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La loi du 21 juill. 1867 n'a pas compris la

dépôt d'un double de l'acte social dressé sous seing privé, aux assemblées appelées à vérifier les apports, à contrôler les avantages particuliers, à procéder au choix des administrateurs. La Cour de cassation restreint l'application des garanties prises par le législateur contre la spéculation aux seules sociétés qui ouvrent une souscription publique afin de se procurer un capital en numéraire. Cette décision est-elle conforme au texte de la loi, est-elle conforme à l'intention du législateur, estelle conforme à l'intérêt général? C'est ce que nous allons rechercher avec soin.

Des personnes qui exercent des industries similai.es soit isolément, soit en société, se rapprochent, confondent leurs établissements, leurs matériels pour en faire l'objet unifié d'une société nouvelle par actions. Tels sont les caractères généraux de l'hypothèse qui fait naître la difficulté. Dans l'espèce, les établissements mis en commun appartenaient antérieurement à des sociétés en nom collectif, et la société nouvelle était anonyme.

Mettons d'abord en évidence une idée d'une grande portée. La loi de 1867 divise-t-elle expressément les sociétés par actions en deux classes: sociétés formées avec ou sans ouverture d'une souscription publique d'actions, sociétés dont le capital est composé uniquement d'apports en nature, sociétés dont le capital est composé au moins en partie d'apports en numéraire? Non. La Cour suprême ne le prétend pas. Les dispositions de la loi dans leur forme sont générales et embrassent toutes les sociétés par actions. Elles ne reçoivent d'exception que là où il est impossible de les observer. Telle est l'idée qui domine l'arrêt. L'impossibilité scule déroge à la prescription indistincte de la loi.

Considérons une à une les dispositions dont l'inobservation pouvait entraîner la nullité aux termes de la loi du 24 juill. 1867.

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a. Art. 1. Déclaration notariée de la souscription de la totalité et du versement du quart du capital. La Cour de cassation décide que, dans l'hypothèse, cette déclaration n'est pas nécessaire. Sur ce point, nous nous écartons de l'avis contraire de notre cher collègue. Le mot souscription fait allusion à la promesse d'un apport futur. Quand une action est attribuée par le pacte social en reconnaissance d'un apport effectué, on ne se sert pas du mot souscription. La loi qui vise l'hypothèse d'une souscription n'exige pas la déclaration devant notaire, dans le cas où tout l'actif social se compose d'apports en nature, de biens individuellement déterminés dont la société nouvelle est propriétaire en totalité du jour où elle prend naissance. Seul le fait de l'indication d'un capital en argent, d'un capital à réaliser, laisse place à un doute que la déclaration notariée dissipe. Pour ce capital espéré, avez-vous dos souscripteurs? Qu'ontils déjà versé ? Il ne doit pas être permis à la société de commencer à fonctionner avant que les espérances des statuts soient devenues des réalités. Déclarez ce fait Au contraire, l'indication dans l'acte de société que le capital de la nouvelle

transcription parmi les modes de publicité

société est la réunion des biens déjà acquis à des sociétés antérieures ne laisse place à aucun doute du même genre; donc elle dispense de toute déclaration complémentaire. On sait que tout le capital de la société est acquis, tous les apports sont réalisés, que la société n'a qu'à naître pour avoir tout le fonds social que ses statuts lui destinent.

Nous avons opposé au capital en numéraire à réaliser le capital en nature déjà réalisé tout entier. Si l'apport en nature était simplement promis, et devait être fourni, procuré dans l'avenir (ce qui est rare, mais non impossible), que déciderait-on sur la déclaration notariée de souscription et de versement? Nous sommes enclin à dire que la déclaration serait nécessaire. Mais nous préférons réserver cette question étrangère à notre espèce.

b. Art. 1. Dépot chez un notaire d'un double de l'acte social qui a été rédigé sous seing privé.- La chambre civile décide que la nécessité de ce dépôt disparait par voie de conséquence avec la nécessité de la déclaration de la souscription totale et du versement au moins partiel. Dans la pensée des magistrats, ce dépôt n'a qu'un but, servir de contrôle à la déclaration. La liste des souscripteurs est dressée; l'état des versements est communiqué. C'est en comparant avec les clauses de l'acte social que l'on saura si les souscriptions représentent la totalité, si les versements représentent au moins le quart du capital. Cette utilité du dépôt est incontestable; est-elle la seule ? Oui, répond la Cour suprême, Oui, dirons-nous également, sous le bénéfice d'une distinction; elle est la seule utilité à considérer, lorsque l'acte de société a été dressé par un notaire et revêtu de l'authenticité. Si la déclaration de souscription et de versement est faite devant un autre notaire, la loi ordonne l'annexe d'une expédition de l'acte de société. Le seul but paraît être de faciliter la vérification des déclarations faites et des documents produits. Mais lorsque les statuts de la société ont été rédigés par acte sous seing privé (ainsi les choses s'étaient passées dans notre espèce), le dépôt d'un double chez un notaire a une utilité indépendante du contrôle des déclarations de souscription et de versement. Pour en être convaincu, il suffit de lire le rapport au Corps législatif. Le rapporteur explique le but du dernier paragraphe de l'art. 1, lequel paragraphe avait été ajouté au projet par la commission. Il rappelle que les tribunaux ont été saisis de la question de savoir en combien d'originaux devait être dressé l'acte sous seing privé d'une société en commandite par actions. La difficulté roulait sur l'interprétation de l'art. 1325, C. civ. Autant d'originaux, dit la loi, qu'il y a de parties intéressées. Faut-il donc autant d'originaux que la société compte de membres ? Cette question, la commissioh a voulu la trancher. « Nous avons pensé que deux doubles, l'un annexé à la déclaration de souscription du capital, et l'autre déposé au siège social, suffisaient à toutes les exigences raisonnables. » (P. Lois, décr., etc, de 1867, p. 352, note 2. S.Lois annotées de 1867, p. 208, note 2.) Cette phrase

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qu'elle a établis, et le défaut de transcription

peut se traduire ainsi : Nous prescrivons que deux originaux soient rédigés, l'un déposé chez un notaire, l'autre déposé au siège social. Celui déposé au siège social servira aux administrateurs; celui déposé chez un notaire sera à la disposition de tous les actionnaires qui le consulteront et l'invoqueront, soit dans une pensée de surveillance ou de critique, soit à l'occasion d'un procès à intenter; ils ne pourraient pas toujours compter en ce cas sur le bon vouloir et sur une communication bénévole de la part des administrateurs. La question qui autrefois ne s'élevait que pour les sociétés en commandite s'élève de même et doit se résoudre de même aujourd'hui pour les sociétés anonymes affranchies du régime de l'auterisation. (Art. 24, L. de 1867.) Il nous paraît évident, d'après cela, que si la loi parle d'annexe à la déclaration, c'est parce qu'il était logique que toutes les pièces concernant la formation d'une même société fussent jointes ensemble, et non pas pour subordonner la nécessité du dépôt d'un original aux circonstances qui rendraient utile la déclaration de souscription. Il vaudrait mieux exiger dans tous les cas une déclaration, laquelle expliquerait dans notre espèce que, s'il n'y a pas eu de souscription, c'est que toutes les actions ont été attribuées à des actionnaires ayant par des apports en nature réalisé tout le patrimoine de la société, que de dispenser en aucun cas du dépôt chez un notaire d'un original de l'acte sous seing privé.

Voyez où conduit la décision de la Cour régulatrice. L'application de l'art. 1325, C. civ. aux sociétés en commandite ou anonymes certainement est difficile. Nous avons dans la loi de 1867 une excellente solution. Deux originaux suffisent, pourvu que l'un d'eux, qui intéresse une multitude de personnes, les actionnaires présents et futurs, soit à leur disposition chez un notaire. Si cette sage disposition n'est pas appliquée aux sociétés par actions qui n'ouvrent pas de souscription, la difficulté élevée sur l'application de l'art. 1325 renaît, et nous sommes de nouveau plongés dans une controverse que des arrêts avaient tranchée, mais sans l'éteindre. - En vain l'on objecterait que

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le vœu de la loi, à cet égard, sera toujours rempli par le dépôt au greffe de la justice de paix et du tribunal de commerce d'un double de l'acte social fait soas seing privé (art. 55). Ces deux dépôts ont chacun un objet distinct. Le dépôt chez un notaire prescrit par l'art. 1 regarde les membres de la société. Le dépôt au greffe prescrit par l'art. 55 regarde les tiers. Le dépôt chez un notaire se réfère à l'observation de l'art. 1325, C. civ. Le dépit au greffe se réfère à la loi de la publicité. Le double déposé chez un notaire est un double original. Le double déposé au greffe est un duplisata, une copie signée de ceux qui ont mandat de faire la publication. L'art. 55 est l'œuvre de la commission; ce qui n'a pas empêché cette commission de proposer le dernier paragraphe de l'art. 1 par le motif que nous avons extrait de son rapport. Il faut que chaque associé ait non pas sculeEient connaissance des statuts, mais ait un titre, un acte original et faisant foi, qu'il puisse invoquer

d'un acte de société contenant des apports en

contre les autres parties au contrat.-M. de Courcy, qui a assimilé les doubles dont parle l'art. 55 aux doubles originaux dont s'occupe l'art. 1, en a conclu, à tort suivant nous, que l'art. 1 de la loi contient une inexactitude, une incohérence (V. Examen de la loi de 1867, p. 4. V. aussi MM. Lyon-Caen et Renault, Précis de droit comm. n. 408 bis, note 1). L'interprétation donnée par notre arrêt à l'art. 1er, dernier paragraphe, ne nous paraît ni conforme à la volonté du législateur, ni en elle-même judicieuse et prévoyante.

c. Art. 4. Assemblées des actionnaires pour la vérification des apports en nature et des avantages particuliers. Nous abordons le point le plus escarpé du litige. C'est ici que se concentre le principal intérêt et le principal effort de la discussion. L'exagération dans l'estimation des apports en nature est l'une des fraudes les plus fréquentes et les plus redoutables. On a un brevet; on a un établissement; on a un immeuble; on le met en société pour une valeur que l'on fixe soi-même et que l'on enfle au delà de la vérité; on se fait attribuer des actions libérées, et l'on profite de la prospérité factice qui entoure une société à son début pour vendre peu à peu ses actions. On se fait payer ainsi par le public crédule le double peut-être de la valeur du bien mis en commun, et la fraude est irréparablement accomplie. La société végète, périclite, sombre, mais au détriment de ses actionnaires actuels, parmi lesquels ne sont plus les auteurs des apports surestimés. Il est bien entendu que nous parlons en général, et que nous n'imputons rien en particulier aux personnes engagées dans le procès actuel.

Pour prévenir le danger signalé, le législateur de 1867 prescrit deux assemblées successives des actionnaires, l'une qui organise une vérification, qui confie la rédaction d'un rapport à des commissaires; l'autre, qui statue sur les conclusions d'un rapport déposé et communiqué aux actionnaires depuis cinq jours au moins. Le législateur se défie des adhésions individuelles; il veut une délibération en commun; il n'a pas la prétention de rendre les hommes attentifs et clairvoyants; il veut au moins les préserver de toute pression, de toute séduction s'exerçant en secret, leur fournir les moyens de s'éclairer et l'occasion d'émettre une volonté libre. (Art 4, 24, 27 de la loi de 1867.)

La loi fait exception à cette prescription pour un cas unique, celui dans lequel le fonds social se compose d'apports en nature dont tous les membres de la société nouvelle étaient déjà antérieurement copropriétaires. Une vérification en assemblée est alors inutile, puisqu'elle serait faite par ceux mêmes qui sont les auteurs de l'estimation à vérifier.

Sommes-nous dans ce cas exceptionnel? Non. La loi suppose un apport unique; nous avons des apports multiples. La loi suppose que « la << société à laquelle est fait ledit apport est << formée entre ceux seulement qui en étaient << propriétaires par indivis ». Dans notre espèce, les apports en nature avaient une double origine; les associés se divisaient en deux groupes, à

immeubles n'entraîne pas la nullité de la so

chacun de ces groupes appartenait un des établissements apportés. Il y avait des associés qui n'avaient aucun droit antérieur de propriété sur certains biens compris dans l'avoir de la société nouvelle. Il y avait des associés qui avaient intérêt et compétence pour la vérification d'une estimation dont ils n'étaient par les auteurs. Nous ne sommes pas dans l'exception; nous sommes sans doute sous l'empire de la règle. La Cour de cassation répond négativement; elle a trouvé une autre raison d'exclure l'application de la règle. Elle relève que la loi retire voix délibérative à ceux qui ont fait les apports à vérifier, que la loi retranche les apports en nature du capital dont la moitié au moins doit être représentée dans l'assemblée. Elle en conclut que la décision sur l'estimation des apports en nature appartient uniquement aux associés ayant fait des apperts en numéraire. Dans une société qui ne reçoit pas d'apports en argent, les assemblées de l'art. 4 sont impossibles.

Nous ne saurions adhérer à cette interprétation de la loi.

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Le texte y répugne. La loi ne refuse pas voix délibérative à tous ceux qui ont fait des apports en nature. Elle refuse voix délibérative « aux associés qui ont fait l'apport soumis à l'appréciation de l'assemblée ». Donc les associés qui ont apporté des biens en nature ont voix délibérative sur l'estimation d'apports qui n'émanent pas d'eux. La Cour affirme que le capital dont la moitié doit être représentée dans l'assemblée est le capital en numéraire. La loi dit plutôt le contraire, tout au moins à propos des sociétés anonymes (art. 30); elle parle de la moitié du capital social. Le texte relatif aux sociétés en commandite par actions est, il est vrai, rédigé différemment (art. 4); mais nous sommes en face d'une société anonyme. La loi ajoute que le capital social, dont moitié doit être réprésentée, sera diminué du montant des apports soumis à vérification. Cela doit s'entendre, selon nous, comme le texte qui retire voix délibérative à certains associés. Remarquons le bien, et cela est, à nos yeux, très important. La loi ne dit pas : il faut retrancher le montant des apports en nature. Elle dit: il faut retrancher le montant des apports soumis à vérification. Donc un apport, quoique en nature, compte s'il n'est pas actuellement soumis à vérification. Donc, dans chaque délibération, le capital dont moitié devra être réprésentée sera diminué du montant de l'apport actuellement à vérifier. La loi a voulu prévenir une impossibilité qui aurait découlé de son exigence d'une représentation de moitié au cas où l'apport à vérifier aurait, par son estimation, dépassé la moitié du capital social.

Plusieurs objections peuvent nous être faites: 1o La loi organise l'assemblée vérificatrice une fois pour toutes. Elle ne suppose pas que la constitution de l'assemblée sera différente dans chaque délibération. Non; ce sont des complications qu'elle n'a pas prévues; mais cela peut se produire. Dans l'art. 29, dans l'art. 31, les mots capital social

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ciété (7) (L. 24 juill. 4867, art. 53 el 56).— Id.

désignent incontestablement tout le capital, y comoris les apports en nature. Ces mots doivent avoir le même sens dans l'art. 30. Quant au calcul des voix, la loi retranche seulement les associés dont l'apport est soumis à vérification. Pourquoi dans le calcul du capital ne retrancherait-on pas seulement le montant de l'apport soumis à vérification?

2o Dans notre système, compteront dans le capital dont moitié doit être représentée les apports nou encore vérifiés, apports dont l'estimation sera peut-être plus tard reconnue excessive. Nous répondrons par une analogie: Dans la Chambre des députés, les députés dont les élections ne sont pas encore validées et seront peut-être invalidées volent, émettent un vote irrévocablement valable sur la validité des premières élections rapportées. On commence par les élections les moins combattues. Les commissaires pourront aussi soumettre à l'assemblée l'examen des apports en nature dont la valeur est le moins contestable.

30 Une vérification faite par des associés qui seront un peu plus tard soumis eux-mêmes à vérification présente-elle une grande garantie? N'estil pas à craindre qu'ils n'aient les uns pour les autres des complaisances intéressées? - Cela est vrai, cela est fort à craindre, s'ils sont tous malhonnêtes. Mais enfin une improbité universelle, et chez tous égale en profondeur, n'est heureusement pas la seule hypothèse à considérer. La délibération telle que nous l'organisons aura encore parfois son utilité pour protéger les associés honnêtes et scrupuleux contre la hardiesse ou la ruse des indélicats ou des éhontés. Et puis, réponse commune aux deux objections qui précédent, le système sera-t-il meilleur, la garantie de sincérité sera-t-elle plus grande si, comme le veut la Cour suprême, il n'y a pas du tout d'assemblée et de délibération? Un rapport explicatif des données de l'estimation n'est-il pas une condition difficile à remplir pour le mensonge, une entrave à la ruse, et pour les tiers un renseignement utile à posséder?

Enfin nous nous réfugions surtout derrière cet argument, à notre avis irrésistible. La loi a prévu que le fonds social pourrait se composer exclusivement d'apports en nature. A-t-elle déclaré que dans ce cas la double assemblée n'aurait pas lieu? Non elle a même implicitement déclaré le contraire eu prenant une décision exceptionnelle pour le cas unique où tout le fonds social se composerait d'apports en nature dont tous les associés seraient copropriétaires par indivis. Cette exception for melle est rendue complètement inutile par l'interprétation que la Cour donne d'articles purement réglementaires de la forme de la délibération dans les cas où elle doit avoir lieu.

Réfléchissons bien à la fragilité de la base sur laquelle repose la théorie de la Cour suprême : La loi prescrit la vérification des apports en nature dans toutes les sociétés par actions, voilà le principe.

La loi fait une exception unique pour le cas où tous les associés étaient auparavant coproprié taires des apports en nature. Puis la loi, arrivant

La mention, dans l'extrait de l'acte

à régler les détails de l'assemblée, la représentatien nécessaire du capital social, aurait indirectement renversé pour partie le principe qu'elle venait de poser, élargi d'une façon notable l'exception qu'elle venait de circonscrire! De telle sorte que la vérité résiderait dans cette formule bien simple, que le législateur aurait pu, aurait dû employer, et n'a pas employée: La vérification des apports en nature n'est exigée que dans les sociétés par actions qui reçoivent en outre par souscription des apports en numéraire! - Nous regardous cette conclusion comme inadmissible par respect pour la sagacité du législateur.

Nous sommes heureux de pouvoir invoquer au moins en partie l'opinion d'un éminent jurisconsulte, membre de la chambre civile de la Cour suprême. Nous lisons dans l'ouvrage de M. Pont sur les Sociétés commerciales: « Paul fait apport d'un matériel qu'il estime 50,000 fr. et Pierre, de marchandises qu'il estime 30,000 fr. Chacun d'eux serat-il admis à délibérer et à voter dans la délibération relative à Fapport de l'autre !.... On peut répondre, à la vérité, que, pris dans ses termes généraux, le texte semble avoir mis en présence les souseripteurs qui représentent le capital en numéraire et les actionnaires représentant le capital en natore, et avoir voulu exclure en masse et d'une manière absolue ces derniers du vote, entendant n'y appeler que les premiers. Toutefois telle ne saurait être la pensée vraie du législateur; ce qu'il a voulu, ce qu'il a dû vouloir, c'est exclure le concours et la participation des associés aux délibérations de l'assemblée relatives à l'appréciation et à l'approbation de leurs propres apports on des avantages stipulés à leur profit, etc. » (Sociétés, 1. 2, p. 155, no 1009).

Nous n'avons parlé que des apports en nature; passons aux avantages particuliers. Ici nous hésitons, nous ne sommes pas sûrs de comprendre l'argumentation de l'arrêt: « L'assemblée qui statue sur les avantages particuliers est identique à telle qui statue sur les apports en nature. Par tne raison empruntée à la considération des apports en nature, dans l'espèce l'assemblée était impossible. Donc les avantages particuliers n'ont pas dû être appréciés ». Voilà comment nous rétablissons la marche des idées. Sans doute nous nous trompons; car ce raisonnement ne nous semble pas exact. Dans une société où des avantages particuliers sont stipulés, sans que des biens en nature soient apportés (cela est rare, mais n'est pas impossible), il devra certes y avoir double assemblée et approbation. Cela nous paraît certain. L'art. 4 est ainsi conçu : Lorsqu'un associé fait un apport qui ne consiste pas en numéraire ou stipule à son profit des avanges particuliers, etc ». Pourquoi, dès lors, quand une même société offre et des avantages particufiers et des apports en nature, l'impossibilité de hire procéder à la vérification des apports empêcherait-elle de faire procéder à l'approbation d'es antages particuliers ? Pourquoi ne pas distinguer et courme diviser l'assemblée, d'après ses finctions multiples, examiner la possibilité de sa

social publié, qu'un magasin est apporté en

délibération selon les buts divers de sa convo cation? Comme il n'y a pas lieu de défalquer du capital social le montant des avantages partículiers, l'impossibilité tout à l'heure alléguée quant aux apports n'existe pas quant aux avantages particuliers. Supposons une société dont tout le patrimoine se compose d'apports en nature. Les statuts accordent un avantage particulier à l'un des associés. Il n'y a nulle impossibilité à examen et à vote sur l'approbation. Pourquoi ne pas y procéder? Ceux qui font des apports en nature sont, dira-t-on peut-être, moins faciles à tromper que ceux qui sur des prospectus souscrivent des actions. Cela n'est pas sans force et sans vérité. Mais c'est refaire la loi. Rappelons notre point de départ, qui est celui de la Cour régulatrice. La loi est générale; elle s'applřque à toutes les sociétés par actions. L'impossibilité seule pent nous faire déroger à ses prescriptions.

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d. -Nomination des administrateurs par l'assemblée des actionnaires. La loi (art. 25) distingue trois hypothèses: 1o Les statuts rédigés par les fondateurs ne désignent pas les administrateurs. 2o Ils désignent les administrateurs sans aucune stipulation accessoire. 3° Ils désignent les administrateurs avec stipulation formelle que leur nomination ne sera point soumise à l'approbation de l'assemblée générale. La loi défère à l'assemblée dans les deux premiers eas la nomination des administrateurs. Quand les statuts les désignent déjà, sans aucune stipulation accessoire, cette désignation vaut proposition de candidature; elle indique quelles personnes sont disposées à accepter la charge de l'administration, mais c'est l'assemblée qui donne la fonction et le titre d'administrateur. Dans le dernier cas seulement, l'assemblée est dessaisie de tout pouvoir; une stipulation formelle a prévenu les intéressés que telles personnes mettaient comme condition à leur entrée en société, qu'elles seraient, au moins au début, chargées de Fadministration. Telle est l'économie de la loi. La Cour enlève à l'assemblée son pouvoir de nomination dans une autre hypothèse qui n'est pas indiquée dans la loi, c'est lorsque le capital se compose uniquement d'apports en nature. En ce cas, toute désignation d'administrateurs faite dans les statuts, même sans aucune mention spéciale, emporte dessaisissement de l'assemblée.

Il nous parait dangereux de se placer ainsi en dehors du texte de la lor. Ces administrateurs désignés dans les statuts n'exerceront-ils leurs fonctions que pendant trois ans, comme le veut l'art. 25, quelles que soient les clauses des statuts? On le décidera sans doute; mais cela n'est pas logique, nous sommes en dehors de l'hypothèse précise indiquée dans la lor. Si Fon affranchit de l'obser vation de la loi les sociétés qui ont tout leur fonds social, dès le principe, en nature, c'est que les associés qui apportent des biens déterminés sont en général moins nombreux, moins négligents, plus habiles en affaires, plus attentifs que les souscripteurs d'actions à acquitter en numéraire. Les premiers ont moins besoin d'être protégés que les seconds. Tel est évidemment à nos yeux le

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point de vue auquel se sont placés les magistrats. Où s'arrêter dans cette voie? Si les associés ont adhéré à des statuts qui déféraient l'administration à certaines personnes pour plus de trois ans, pour six ans, par exemple, pourquoi ne pas respecter leur convention? Ils sont réputés capables, intelligents. La permanence des vues dans l'administration est une condition de succès. Ils ont tout pesé, tout apprécié. Pourquoi ne pas respecter leur volonté réfléchie? On objectera le texte, soit; mais alors ne nous en écartons jamais. Or le texte confère à l'assemblée des actionnaires le droit de nommer les administrateurs, à moins que les statuts ne contiennent en sens contraire une clause explicite qui n'existait pas dans l'espèce.

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Nous venons de mettre en relief l'idée mère de toutes les décisions indulgentes de la Cour régulatrice. Cette idée n'est pas dans le texte de l'arrêt. Elle se lit entre les lignes. La loi de 1867 a multiplié les mesures de précaution pour les souscripteurs d'actions en argent. Ils n'ont pas concouru à la rédaction de l'acte de société. Ils surviennent et donnent une adhésion peu éclairée. Ces mesures n'ont pas de raison d'être à l'égard de ceux qui apportent des biens en nature. A quoi bon soumettre à une révision en assemblée des statuts qui sont l'œuvre mûrement réfléchie de tous les associés Tous les associés sont alors des fondateurs. La loi n'est pas faite pour protéger les fondateurs; elle se défie au contraire de leur habileté.

Cette considération n'est pas sans valeur. Elle aurait pu toucher le législateur; elle aurait pu le décider à accorder une plus grande liberté aux fondateurs d'une société qui se suffisent à euxmêmes pour la formation du capital, qui ne font pas appel au public. Le législateur de 1867 a-t-il fait cette distinction? Non, il a statué d'une façon uniforme sur toutes sociétés par actions. Ceux qui n'ouvrent pas de souscription au début, et se réservent seulement d'écouler plus tard dans le public les actions qu'ils se sont attribuées, n'inspirent pas certes plus de confiance que ceux qui appellent à eux, dès le principe, les capitaux par voie de souscription. La nécessité de produire ou de laisser apparaître dans un rapport quelques documents à l'appui des estimations qu'ils ont données à leurs apports en nature, la nécessité de se soumettre à une vérification de la part d'associés qui, faisant eux-mêmes des apports en nature, scront peut-être indulgents pour mériter une pareille indulgence, est une bien faible garantie pour le public aux mains duquel, en fin de compte, les actions arriveront. Une loi future sera sans doute plus exigeante Quant à présent il n'est pas sage, il n'est pas conforme aux vues du législateur de sup

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primer les garanties de la loi actuelle, si insuffisantes qu'elles soient. Le doute, si doute il y avait, devrait s'interpréter en sens contraire.

Ceux-là seuls doivent être affranchis de l'observation de la loi, qui ne veulent ni présentement, ni dans l'avenir, s'adresser au public pour la composition de leur capital social.

(7-8-9). Nous serons très brefs sur les conditions de publicité.

Le défaut de transcription d'un acte de société contenant des apports en immeubles n'est pas une cause de nullité de la société.

La loi n'attache pas non plus la peine de nullité de la société aux inexactitudes commises dans l'extrait publié. M. Beudant (Revue crit., 1868, t. I, p. 341) exprime une doctrine à laquelle nous nous rallions : « Si la publicité existe, mais a été « insuffisante, les tiers ont droit de réclamer le « bénéfice de l'état de choses sur lequel les énon«ciations de l'extrait les autorisaient à compter ». Si un immeuble est indiqué comme étant social pour la totalité et qu'une partie ait été réservée propre, l'associé propriétaire devra laisser l'immeuble entier dans l'actif social à l'égard des intéressés autres que les associés. Si des droits réels ont été conférés à des tiers sur la partie exceptée de l'apport, les tiers ne peuvent pas souffrir des inexactitudes de l'extrait; mais l'associé devra compléter en argent la valeur de l'apport que les créanciers sociaux ont pu considérer comme leur gage.

Au surplus, la Cour de cassation n'a pas eu à trancher cette question, parce que la Cour d'appel avait décidé en fait que les énonciations de l'extrait n'étaient pas de nature à tromper les tiers sur l'étendue de l'apport. C'était un point de fait souverainement apprécié.

Nous avons, à la différence de la Cour suprême, reconnu l'existence de nullités dans la constitution de la Société du Batelage de Saint-Pierre. Ces nullités pouvaient-elles être invoquées par les créanciers sociaux? Les demandeurs étaient créanciers de la Société, pouvaient-ils agir pour faire évanouir leur débiteur? Oui, s'ils y avaient un intérêt. Dans l'espèce, l'intérêt pécuniaire qu'avaient les déposants à l'annulation de la société était manifeste, puisqu'ils voulaient et devaient avoir pour responsables de la perte de leurs marchandises, à défaut de la Société anonyme ruinée et nulle, personnellement les associés, comme étant les vrais dépositaires. Le fait du dépôt engageait certainement quelqu'un.

Dans la seconde affaire, l'inexactitude de l'extrait publié était invoquée dans des circonstances et pour arriver à des conséquences particulières et

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