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s'y introduire sans rompre avec elle. A ce point de vue, l'école de Port-Royal fut hérétique. M. E. Renan confond évidemment l'organisation divine de l'Eglise avec celle que les hommes lui ont donnée, ses usages abusifs avec ses lois fondamentales. Or, d'après ces lois, on ne sort pas de l'Église, parce qu'on résiste aux abus; on reste dans la société divinement instituée, quand bien même les hommes chercheraient à vous en chasser. Jamais l'arbitraire et l'injustice n'ont eu force de loi dans l'Eglise, et ceux mêmes qui abusent de leur autorité n'oseraient pas soutenir le contraire. Port-Royal avait compris cette haute vérité; voilà pourquoi il put, en restant dans l'Eglise, lutter contre le mauvais principe qui tendait à la dissolution du christianisme luimême, et qui était personnifié dans les Jésuites. Il défendit la hiérarchie de droit divin contre ceux qui voulaient usurper l'autorité ecclésiastique; il défendit le dogme révélé contre ceux qui voulaient lui substituer leurs systèmes équivoques; il défendit la morale chrétienne et le vrai culte contre les casuistes, contre leurs théories immorales et leurs superstitions; aussi n'a-t-il été hérétique qu'aux yeux des Jésuites et de leurs affiliés, qui regardent, du reste, comme autant de Jansenistes et de partisans de Port-Royal tous les chrétiens sérieux qui ne veulent pas subir le joug de leur menteuse orthodoxie.

Du reste, les jésuites ont raison sous ce dernier rapport; car c'est grâce à l'influence vraiment chrétienne de PortRoyal que l'Eglise romaine possède encore des hommes sincèrement religieux, qui ne confondent pas la superstition avec le culte légitime. Sur ce point, l'influence de Port-Royal a été grande. Aussi sommes-nous étonnés d'entendre M. E. Renan proclamer que cette école «n'a guère exercé en France qu'une influence littéraire. » Son influence religieuse a été beaucoup plus importante. Il est vrai que M. E. Renan a puisé, dans ses études ecclésiastiques de Saint-Sulpice, des idées fort étroites à ce sujet; et son indépendance d'esprit ne l'a pas complétement débarrassé de ses préjugés

PARIS,

IMPRIMERIE DE DUBUISSON ET C',

Rue Coq-Héron, 5.

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AU BUREAU DU JOURNAL, RUE COQ-HÉRON, 5.

L'OBSERVATEUR

CATHOLIQUE

REVUE

DES SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES ET DES FAITS RELIGIEUX.

Omnia instaurare in Christo. Eph., I, 10.

PORT-ROYAL ET M. ERNEST RENAN.

M. de Sainte-Beuve a donné dernièrement une seconde édition de sa prétendue histoire de Port-Royal, et M. Ernest Renan a rendu compte de cet ouvrage dans le Journal des Débats. Nous n'examinerons dans cet article que les articles du journaliste. Plus tard, nous pourrons critiquer l'œuvre de M. de Sainte-Beuve, qui, nous pouvons le dire dès aujourd'hui, fourmille d'erreurs et de fausses appréciations.

Si M. Ernest Renan se fût contenté de donner des éloges à M. de Sainte-Beuve à propos de son livre, nous n'eussions rien eu à dire. Ce sont de ces petits services que l'on se rend entre académiciens, et dont le public sérieux ne peut être dupe. Mais l'élégant écrivain du Journal des Débats a voulu dire son mot sur Port-Royal, et ce sont ses appréciations qui motivent cet article.

M. Ernest Renan a très peu de respect pour l'école illustre qui a le plus contribué à former cette langue française dont il se croit un des plus élégants interprètes; nous ne pouvons en être étonnés. Un écrivain qui ne respecte pas les Livres saints ne peut évidemment ressentir aucune sym

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