Mexico pour se rendre sur le théâtre de la guerre, remit, le 28 juillet, le pouvoir entre les mains du général Bravo, vice-président de la république, et celui-ci, dans le discours qu'il adressa au congrès à l'occasion de son investiture, ne chercha à déguiser ni ses

craintes ni son découragement; il fit entendre ces paroles remarquables:

Dans l'état d'anarchie où se trouve actuellement le pays, menacé qu'il est par l'ambition des Etats-Unis, bien dure est la tâche de celui qui est appelé à tenir le gouvernail du vaisseau qu'engloutit la tempête. Les vingt-cinq années de troubles par lesquelles fous venons de passer semblent avoir épuisé le patriotisme du peuple. Qui ne voit, en effet (et c'est chose pénible à constater), que l'état critique de la nation, vers lequel devraient se reporter toutes nos anxiétés, n'émeut même pas l'esprit public. Quel est le vrai patriote, quel est l'homme d'honneur qui ne se laisse pas aller aux plus douloureuses pensées, en voyant la nation, froide et apathique, attendre que les ennemis viennent recueillir les fruits de la discorde qu'ils ont su semer parmi nous. »

C'était, en effet, une situation bien triste que celle d'un pays usant le peu d'énergie qui lui restait dans des discordes intérieures. Le 30 juillet, tous les ministres donnèrent leur démissions. Paredes dut rester dans la capitale pour faire face à la crise; mais, déjà, partout le mouvement se prononçait contre lui. Le 2 août, la Vera-Cruz était en pleine insurrection, et Santa-Anna y était proclamé président; dans chaque province l'autorité du gouvernement était contestée : une guerre civile était imminente.

Déjà l'État de Guadalaxara et quelques autres provinces s'étaient séparés du gouvernement, lorsque le mouvement qui avait éclaté à la Vera-Cruz, le 31 juillet, décida le pronunciamiento de la capitale et le soulèvement général. L'insurrection fédéraliste s'étendit bientôt aux départements suivants : HauteCalifornie, Queretaro, Sinalso, Puebla, Guanaxuate, Mexico, Chiapas, Sonora, Vera-Cruz, Tamanlipas, Oujaca, BasseCalifornie, Michoucan, Jalisco, Zacatecas, Tabasco. Depuis longtemps le Yucatan avait arboré lui-même le drapeau du fédéralisme.

Paredès était impuissant à combattre un mouvement aussi général. Santa-Anna, rappelé par le pronunciamento de la capitale, quitta la Havane le 8 août, et débarqua le 15 à la VeraCruz, où il fut élu président par cette province, qui, d'avance, avait reçu l'adhésion du plus grand nombre des autres États.

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