Page images
PDF
EPUB

n'appert d'aucune des pièces versées aux débats que copie des arrêts dont l'insertion était réclamée ait été remise ou offerte au gérant de l'Atlas, au nom de la partie requérante; Attendu que, pour ordonner l'insertion dans l'Atlas, l'arrêt du 17 sept. s'est fondé exclusivement sur l'art. 26 précité de la loi du 26 mai 1849; que cet arrêt est res inter alios acta à l'égard de Gérard et ne lui est par conséquent pas opposable; que l'article dont la publication a motivé la condamnation ci-dessus n'a pas été publié dans le journal l'Atlas, mais bien dans l'Écho d'Oran; que l'art. 26 de la loi de 1849 s'est borné à attribuer aux tribunaux, pour la répression des délits de presse auxquels il s'applique, les pouvoirs qu'ils tiennent pour d'autres matières de l'art. 1036, C. proc.;

Attendu que la liberté industrielle est consacrée par notre législation; que le législateur, qui a posé le principe de cette liberté dès 1794, peut seul le restreindre dans l'intérêt général; qu'un journal est, au point de vue des annonces, une propriété aussi respectable que toutes les autres; que la propriété est définie par l'article 543, C. civ., « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou par les règlements »; que, hors les cas spéciaux où une loi impose expressément aux gérants des journaux l'obligation d'ouvrir leurs colonnes soit à des décisions judiciaires rendues dans des procès où ils sont en cause, soit à des communications de l'autorité, soit à des réponses de particuliers, ils ne sont pas tenus de donner malgré eux de la publicité aux actes ou aux faits pour lesquels on la réclame; que vainement on objecterait qu'un respect aussi entier de leur droit de propriété peut avoir pour effet d'entraver l'accomplissement de formalités prescrites par nos lois pour la validité de certaines procé dures en matière civile ou administrative, ou l'exécution de décisions de justice, soit en matière criminelle, soit en toute autre matière; qu'en effet, il n'existe pas de texte de loi qui astreigne les journaux à fournir leur concours, même à prix d'argent, pour assurer l'observation de ces formalités ou la publicité de ces sentences; que cette objection porte sur la législation, et que c'est au législateur seul qu'il appartient de prendre des mesures propres à remédier aux inconvénients signalés, et, s'il le juge utile dans l'intérêt général, de grever, à ces fins, la propriété industrielle des journaux de servitudes compatibles avec le respect auquel elle a droit ;

Mais qu'en l'état actuel de la législation, un tribunal ne pourrait, sans porter une grave atteinte au droit de propriété, dont l'inviolabilité a été proclamée dans toutes les constitutions depuis près d'un siècle, obliger un tiers étranger aux débats à disposer de sa chose pour que la réparation accordée ou la peine prononcée devienne effective; que la reconnaissance d'un pouvoir aussi exorbitant

[ocr errors]

ne doit pas se présumer et ne pourrait résulter que d'un texte précis ; Attendu que, prises dans leur ensemble, les considérations ci-dessus trouvent l'appui le plus solide dans la jurisprudence (V. notamment. Trib. comm. Seine, 8 mai 1866, et Paris, 16 nov. 1839 (P. 1839.2.485) et Paris, 16 août 1867 (P. 1868. 203. S. 1868. 2. 33); que les deux décisions de la Cour d'Alger ne préjugent donc pas la question à résoudre; que les dispositions de l'arrêt du 17 sept. qui prescrivent l'insertion étaient, en ce qui concerne l'Atlas, nécessairement subordonnées à la condition que le gérant de ce journal donnerait son assentiment à cette insertion; Attendu qu'il convient de rechercher si, tel qu'il était libellé, le réquisitoire puisait dans l'art. 19 du décret du 47 févr. 1852 une force telle que le refus d'y satisfaire présenterait le caractère d'une contravention; qu'il est certain que les procureurs de la République sont au plus haut point les dépositaires de l'autorité publique;

Mais attendu que ledit décret n'est précédé d'aucun rapport ou exposé ou considérant qui lui serve de commentaire, ou qui en indique l'esprit et en précise le sens et la portée juridique; que cet art. 19 ne diffère au fond de l'art. 13 de la loi du 27 juill. 1849 (calqué lui-même sur l'art. 18 de la loi du 9 sept. 1835, abrogé par décret du 6 mars 1848) que par l'aggravation de la pénalité et par la substitution de la gratuité de l'insertion réclamée à l'obligation de payer les frais de cette insertion; que l'on ne saurait donc admettre que l'art. 49 du décret de 4852 ait pu avoir pour effet, alors surtout que cette gratuité a créé pour les journaux une charge nouvelle, de conférer aux dépositaires de l'autorité publique des pouvoirs plus étendus que ceux résultant de la loi de 4849 et de celle qui l'a précédée ; Attendu qu'il appert très clairement de l'exposé des motifs du projet de loi déposé au nom du gouvernement par M. le Président du Conseil, Garde des Sceaux, du rapport de la commission nommée par l'Assemblée nationale et de la discussion de ce projet et de celui de la commission (V. les numéros du Moniteur universel des 26 juin, 18, 20, 22, 24, 25, 26, 27 et 28 juill 1849), que l'art. 13 de la loi de 1849, de même que l'art. 48 de celle de 1835, a eu seulement pour but de permettre à ces agents du gouvernement de répondre sous forme de communiqué à tous articles qu'ils estimaient renfermer des erreurs ou des attaques ou vio lences contraires au caractère et à la mission de la presse; qu'il les a, à la vérité, laissé juges et des cas où ils auraient à faire usag de cette faculté et de la forme de la réponse mais qu'il n'a mis à cet égard entre leur mains qu'une arme défensive, et n'a, pour le surplus, porté aucune atteinte aux principe du droit commun; que cette interprétation de la loi de 1849 est confirmée par le com mentaire de Dalloz (vo Presse Outrage n. 324); Attendu que, dans l'espèce, I réquisitoire, de même que l'assignation, n

vise aucun article du journal l'Atlas; qu'il ne tend à l'impression d'aucune réponse, à la rectification d'aucune erreur, qu'il n'a trait à aucune polémique engagée par ce journal; que, d'ailleurs, le parquet d'Oran ayant, antérieurement à ce réquisitoire, fait exécuter l'arrêt du 17 sept. par les deux journaux d'Oran, l'Écho et le Courrier, en tant qu'il prescrivait l'insertion dans ces deux journaux, on doit induire de ce fait que, par le réquisitoire ci-dessus, il a entendu, non pas exercer le droit de réponse dont parle le décret de 1852, mais assurer l'exécution de cet arrêt, en ce qui touche l'insertion ordonnée dans l'Atlas ;-Attendu, par suite, que, soit qu'on envisage les attributions des tribunaux, soit qu'on s'attache aux droits compétents aux parquets, en vertu du décret de 1852, l'action publique n'est pas fondée;-Attendu, en résumé, qu'en refusant de déférer au réquisitoire à lui adressé, le propriétairegérant de l'Atlas n'a commis ni délit ni contravention; - Par ces motifs; - Donne

défaut contre Gérard non comparant, quoique régulièrement assigné ; Če faisant, le renvoie sans dépens des fins des poursuites. >> Le ministère public ayant interjeté appel, la Cour d'Alger a rejeté l'appel, à la date du 3 juin 1879, par l'arrêt suivant:-«La Cour;-Attendu que l'appel du ministère public est recevable en la forme;-Attendu que Gérard ne com paraissant pas, quoique régulièrement assigné, c'est le cas de donner défaut contre lui;

--

Attendu que Gérard est poursuivi sous la prévention d'avoir, le 1er févr. 1879, à Oran, refusé d'insérer en tête du journal l'Atlas, dont il est le gérant, l'arrêt de défaut du 48 août 1877, et l'arrêt contradictoire du 17 sept. suivant rendu par la Cour d'appel d'Alger, à la requête du ministère public contre Bézy Guillaume, arrêts adressés audit Gérard, en même temps que le réquisitoire, aux fins d'insertion, du Procureur de la République, et de s'être ainsi rendu coupable de la contravention prévue et réprimée par l'art. 19 du décret du 17 févr. 1852; Attendu que, par jugement en date du 22 févr. dernier, le tribunal correctionnel d'Oran a acquitté Gérard; Attendu que la Cour, saisie par l'appel du ministère public, doit, pour apprécier le mérite du jugement déféré, rechercher si le gérant d'un journal qui se refuse à insérer un Jugement ou un arrêt ayant ordonné cette insertion commet la contravention prévue par l'art. 19 du décret du 47 févr. 1852, quand le journal est étranger dans la cause; Attendu que c'est par application de l'art. 26 de la loi du 26 mai 1849 que l'insertion d'un Jugement dans un journal peut être prescrite; que cette insertion ainsi autorisée est une véritable peine, si bien qu'elle peut être proBoncée par le juge d'appel, sur l'appel seul du ministère public et sans qu'il y ait appel de la partie civile (Cass., 19 mai 1860 P. 1864.

[ocr errors]

S. 1860. 1. 827); qu'elle peut même être ordonnée d'office (Cass., 25 mai 1875; que, dès lors, il est difficile d'ad

mettre, à défaut d'un texte précis, que l'insertion d'un jugement dans un journal constituant une peine puisse être prononcée contre un journal qui n'est pas condamné; -Attendu que la justesse de cette appréciation trouve sa justification, non seulement dans la lettre même de l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819, mais encore dans les art. 3, 4, 14 et 12 de la loi du 9 juin 1819; 4, 5 et 7 de la loi du 6 juill. 1874, qui affectent le cautionnement des journaux, par privilége, au paiement des condamnations prononcées, soit au profit du Trésor, soit au profit de la partie civile, et qui édictent une peine réprimant toute infraction auxdits articles; Attendu, dès lors, qu'il parait établi que l'art. 26 précité n'a entendu viser que les journaux poursuivis et condamnés, et qu'ainsi se justifie, en dehors même de la maxime res inter alios judicata, la jurisprudence en vertu de laquelle un journaliste étranger dans la cause n'est pas tenu d'insérer un jugement, bien que cette insertion ait été ordonnée et que la partie intéressée offre d'en payer le prix; Attendu, la portée de l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819 étant de la sorte limitée, qu'il s'agit de rechercher si l'art. 49 du décret du 17 févr. 1852 a eu pour but ou pour conséquence de l'étendre aux journaux qui n'avaient pas été condamnés; Attendu qu'il suffit de lire cet article pour être autorisé à penser que le rédacteur du décret n'avait nullement en vue l'insertion d'une décision judiciaire; que cet article ne concerne que les publications requises sous la forme de communiqué par un dépositaire de l'autorité publique ; que ce ne serait qu'au moyen d'une interprétation bien large que les jugements pourraient être compris sous cette dénomination: documents officiels, alors surtout que le droit d'insertion dans un journal non condamné n'étant pas obligatoire avant le décret de 1852, il semble que cette obligation, d'autant plus onéreuse que l'insertion doit être gratuite, aurait dû être prescrite textuellement ; qu'au surplus, la gratuité même de l'insertion, cependant ordonnée aux frais de la partie condamnée, indique suffisamment que l'art. 19 invoqué par la prévention ne peut être appliqué dans l'espèce; qu'enfin les insertions visées par cet article ont pour objet une réponse, une rectification que, dans un intérêt général, il importe de porter à la connaissance de tous; mais que, sous aucune espèce de rapport, ce genre de publication ne peut constituer une peine, à la différence des insertions prescrites par l'art. 26 de la loi du 26 mai 1819; Par ces motifs; Recevant l'appel en la forme, donne défaut contre Gérard, et, statuant au fond, dit bien jugé, mal appelé, et confirme le jugement déféré.

POURVOI en cassation par M. le Procureur général près la Cour d'Alger 1er Moyen. Violation de l'autorité de la chose jugée ; 2e Moyen. Violation de l'art. 19 du décret de 4852.

M. le conseiller Bertrand a fait le rapport de l'affaire :

« Sur le premier moyen, tiré de l'autorité de la chose jugée, M. le conseiller rapporteur fait observer que le gérant du journal n'était pas partie dans l'arrêt intervenu qui ordonnait les insertions, et, à son égard, cet arrêt ne peut avoir l'autorité de la chose jugée.

« Sur le deuxième moyen, il discute l'art. 19 du décret du 17 févr. 1852, qu'il faut appliquer, dit-il, dans son texte, mais surtout dans son esprit et avec la portée qui lui appartient.

<< La loi des 27 et 29 juill. 1849 portait, art. 13: « Tout gérant sera tenu d'insérer en tête du journal les documents officiels, relations authentiques, renseignements et rectifications qui lui seront adressés par tout dépositaire de l'autorité publique, sous la seule condition du paiement des frais d'insertion ». On pouvait ainsi porter à la connaissance du public tout document que l'on croyait utile de faire connaître, mais, en même temps, on respectait le droit de propriété privée, puisque l'on était tenu de payer les frais de ces insertions. Le décret de 1852 a maintenu cette disposition, mais avec cette modification essentielle, c'est que l'insertion serait gratuite.

« On ne peut méconnaître la portée et les conséquences de cette modification.

Un journal est une entreprise commerciale qui entraîne une mise de fonds et des dépenses considérables, et, comme compensation, produit des bénéfices représentés par les abonnements et par les annonces. Si tout dépositaire de l'autorité publique peut, aux termes du décret de 1852, obliger un gérant à insérer gratuitement dans son journal tout document officiel, évidemment il se trouve soumis à une expropriation arbitraire, puisque l'on peut disposer de sa chose et de sa propriété, sans indemnité. Pour admettre cette conséquence aussi contraire à tous les principes, il faudrait une disposition dans la loi qui ne pût laisser de doute et ne pût être sujette à interprétation. Or, en consultant le texte de l'art. 19 du décret de 1852, il est difficile d'admettre qu'il puisse avoir la portée que l'on entend lui donner. S'il parle de documents officiels, il parle également de réponses et de rectifications. Il ne faut donc pas diviser cet article, mais le prendre dans son ensemble, et admettre que les insertions que le journal est tenu de faire ne peuvent que servir de réponse à des énonciations erronées, ou mensongères, ou de mauvaise foi, que l'autorité publique a le devoir de contrôler, et qu'à titre de peine le journal est tenu d'insérer gratuitement.

« L'insertion gratuite, en effet, est évidemment une peine et ne peut se justifier que par une faute commise par le gérant, et dont il doit subir les conséquences. >>

Après le rapport, M. l'avocat général Chevrier a donné les conclusions suivantes :

«Un arrêt de la Cour d'Alger a ordonné que luimême et l'arrêt par défaut qui l'avait précédé seraient insérés dans les trois journaux de la ville d'Alger.

« Nous ferons ici une double remarque:

<< 1° Il ne paraît pas qu'une partie civile ait été en cause dans le procès; il apparaît au contraire que l'insertion a été ordonnée à titre de supplément de peine ;

« 2o Aucun des trois journaux dans lesquels l'insertion a été ordonnée n'a été impliqué dans la poursuite.

<< D'un seul mot, la poursuite aussi bien que les faits avaient été étrangers à ces trois journaux. « L'arrêt rendu, le Procureur de la République d'Alger avait requis son insertion dans les trois journaux qu'il avait désignés. L'un de ceux-ci refusa d'insérer.

<< La question qui vous est soumise peat se formuler ainsi :

« Un gérant de journal peut-il être contraint, en vertu d'une décision judiciaire, et sous les peines de la loi, à insérer un jugement rendu hors de sa présence?

« Le seul précédent, offrant une analogie avec notre espèce, que j'aie pu trouver dans les recueils, est un jugement rendu, le 8 mai 1839, par le tribunal de la Seine, confirmé par la Cour de Paris le 16 nov. 1839 (P. 1839. 1.485), et dont voici les termes : « Attendu que l'art. 548, C. proc., a dit le tribunal de la Seine, dans le jugement du 8 mars 1839, prévoit le cas où un tiers désigné dans un jugement est tenu de faire quelque chose, et indique à quelle époque et dans quelles circonstances on pourra exiger du tiers l'obéissance au jugement, suppose le cas où le tiers consent à l'exécution du jugement, ou a contracté antérieurement l'obligation de faire ce qui est ordonné par justice, mais ne déroge pas au principe qu'un jugement ne peut nuire à celui qui y a été étranger. »

<< Cela dit, quel texte peut être invoqué par le pourvoi?

«Ici se pose la question préjudicielle de savoir. si l'art. 13 de la loi de 1849 a été, sur le point enlitige, abrogé par le décret de 1852. Pour nous, nous le croyons. Le décret de 1852 s'est emparé de cette disposition, il l'a maintenue en partie, et en partie abrogée. Cela résulte de l'opinion de M. le Garde des Sceaux en 1852.

« C'est donc dans les termes de l'art. 19 du décret de 1852 que se renferme la discussion.

« D'abord, remarquez-le, il ne s'agit pas ici d'une loi à fins civiles, mais d'un texte à fins pénales.

« L'art. 19, en outre, déclare que tout gérant sera tenu d'insérer tout document officiel, toute relation authentique ou acte de l'autorité publique.

« Or, si on peut dire qu'un arrêt est un document officiel, il faut dire aussi que le législateur, prodigue dans son énumération, s'il avait cru son texte applicable aux jugements, aurait ajouté : << document judiciaire », et il ne l'a pas fait. On ne saurait dire qu'un arrêt est une relation authentique. Est-ce un acte de l'autorité publique ? Peuton dire d'une Cour qu'elle est une autorité publique? Non. Assurément il n'y a pas encore d'obstacle invincible à l'application du décret de 1852; mais, après avoir indiqué dans quelle voie toujours étroite de la législation pénale il nous fallait avancer, nous avons déjà rencontré des difficultés.

Ce n'est pas tout; le texte ajoute: «L'insertion sera gratuite. » Or, le gérant de l'Atlas peut soutenir, ou nous, à sa place, nous dirons que l'on ne peut exiger de lui l'insertion gratuite d'un arrêt auquel il est étranger. Si le Procureur général d'Alger nous répond : « L'insertion ne sera pas gratuite », nous répliquerons qu'alors il s'écarte du régime du décret de 1852.

«Or, il est vrai que le gérant d'un journal est propriétaire de son journal comme le propriétaire d'un immeuble; que nul n'a le droit de porter atteinte à ce droit de propriété, qu'on ne peut exiger de lui l'insertion même des articles payés; à priori,il aurait droit de les refuser comme contraires à sa ligne politique, ou pour toute autre raison qu'il lui plairait d'invoquer !

Puis remarquez les deux expressions de l'article 19: réponses et rectifications. L'auteur du décret de 1852 a ajouté le mot : « réponse; » il a valu consacrer le droit de réponse. Mais où a-t-il voulu donner au gouvernement autre chose que le droit de réponse: par exemple ce que j'appellerai le droit d'annonce?

4 M. l'Avocat général donne lecture d'une circalare de M. le Ministre de la police de 1852. Cette circulaire déclare qu'il est utile que la réponse du gouvernement soit publiée avec les mes caractères-typographiques que l'attaque dont il a été l'objet :

L'art. 13, porte la circulaire, en permettant à l'autorité de faire insérer gratuitement en tête d'un journal le document officiel, offre au pouvoir une des garanties les plus efficaces... Tous exigerez que les gérants des journaux L'emploient pas pour la publication de ces réponses ou articles officiels un caractère à peine isible. Le vœu de la loi est que pour les publicafas requises par l'autorité on fasse usage d'un caractère dont le journal se sert pour les articles pnéraux de polémique. On peut, tout au moins, exer que la réponse officielle soit composée typographiquement à l'aide de caractères semblables à ceux qui ont été employés pour l'attaque, etc. a

Donc il est bien vrai que l'art. 19 est une arme mise entre les mains du gouvernement pour sa defense. Ce n'est pas le droit d'annonce qu'il Consacre, c'est le droit de réponse.

Voulez-vous nous permettre encore de remonter un peu en arrière et d'examiner les événements historiques qui ont donné naissance aux divers textes dont nous avons dû parler précédemthent. Quand a paru la loi de 1849? C'était après ces longs mois de malaise dont la France s'est si longtemps souvenue, et où se faisait si vivement entir la nécessité de faire respecter l'autorité et de réprimer les attaques. Il en était de même en 1835, où la monarchie de Juillet se défendait contre l'émente et avait besoin d'une arme contre les

excès de la presse.

Il est donc bien vrai que le droit du gouverneTent n'est qu'un droit de réponse. Avant 1852, le gislateur, par timidité ou par bienveillante serve, ne l'avait point formulé dans les mêmes Vermes. Il disait que la réponse serait payée. Autrefois on n'avait osé imposer la gratuité de

la réponse au journaliste tenu de l'insérer. Le décret de 1852 n'a point eu la même timidité ni la même bienveillante réserve.

« Dès lors, le gérant de l'Atlas peut se mettre sous la protection de la propriété individuelle et de la gratuité de l'insertion, et refuser l'insertion d'un arrêt qui lui est étranger.

<< Mais, dit le pourvoi, le journal est une propriété réglementée. Et il ajoute qu'il a une condamnation dont l'exécution doit être assurée.

« Oui! contre la partie condamnée, mais non contre une autre, non contre un tiers.

« Le pourvoi ajoute, il est vrai, que le Code de proc. mentionne des exceptions à la règle. Oui, mais il y a tiers et tiers. Le conservateur des hypothèques, le garant, la caution ne sont pas des tiers dans le même sens que le journal en notre espèce.

« Alors M. le procureur général vous met sous les yeux les périls qu'il y aurait à ne pas accorder ce droit d'insertion. Considération qui ne saurait vous frapper, car il n'appartient à personne, même à vous, de combler la lacune de la loi, et, s'il en existe une dont les conséquences sont regrettables, nous ne pouvons pas y pourvoir!

<< Concluons. La thèse du pourvoi est condamnée par les principes généraux du droit. Pour se justifier, il faudrait qu'elle s'appuyât sur un texte précis et formel, sur un texte spécial. Or, ce texte ne pourrait être, de toute nécessité, que l'art. 19 du décret de 1852, lequel a abrogé, sur le point en litige, les lois antérieures, et notamment celle de 1849. Mais il est démontré qu'appliquer l'art. 19 à l'insertion de jugement rendu en l'absence d'un gérant de journal, à raison de faits qui lui sont étrangers, ce serait: 1° en forcer les termes; 20 en forcer l'esprit, et 3° en méconnaître la filiation historique. - Nous estimons, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi de M. le Procureur général d'Alger. »

ARRÊT.

-

LA COUR ; Attendu, en fait, que par arrêt de la Cour d'Alger, en date du 17 sept. 1877, un sieur Boly avait été condamné pour diffamation-outrages envers la gendarmerie d'Ainch-Arba à trois mois de prison et 500 fr. d'amende, et que la Cour avait ordonné l'insertion in extenso tant dudit arrêt que de l'arrêt par défaut du 18 août précédent dans trois journaux d'Oran, l'Echo, le Courrier et l'Atlas; Attendu que Gérard, gérant du journal l'Atlas, requis, en vertu de l'art. 19 du décret du 47 févr. 1852, par M. le procureur de la République,d'insérer en tête, de son journal, les arrêts dont s'agit, s'y refusa, refus qui fut constaté par procès-verbal régulier; Attendu que, poursuivi devant le tribunal d'Oran pour contravention aux dispositions de l'art. 19 du décret du 17 févr. 1852, il fut renvoyé des poursuites, et que, sur l'appel du ministère public, ce jugement fut confirmé par l'arrêt attaqué ; Sur le premier moyen, tiré de ce qu'il y aurait eu violation de l'autorité de la chose jugé : Attendu que la Cour avait ordonné l'insertion de l'arrêt par elle rendu dans le journal l'Atlas,

[ocr errors]

mais que, le gérant n'étant pas partie dans l'instance, cet arrêt ne pouvait avoir l'autorité de la chose jugée et force exécutoire en ce qui le concernait ; Rejette ce moyen; Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'art. 49 du décret du 17 févr. 1852 : Attendu que cet article qui, sauf la gratuité des insertions, reproduit les dispositions de l'art. 43 de la loi du 27 juill. 1849, donne de la manière la plus expresse à tout dépositaire de l'autorité publique le droit de faire insérer en tête d'un journal les documents officiels, relations authentiques, renseignements, réponses et rectifications qui lui sont adressés ; Attendu qu'aucune disposition législative n'ayant abrogé ledit article, il est toujours en vigueur; Attendu l'on ne que peut méconnaître qu'un arrêt de Cour souveraine est un document officiel ; les décisions rendues par les magistrats qui ont mission de faire respecter la loi, et d'en imposer l'obéissance, ayant évidemment ce caractère; Attendu, en tous cas, que cet article, par son texte, par son esprit et par la généralité des expressions dont il se sert, s'applique évidemment à des documents de la nature de ceux dont il s'agit dans l'espèce ; Attendu qu'il ne peut être contesté que le ministère public est un dépositaire de l'autorité publique; - Attendu que, si les expressions réponses et rectifications se trouvant à la fin de l'article indiquent que les représentants de l'autorité publique ont le droit de requé rir l'insertion qui serait une réponse ou une rectification à des énonciations inexactes, fausses ou de mauvaise foi, publiées dans un journal, elles ne peuvent avoir pour effet de supprimer ou de restreindre les droits plus étendus qui résultent du commencement de cet article; qu'il faut le prendre dans son ensemble, en faire l'application dans tous les cas qu'il a voulu prévoir, et suivant les circonstances qui peuvent se présenter; Attendu que, quelle que soit la nature des obligations imposées au journal, la Cour, en présence d'une loi dont les dispositions sont claires et précises, doit en assurer l'exécution;

[ocr errors]

Attendu que de ce qui précède, il résulte que l'arrêt rendu par la Cour d'Alger à la date du 17 sept. 1877 était un document dont le Procureur de la République avait qualité pour requérir l'insertion, en vertu de l'art. 49 du décret du 47 févr. 1852, et que Gérard, en se refusant d'obtempérer aux réquisitions qui lui étaient adressées, a contrevenu aux

(1-2-3) Il est de jurisprudence que l'art. 259, C. pén., qui punit le délit de port de costume est applicable au port illégal du costume ecclésiastique. V. Bordeaux, 6 avril 1870 (P. 1871. 536. S. 1871. 2. 159); Cass. 10 mai 1873 P. 1873. 544.-S. 1873. 1. 230), et les renvois. Ainsi le prêtre auquel une ordonnance de son évêque a interdit le costume écclésiastique, et qui continue cependant à le porter, est passible de la peine édictée par l'art. 259, C. pén.; Cass.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

1o Le clerc tonsuré qui a renoncé à toute préparation à la prêtrise perd, par cela même, le droit qu'il avait pu avoir de porter le cos tume ecclésiastique (4) (Concordat de l'an 9, art. 4er; C. pén., 259).

L'ordonnance épiscopale qui interdit à un clerc tonsuré le costume ecclésiastique suffit pour l'application légale de l'art. 259, C. pén., encore bien que cette ordonnance n'ait pas été régulièrement notifiée, si d'ailleurs il est établi en fait que l'inculpé en a eu con naissance (2) (Id.).

...

Et, pour admettre l'existence de cette ordonnance, les juges peuvent s'appuyer sur la copie certifiée qui en a été transmise par l'évéché, et qui a été jointe aux pièces de la pro cédure et inventoriée (C. pén., 259; C. instr. crim., 454, 155, 156, 189).

Les ordonnances prises, en cette matière, par les évêques, sont des actes d'administration ecclésiastique qui ne peuvent être discutés devant les tribunaux, et qui conservent leur force et leur effet, tant qu'ils n'ont pas h réformés par l'autorité compétente (3) C pén., 259; L. 18 germinal an 40, art. 6).

20 Il y a délit d'usurpation de nom dansk fait de celui qui, en vue de s'attribuer un distinction honorifique, a pris sans droit, depuis plusieurs années et en divers lieux, dans tous les actes de la vie privée, un nom précédé d'une particule (4) (Ć. pén., 259). (Enrègle).

[ocr errors]

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen, pri de la violation de l'art. 259, C. pén., et de l'art. 4er du Concordat de l'an 9, en ce que

[blocks in formation]
« PreviousContinue »