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au mépris des engagements, et sans doute des ordres de leur souverain, non-seulement ont prêté contre nous, à Abd-el-Kader, asile et appui, mais

(Nous ne reproduisons pas ce docu- se sont associés à ses agressions. Vous ment déjà connu.)

No6.-M. Guizot à M. de Chasteau, consul général à Tanger.

Paris, 13 octobre 1845.

Monsieur,

Des événements bien graves et bien tristes viennent de se passer en Afrique. Abd-el-Kader vient de rentrer dans la province d'Oran; il y a excité contre nous, parmi les tribus, une insurrection violente. Un bataillon de notre armée, attiré dans un guet-apens, a succombé tout entier, aprés la plus héroïque résistance. La guerre est rallumée dans cette partie de l'Algérie. C'est sur le territoire du Maroc qu'Abd-el-Kader a préparé cette attaque; c'est avec le secours de nombreuses bandes marocaines, jointes à ses propres adhérents, qu'il l'a exécutée.

L'an dernier, des faits de même nature, moins graves peut-être, nous

annoncerez à l'empereur de Maroc ces résolutions du gouvernement du Roi, en lui demandant de vous donner son concours et de joindre ses moyens aux nôtres, afin que nous poursuivions en commun le but qu'il s'était engagé à atteindre lui-même. Il nous prouvera ainsi son désir sincère d'exécuter ses engagements, en même temps que nous montrerons combien nous sommes éloignés de toute vue d'agrandissement et de conquête. Nous ne voulons que garantir la sécurité de nos possessions et pourvoir à une nécessité évidente, en

usant d'un droit incontestable. Mais si l'empereur, par un motif quelconque, nous refusait son concours, le gouver nement du Roi agira seul, sans nouvelle explication, et accomplira, par ses propres forces, ce que l'empereur n'a pu exécuter, après l'avoir formellement promis.

Vous ferez immédiatement parvenir à l'empereur copie de cette dépêche.

N° 1. Extrait d'un rapport du commandant de la station à S. Ex. le ministre de la marine et des colonies.

Bourbon, le 7 juin 1815.

Monsieur le ministre,

ont justement déterminés à faire la MADAGASCAR.-ILES MARQUISES. guerre à l'empereur du Maroc. On sait avec quelle efficacité nous avons conduit cette guerre et avec quelle modération nous y avons mis fin. Par le traité de Tanger, l'empereur de Maroc s'est engagé à mettre Abd-el-Kader hors d'état de renouveler contre nous ses agressions, soit en l'internant loin de notre frontière, soit en l'expulsant de ses Etats. Sans jamais perdre de vue cette promesse, et en en réclamant, à plusieurs reprises, l'exécution, nous avons laissé à l'empereur la liberté et le temps de l'accomplir par les moyens les mieux appropriés aux difficultés de sa situation. Des renforts considérables sont envoyés en Afrique. M. le maréchal duc d'Isly vient de repartir muni de toutes les forces dont il peut avoir besoin. Il ne se bornera point à faire rentrer dans le devoir nos tribus insurgées, et à repousser Abd-el-Kader de notre territoire; il a ordre de le poursuivre sur le territoire marocain et de châtier sévèrement les populations marocaines qui,

Au moment où je me disposais à quitter Bourbon pour aller avec le Berceau et la Zélée, opérer le changement des garnisons de nos établissements du canal de Mozambique, j'ap prends que les nombreux traitants français et anglais, qui résident depuis lougtemps à Tamatave, sout en ce moment l'objet d'odieuses et brutales persécutions de la part des Ovas, qui, ity a peu de temps encore, les encourageaient à acquérir des terres, à fonder des établissements dans ce pays.

J'ai l'honneur d'adresser à Vorre Excellence les rapports qui me sont

parvenus à ce sujet (pièces no 6 et 7). Deux heures après leur réception, j'ai fait partir la Zélée pour Tamatave, avec ordre au capitaine Fiéreck de se borner, jusqu'à mon arrivée sur les lieux, à couvrir de la protection de notre pavillon les Européens qui lui demanderont asile et assistance, quelle que soit la nation à laquelle ils appartiennent. Le Berceau, retardé par l'embarquement des troupes et du matériel, qu'il doit porter à Mayotte, n'a pu partir aussitôt que la Zélée; mais M. l'amiral Bazoche a bien voulu, sur ma demande, faire activer ce mouvement, et je ferai voile la nuit prochaine pour Tamatave, sur les traces de la Zélée, qui ne m'y devancera que de quelques heures.

J'ai rendu compte à Votre Excellence, dans un de mes précédents rapports (no 31), des motifs qui m'ont forcé, au mois de février dernier, à aller donner quelques avertissements sévères au chef ova de Mourounsauga, qui avait pris une part indirecte, mais très-active, à quelques expéditions nocturnes des Sakalaves errants de la grande terre de Madagascar contre Nossi-Bé. Votre Excellence verra, par des lettres que j'écrivis à cette occasion à la reine des Ovas, ainsi qu'au chef de Mourounsauga (lettres dont je joins ici de nouvelles copies), que je n'ai pas perdu de vue les recommandations expresses qui m'ont été faites relativement à la ligne politique que je dois suivre à l'égard de la nation dominatrice de Madagascar. Votre Excellence peut compter que j'observerai fidèlement ces instructions tant qu'il me sera honorablement possible de vivre en paix avec ces gens-là; mais vous reconnaîtrez sans doute aussi, monsieur le ministre, que les événements de Tamatave, que l'on me signale aujourd'hui, joints aux perfides menées de Rakeli, sur la côte opposée, sont un indice assez positif du mauvais vouloir des Ovas à l'égard des Européens en général et des Français en particulier.

Si j'en crois les rapports de quelques capitaines et traitants qui fréquentent ces parages, Ranavalo et les quelques misérables qui dirigent en son nom les affaires du gouvernement de Tananarive ont rêvé, dans leur stupide orgueil, l'occupation entière de Madagascar, et, par suite, notre

Ann. hist. pour 1846. App.

expulsion des îles de Sainte-Marie et de Nossi-Bé.

J'ai aujourd'hui là conviction que, dans cette folle espérance, ils font agir tous les ressorts de la plus grossière superstition, pour corrompre les chefs sakalaves, arabes et belsimisarales, qui vivent sous notre domination, tant à Nossi-Bé qu'à Sainte-Marie, et je pense que nous aurons désormais une très-active surveillance à exercer sur les faits et gestes de ceux-ci.

Je prie Votre Excellence de lire avec indulgence ce rapport que j'écris à la hâte, au moment d'un départ que je ne croyais pas devoir être si prochain. Je ferai tout ce qui dépendra de moi pour qu'elle soit informée, aussi prochainement que possible, du résultat de mon voyage à Tamatave, et particulièrement de la situation dans laquelle je vais trouver mes compatriotes dans ce pays.

N° 2.- Copie d'une lettre du sieur Samac, négociant à Bourbon, au commandant de la station navale.

Saint-Denis, 7 juin 1845.

Monsieur le commandant,

J'ai l'honneur de vous transmettre les renseignements que vous m'avez demandés sur les faits qui ont précédé et suivi les actes violents commis à l'égard des Français établis à Tamatave (Madagascar), par les autorités et autres agents ovas dudit lieu.

Une petite colonie de commerçants s'est formée sur le littoral de la côte et de la grande terre de Madagascar, où elle exerçait paisiblement la troque des marchandises, protégée par des lois spéciales et encouragée chaque jour par les Ovas. Tamatave, surtout, est devenu le grand centre d'exploitation, et c'est en effet sur ce point que sont dirigées les plus grandes quantités des marchandises destinées aux échanges.

Les meilleurs sentiments ayant toujours animé les traitants, qui ont, à toutes les époques, respecté les lois de la reine des Ovas, Ranavalo, et ne se sont jamais mêlés de leur politique ou de leur constitution intérieure, ont amené de part et d'autre des relations

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de bonne amitié, qui paraissaient devoir être de longue durée.

La plupart des traitants ont acquis des emplacements de plus ou moins d'importance à Tamatave, et sur les sollicitations des Ovas, y ont créé à grands frais des établissements proportionnés à leur commerce et à leur position de fortune. La sécurité des traitants a été complète jusque vers la fin du premier semestre 1844, époque à laquelle les Ovas devinrent tout à coup soupçonneux et quelquefois insolents sans aucun motif. De petites vexations, des entraves ridicules furent les moyens qu'ils dissimulèrent peu ou pas du tout, pour entraver le commerce et préluder au drame qui a éclaté enfin au mois de mai dernier. Rien, dans leur démarche ou dans leur conduite vis-à-vis des Ovas, ne pouvait justifier les rigueurs dont ils étaient l'objet : les traitants, en hommes sages et prudents, durent s'observer encore avec plus de soin que par le passé, afin de mettre les naturels dans l'impossibilité de leur adresser le moindre reproche, et conserver par là une position que leur intérêt pécuniaire et personnel leur conseillait de ne pas perdre.

Pour prouver la vérité de ce que je viens de dire, je puis citer un fait assez récent qui en dira plus que les commentaires, le voici Vers la fin de l'année derniere, le grand juge de Tamatave, Philibert, de retour de la capitale, où il avait été demandé, fit assembler les traitants pour les féliciter publiquement, au noin de la reine, de leur bonne conduite et des <relations de bonne amitié qu'ils entretenaient dans leur contact avec les Ovas. La reine les engageait à persévérer dans cette voie, el, par le canal dudit Philibert, elle envoyait un cadeau à chacun d'eux.

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C'est à la suite de cette communication que les choses reprirent leur ancien cours, et que les traitants, s'abandonnant à la joie par suite des paroles amicales émanées de Tananarive, crurent enfin ne plus avoir à subir désormais les humiliations et les vexations auxquelles ils avaient été en butte. A quelque temps de là, cette joie fut troublée et les nouvelles exigences des Ovas devinrent insupportables, outre que quelques chefs se flattaient que le temps n'était pas éloigné où ils

chasseraient tous les blancs établis chez eux. Nul ne pouvait croire à cette mesure:

1o A cause de leur conduite irréprochable et toujours calme;

2o A cause des félicitations récentes de la reine, déjà mentionnées.

Telle était, monsieur le commandant, la position respective des parties au mois de mai dernier, lorsque, le 13 de ce mois, sans aucune préparation, sans motif et sans prétexte quelconque, déguisé même par quelque intérêt politique ou d'argent, les Ovas ont brutalement annoncé à tous les traitants de Tamatave qu'ils eussent à quitter le territoire malgache sous le plus bref délai, ne leur accordant que quinze jours pour finir leurs affaires, ou bien d'adopter la nouvelle loi qui venait, disaient-ils, d'être créée pour les blancs, c'est-à-dire d'être astreints à toute corvée, de prendre le tanguin lorsqu'ils en seront requis, être vendus comme esclaves dans tel délit, ne pouvoir plus quitter la terre de Madagascar, etc.

C'est avec un juste sentiment d'indignation que les Français ont repoussé avec mépris et dégoût une proposition de cette nature. Ils ont d'abord cherché à ramener ces forcenés par la douceur, en les sommant de déclarer, s'ils avaient à se plaindre d'eux, queis étaient leurs griefs; en un mot, à s'expliquer sans détour. Les Ovas, sourds à toutes ces interpellations, ont poussé l'impudence jusqu'à déclarer aux traitants qu'en les chassant ils s'approprieraient leurs établissements et toutes leurs marchandises et effets mobiliers qu'ils ne pourraient réaliser dans le peu de temps qu'ils leur accordaient. De plus, quelques chefs de Tamatave ont donné l'exemple, en engageant les Ovas qui devaient aux traitants à ne point payer leurs dettes, et il est à craindre que cet exemple n'ait de nombreux imitateurs.

Depuis le 13 jusqu'au 30 mai, jour où s'arrêtent les dernières nouvelles reçues de Tamatave, il n'est pas de vexations, menaces et humiliations que les Ovas n'aient prodiguées indistinctement à tous les traitants francais, anglais et autres. Ils ont même osé les menacer d'une incarcération générale, si le 1er juin courant (terme de rigueur accordé pour le départ) ils n'ont pas tous quitté le sol malgache.

Si cette menace était mise à exécution, il en résulterait, monsieur le commandant, des pertes considérables pour le commerce français, si je juge des fonds des autres par ceux que j'ai moimême enfouis à Tamatave, de concert avec mon associé, M. Joseph Bédos, résidant audit lieu; car vous comprendrez qu'il est matériellement impossible d'opérer une liquidation commerciale en quinze jours, les Ovas n'ayant pas voulu accorder trois mois aux traitants pour réaliser ce qui leur était dů.

Tous se perdent en conjectures sur un acte aussi inique que celui dont on les menace, et il n'y a qu'une voix pour dire que le gouvernement de Tananarive est étranger à une spoliation si flagrante. Moi, je suis de cet avis depuis que le gouverneur de Foulpointe avait fait un appel aux traitants de Tamatave en leur promettant aide et protection à Foulpointe, s'ils venaient s'y établir pour commercer. Ce point établi, j'en déduis naturelle ment la conséquence que le gouvernement ova, en excluant les blancs d'un village de la côte, en eût fait autant pour tous les autres, et alors il est à supposer que les violences dont les traitants furent les victimes sont le fait de quelques chefs isolés nourrissant une haine sourde contre tout étranger au peuple ova.

Quoi qu'il en soit, monsieur le commandant, au moment où j'ai l'honneur

de vous écrire, des Français et des propriétés françaises courent des risques sérieux sur la terre étrangère; votre sollicitude s'est empressée de pourvoir à leur sécurité en envoyant immédiatement un navire du Roi, etc.... Sans borner là votre sollicitude, vous avez eu la bonté de me confier le projet que vous aviez de vous rendre vous-mêine prochainement, avec votre corvette le Berceau, à Tamatave, afin de protéger plus efficacement les opprimés des Ŏvas.

Au nom de tous les traitants de Tamatavé, à quelque nation qu'ils appartiennent, recevez par mon organe, monsieur le commandant, les sentiments de gratitude que m'inspire votre noble initiative, en couvrant du glorieux drapeau de la France les personnes et les propriétés de ceux qui désormais béníront votre nom.

Je crois pouvoir ajouter que les bruits répandus dans Saint-Denis au sujet du pillage et de l'incendie de l'établissement de Lastelle sont heureusement dénués de fondement, les Ovas s'étant bornés à des mesures générales qui, je l'espère, ne seront pas réalisées.

Tout en vous priant d'excuser le peu d'ordre qui règne dans ce rapport, et ne pouvant, vu le peu de temps que j'ai devant moi, vous donner de plus longs détails, je vous prie, etc.

SAMAC.

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