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vigueur et pièces en mains l'ultramontanisme et les jésuites.

» Dans sa grande Histoire de l'Eglise de France, monument élevé à la gloire de notre Eglise nationale, il a rapporté en historien fidèle tous les méfaits qu'on a à leur reprocher.

» Dans l'introduction et les notes du Journal de l'abbé Ledieu sur Bossuet (dont M. Guettée a retrouvé le manuscrit original, et qu'il a publié pour la première fois), il se montre grand admirateur de l'illustre pontife à qui l'Eglise est redevable de la déclaration de 1682, et de son immortelle Défense.

» Enfin, l'Histoire des Jésuites, qu'il a récemment publiée, les dépeint sous des couleurs qui ne peuvent que déplaire aux trop nombreux partisans qu'ils ont su se créer.

» Est-il étonnant, après cela, que Son Eminence Monseigneur Morlot n'ait pas jugé à propos de maintenir en place ce prêtre trop consciencieux et trop érudit pour n'être pas en opposition directe avec l'esprit qui règne en ce moment dans les écoles de théologie?

» Le motif pour lequel M. Guettée a dû quitter son ancien diocèse n'est pas moins honorable pour lui. Loin que ce soit en suite d'une disgrâce de son évêque, c'est au contraire avec sa pleine et entière approbation qu'il est venu s'installer à Paris. Son but était de consulter les documents dont les bibliothèques et les archives publiques abondent et qu'on ne trouve nulle autre part. Quand on est historien. consciencieux et qu'on traite un sujet aussi important et aussi vaste que l'histoire même de l'Eglise de notre pays, on ne se contente pas d'accepter servilement des opinions toutes faites, mais on s'applique à compulser et à débrouiller les documents originaux, et c'est ce qu'a exécuté si laborieusement ce véridique et brillant auteur.

» Enfin, un fait non moins significatif en sa faveur, c'est que Monseigneur Sibour l'avait placé aumônier dans un hospice de Paris, de manière à ce qu'il eût un temps suffisant

pour ses études favorites, tout en lui donnant l'occasion d'exercer avec fruit le saint ministère.

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» Je ne doute pas, monsieur le rédacteur, de votre empressement impartial à insérer dans votre journal ces renseignements, afin de rectifier des erreurs préjudiciables & un ecclésiastique si distingué, puisque d'ailleurs vous avez reproduit de votre propre mouvement l'énergique protestation de la Patrie en faveur de feu Monseigneur l'évêque de Troyes, notre vénéré compatriote, calomnié, ainsi que M. l'abbé Guettée, en haine de ses opinions gallicanes.

>> Veuillez agréer, etc.

VINCENT,

» Rue des Tables-Claudiennes, 8.

Un parti ne se déshonore-t-il pas en recourant à la calomnie la plus noire pour attaquer un prêtre gallican et discréditer une brochure qui lui déplaît? Du reste, le parti ultramontain trouve toutes les armes bonnes pour servir sa cause. C'est ainsi qu'il a osé calomnier Mgr Cœur, évêque de Troyes, en lui prêtant des projets schismatiques, et en s'appuyant, pour propager ses inventions malveillantes, sur le chapitre de Troyes, qui s'est élevé énergiquement contre les assertions calomnieuses des ultramontains.

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Pour tous les articles non signés :

L'abbé GUETTÉE,

PARIS. — IMPRIMERIE DE DUBUISSON ET ce, RUE COQ-HÉRON, 5.

L'OBSERVATEUR

CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., I, 10.

DES USURPATIONS DES PAPES ET DES ÉVÈQUES (1).

Sous ce titre, un honorable avocat, M. J.-J. Brethé, vient de publier un travail très sérieux et qui mérite d'être étudié. Son but est de prouver que la crise actuelle du catholicisme. vient du changement radical qui s'est opéré dans le gouvernement de l'Église. A l'origine, ce gouvernement était fondé sur l'élection; peu à peu, et par suite de circonstances déplorables, l'Église a passé, d'un gouvernement dont la base était démocratique, à un régime seigneurial,modelé sur la féodalité, puis au régime despotique qui est aujourd'hui en vigueur. Il s'ensuit que l'Eglise, détournée de sa voie, se trouve, de nos jours, en proie à une crise dont elle ne sortira qu'en revenant à son gouvernement primitif.

M. J.-J. Brethé a parfaitement prouvé sa thèse. Quelques citations en convaincront nos lecteurs. L'auteur établit d'abord que l'élection remonte aux apôtres. Il s'exprime ainsi :

« Sur le point de commencer leur rude et difficile mis

(1) Paris, Dentu, Palais-Royal,

sion, les apôtres procèdent au remplacement de Judas. Ce n'est ni saint Pierre, ni les onze réunis qui nomment son successeur. Saint Pierre se borne à prier les frères de proposer quelqu'un qui remplisse les conditions requises pour occuper sa place. Ceux-ci présentent Joseph, appelé Barrabas, surnommé le juste, et Matthias; le sort prononce en faveur de ce dernier (1). Plus tard, les apôtres, voulant se consacrer exclusivement au ministère de la parole, convoquent la multitude des disciples, et les engagent à choisir parmi eux sept hommes de bon témoignage, pour administrer les biens temporels de l'Église naissante. Ce discours ayant plu à la multitude, elle choisit sept diacres, qu'elle présenta aux apôtres pour recevoir l'imposition des mains (2).

>> Une grande discussion s'étant élevée entre les premiers chrétiens, relativement aux observances mosaïques, un concile s'assembla à Jérusalem. Saint Pierre parle le premier, mais c'est la proposition de saint Jacques qui est adoptée. Qui prend part à la délibération? Les apôtres, les anciens et toute l'Église. Au nom de qui est écrite la lettre qui contient les décisions de l'Assemblée? Au nom des apôtres, des anciens et des frères (3). Ainsi, à cette époque, toute l'Église assistait au concile et y avait voix délibérative, les laïques, par conséquent, comme les autres. Ajoutons qu'il faut évidemment voir dans le premier des conciles tenu par les apôtres, le modèle, la forme essentielle de ces sortes d'assemblées.

>> Les successeurs des apôtres, loin de rien changer à l'ordre établi par eux, s'y conformèrent scrupuleusement, comme il est facile de s'en convaincre en parcourant les monuments de la tradition. Suivant saint Cyprien, le peuple a surtout le droit soit d'élire de dignes pasteurs, soit de refu

(1) Actes des Apôtres, 1, 5 et suiv.

(2) Ibid. VI.

(3) Act. xv, 6 et suiv. Dans la Vulgate, il y a seniores fratres, les prêtres frères, mais le grec, langue dans laquelle furent écrits les Actes des apótres, dit les apótres, et les anciens, et les frères.

:

ser les indignes; et cette manière de procéder, ajoute-t-il, est de tradition divine et apostolique (1). Mais là ne se bornait pas l'intervention du peuple. Le même saint nous apprend, en effet, qu'il s'était imposé, dès le commencement de son épiscopat, l'obligation de ne faire aucun acte d'administration sans avoir consulté son clergé, et pris le consentement du peuple (2). Du reste, saint Cyprien ne faisait en cela que suivre l'exemple des autres évêques, rien d'important ne se traitant alors dans l'Église sans le conseil des prêtres et des diacres, et la participation du peuple (3).

» Les évêques réunis au concile de Nicée, en 325, écrivant à leurs frères qui habitaient l'Égypte, la Lybie et la Pentapole, au sujet du schisme de Mélèce, décident que si quelques-uns de ceux qui occupent des dignités dans l'Église, viennent à mourir, ils pourront être remplacés par d'anciens adhérents de Mélèce, nouvellement reçus, pourvu qu'ils en soient jugés dignes, que le peuple les élise, et que la décision du peuple soit confirmée par l'évêque d'Alexandrie (4). Les Constitutions apostoliques, qui renferment de précieux renseignements sur les usages et la discipline des quatre premiers siècles, nous apprennent que tout le peuple participait à l'élection des pasteurs (5). Dans une célèbre décrétale à Himerius, évêque de Tarragone, le pape Sirice dit expressément que c'était par l'élection du clergé et du peuple que l'on arrivait aux fonctions de prêtre et d'évêque (6). » L'élection s'appliquant à tous les degrés de la hiérarchie ecclésiastique, les Papes y étaient soumis, comme cela résulte d'ailleurs de la formule de leur élection, ainsi conçue : « Nous, assemblés en commun, selon l'usage, savoir tous les prêtres et grands de l'Église, et tout le clergé, ainsi que

(1) Lettre au clergé et au peuple d'Espagne. (2) Lettre aux prétres et aux diacres.

(3) Fleury, 1er discours, XI.

(4) Socrate, Histoire ecclés., liv. 1, ch. 9.

(5) Liv. vIII, ch. 4.

(6) Labbe, con., tom. 2, page 1021.

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