Page images
PDF
EPUB

Ce genre de fabrication n'a pu que gagner à la Révolution; on manquerait plutôt de matières que de débouchés, et si on a pu s'en procurer, la fabrication de ces moulins a dû excéder 25,000 rames. Ce ne sont pas de très fines qualités, les chanvres du pays étant pour la majeure partie communs, la qualité du papier s'en ressent; il pêche aussi quelquefois par le collage; il faut convenir cependant que les fabricants se sont bien perfectionnés à cet égard.

Tanneries et mégisseries.

Presque tous les cuirs se consomment dans le département ou sont vendus dans les foires de Guibray et du Lude, à la réserve d'environ un tiers des peaux de veaux qu'on envoyait à La Rochelle pour y être embarquées; il s'en exportait aussi beaucoup dans le Portugal où elles sont estimées.

Tout ce qui concerne la mégisserie s'emploie pour la ganterie, au Mans pour partie, et le surplus s'envoie à Vendôme, Blois, Sablé et communes voisines, d'où elles passent ouvragées à Paris et quelquefois à l'étranger.

Quelques soins qu'aient pris les tanneurs de ne point donner connaissance de leur commerce pour se soustraire aux droits, les éclaircissements positifs pris en 1788 ont porté à croire que la fabrication en boeufs, vaches, porcs, veaux, chevaux, moutons, chèvres, chevreaux, chiens, agneaux et daims pouvait être environ de 160,000 peaux, pesant à peu près 150 milliers et de la valeur approximative de 180,000 francs. Sept corroyeurs dans la ville du Mans font environ pour 20,000 livres de corroirie, pour laquelle ils emploient 8 à 10 milliers d'huile de poisson, 1,000 à 1,200 livres de suif et 1 millier de lait gras qui est l'huile avec laquelle on fabrique le chamois et qui est cuite.

Cette branche de commerce n'a pu qu'augmenter en raison de la quantité immense de bestiaux qui ont été tués pour l'approvisionnement des troupes, et cependant elle a beaucoup haussé de prix; ce qui lui donne le plus d'importance sans doute est l'exportation qui peut s'en faire dans l'étranger, et elle ne pourrait qu'augmenter si l'on obtenait une diminution sur les droits d'entrée auxquels elle est soumise au Portugal.

Forges. - Toutes les forges trouvent leur débouché dans le département, dans ceux du Maine-et-Loire, de l'Orne et du Calvados. Toutes les forges sont composées d'un ou deux hauts fourneaux,

deux affineries; quelques-unes ont de grandes ou de petites fonderies, poêleries, batteries, etc.

Il y a dans le département sept forges qui peuvent entre elles fabriquer un million de fer ou de fonte, ce qui présente un objet de commerce d'à peu près un million. Il serait intéressant d'établir dans toutes ces forges un bocambre ou bocard, qui est un moulin à pilon qui sert à broyer les tornes et à en tirer les déchets de fer qui y restent attachés; outre l'économie qui en résulterait, les parties métalliques qui restent au fond de l'auge sont de la meilleure qualité.

Ce qui porte un grand préjudice au parti avantageux qu'on pourrait tirer de ces forges, c'est le pillage qui se fait des bois nationaux comme de ceux des particuliers. Le mauvais état des grandes routes ainsi que des chemins vicinaux ne contribue pas peu à ralentir et renchérir cette branche de commerce. La navigation de la Sarthe lui donnerait encore une très grande activité, s'il était en outre possible de suppléer à la disette considérable de bois qui se fait sentir par des charbons de terre; il serait d'autant plus aisé d'augmenter ce genre de fabrication que dans la majeure partie des forges les minerais sont très abondants, d'une facile exploitation et de la meilleure qualité.

Verreries. On ne peut donner aucun délail sur les objets de fabrication de ces deux verreries. On sait seulement que leur principal débouché est dans le département, les circonvoisins et beaucoup à Paris.

Il y a dans la commune de Condrecieux une très belle verrerie dans laquelle se fabrique le cristal de la plus belle qualité, façon d'Angleterre. A Montmirail, à peu près même canton, il en existe une, autrefois très belle et très considérable.

La réparation des routes et la navigation de la Sarthe activeraient beaucoup ces intéressantes manufactures.

Savons.

La consommation s'en faisait dans le département et les circonvoisins.

Avant la Révolution il existait dans la ville du Mans deux manufactures de savon; elles sont dans ce moment-ci suspendues.

Le prix excessif et la rareté des huiles et des potasses a fait fermer ces ateliers; si les affaires reprenaient leur cours et qu'il y eût une diminution sur les droits d'entrée auxquels sont soumises les huiles, on concevrait l'espoir de les voir renaître.

Graines de trèfle. L'exportation s'en fait en Angleterre et en Hollande.

La graine de trèfle fait, pour le seul département de la Sarthe, un objet de commerce d'environ 4,000 balles du poids de 200 livres, ce qui peut être évalué à 500,000 livres.

Ce commerce mérite d'autant plus de considération que, loin de coûter aucun soin ni dépenses au cultivateur, cette plante améliore les terres et fournit d'abondants fourrages pour les bestiaux. Cette graine payait autrefois point ou très peu de droits à la sortie de France; aujourd'hui elle paye environ 3 livres pour cent, ce qui dégoûte les spéculateurs de cette utile production de l'expédier comme ils faisaient avant cette surcharge.

Fait par nous, administrateurs du département de la Sarthe, au Mans, le 9 frimaire, l'an vi de la République française, une et

indivisible.

PARÉ, VÉRITÉ, BLAVETTE, [Illisible] (1).

(1) Sur le département de la Sarthe, voir la Statistique du département de la Sarthe publiée par L.-M. AUVRAY, préfet du département (Paris, an x, in-8°); les documents publiés ici complètent les indications données par M. J. L'HERMITTE, archiviste, dans le n° 4 (juillet-décembre 1907) du Bulletin du comité départemental de la Sarthe (p. 157 et suiv.).

NOTES, EXTRAITS ET DOCUMENTS.

1. MÉMOIRE DU CONSEIL GÉNÉRAL DU DÉPARTEMENT DU NORD
SUR LES ASSIGNATS (1792).

Le 22 décembre 1792, le Conseil général du département du Nord adressa à Clavière, Ministre des Contributions publiques, le mémoire que nous reproduisons ci-après. Il était destiné à la Convention nationale, et Clavière était invité à aller lui-même à l'Assemblée pour en donner lecture(1). Très occupé, le Ministre se

:

(1) Lettre du Conseil général du département du Nord au Ministre des Contributions publiques, 22 décembre 1792 (jointe au dossier). Il ressort de cette lettre que le Conseil général avait adressé, avant décembre 1792, une première pétition à la Convention, et que c'est Clavière qui y avait fait réponse. Cette substitution n'avait pas été du goût du Conseil, et il le prend de très haut avec le Ministre «La demande que le Conseil avait adressée par la voie du Ministre de l'Intérieur à la Convention nationale, et à laquelle vous nous répondez en sa place, n'était destinée qu'à obtenir provisoirement une mesure qu'il avait jugée nécessaire. Il avait besoin de quelques jours pour préparer la demande plus conséquente qu'il fait aujourd'hui. Vous sentirez sans doute que vous ne pouvez pas être juge d'une demande de cette nature, et que les corps administratifs n'auraient pas pu être assujettis à ne correspondre avec la Convention par la voie du Pouvoir exécutif exclusivement, s'il dépendait de celui-ci de faire parvenir ou non cette correspondance aux représentants du peuple, quand les intérêts du peuple obligent les administrateurs qu'il a nommés à recourir à leur autorité. Autant la hiérarchie des pouvoirs est nécessaire au maintien de la liberté, autant la ligne de leur démarcation est importante pour arriver à ce but, et rien ne serait plus propre à tout écraser qu'un pouvoir placé entre tous les pouvoirs et le Corps législatif, si ce pouvoir était le maitre d'arrêter les actes nécessaires et naturels de ceux-ci vers la source de toutes les règles et de toutes les mesures à demander. Le Conseil du département du Nord attend de votre zèle que vous vous porterez à la Convention nationale et que vous lui lirez le mémoire ci-joint. L'objet est assez important pour qu'elle le soumette à l'examen d'un Comité et qu'elle en ordonne un prompt rapport. Le Conseil vous prie de lui communiquer toutes les objections qui pourraient être faites contre le projet, assez à temps pour y répondre avant la décision... » La réponse du Ministre, du 5 janvier 1793 (également jointe au dossier), est de ton très obligeant: «Je me serais prêté, citoyens administrateurs, à satisfaire à vos désirs, en allant lire moi-même à la Convention nationale le mémoire que vous m'avez adressé le 27 décembre, si ma mauvaise santé et la multitude d'affaires dont je suis accablé ne m'en

borna à transmettre la pièce, le 9 janvier 1793; elle fut, le jour même, renvoyée au Comité des finances (1). Ce n'est pas dans les archives du Comité, très pauvres pour l'époque de la Convention, que nous l'avons retrouvée; le texte nous en a été fourni par une copie qui figure, au milieu de papiers divers provenant du Ministère des Contributions publiques, dans un petit dossier du carton H 1441 des Archives nationales. Cette copie date de juin 1793; elle a été envoyée à Destournelles, successeur de Clavière, par le département du Nord, qui n'avait pas de nouvelles de son mémoire (2), Nous ignorons si ce dernier a été finalement l'objet d'une réponse; il n'en est pas moins digne d'être publié. Les questions qu'il agite, celle de la suppression totale de la monnaie métallique, celle de la multiplication des petits assignats, avaient en 1792 beaucoup de gravité, et il est intéressant de savoir ce qu'en pensait l'administration d'un département aussi important que celui du Nord. On notera aussi des réflexions curieuses sur l'action contre-révolutionnaire des grands manieurs d'argent.

P. CARON.

Copie du mémoire présenté à la Convention nationale et au Ministre des Contributions publiques, par le Conseil général du département du Nord, le 22 décembre 1792, 1o de la République française.

Citoyens représentants,

er

L'expérience de plusieurs années de pénibles sacrifices doit enfin déchirer le voile qu'un adroit et perfide charlatanisme a su former entre les yeux des législateurs et la vérité qui devait sauver la France. Un papiermonnaie était nécessaire à un peuple obéré qui voulait payer ses dettes et

ôtaient la faculté dans ce moment... Quoique je ne sois pas de votre avis, je n'en rends pas moins justice à la forme de cette pétition et au zèle qui vous l'a dictée."

P. 110.

(1) Procès-verbal de la Convention nationale, t. V, (2) Le dossier contient en effet copie du «post-scriptum d'une lettre du directoire du département du Nord au Ministre des Contributions publiques, le 22 juin 1793, l'an 11 de la Républiques. Ce post-scriptum est ainsi conçu : « « Nous profitons de cette occasion pour vous faire parvenir une copie du mémoire que nous avons adressé à votre prédécesseur, ainsi qu'à la Convention nationale, le 22 décembre dernier, relatif à la fabrication de petits assignats, en vous priant de vouloir bien en rappeler le souvenir et l'appuyer de votre pouvoir auprès d'elle, afin qu'il puisse avoir son effet.»

« PreviousContinue »