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LETTRE DU P. MORGAÈZ A L'ARCHEVÈQUE

DE COMPOSTELLE.

Le P. Morgaèz défend toujours, avec énergie, la cause de la vérité en Espagne. Un prélat, l'archevêque de Compostelle, lui ayant écrit sous prétexte de relever les erreurs d'un de ses ouvrages, le savant dominicain a réfuté sa lettre avec cette logique qu'on lui connaît.

C'est à cette polémique que se rapporte la lettre suivante, que nous sommes heureux de faire connaître à nos lecteurs, qui ont déjà en si haute estime le savant théologien espagnol.

« A Monseigneur l'Archevêque de Compostelle.

>> Monseigneur,

» Dans votre lettre du 12 août 1859, vous disiez que l'objet principal que vous vous proposiez était de réfuter quelques-unes des erreurs contenues dans mon Exposition aux Cortès du royaume des Espagnes. Cette assertion m'a porté à la lire avec plus d'attention, afin de connaître quelles étaient mes erreurs, et pour me mettre en état de les détester. Je n'ai rien trouvé dans vos remarques qui ait trait à un objet qui puisse être appelé une erreur. S'il y avait quelque erreur dans l'Exposition, vous auriez dû noter l'endroit où elle se serait rencontrée, opposer à mes paroles des raisons solides, enfin, enseigner la vraie doctrine opposée à ces erreurs. Vous n'avez rien fait de tout cela. J'ajoute même que vous avez émis, dans votre lettre, des propositions que je ne craindrai pas de dire opposées à la doctrine catholique; je l'ai surabondamment prouvé en répondant à cette lettre. J'ai copié littéralement ces propositions, j'ai indiqué l'endroit précis de votre écrit où elles se trouvent, je les ai combattues, et je leur ai opposé la vraie doctrine qui leur est contraire. Ce que j'ai toujours sous les yeux, c'est la doctrine catholique, que je désire être connue dans son intégrité et conservée inviolablement

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par tous les hommes. C'est pourquoi j'aime que mes écrits soient publiés, et non pas qu'ils soient ensevelis dans les ténèbres. Je connais, en effet, ces paroles de Jésus-Christ, notre maître : « Celui qui agit mal hait la lumière et ne se produit pas au grand jour, afin que ses œuvres ne soient pas trouvées repréhensibles. Celui, au contraire, qui agit selon la vérité, vient au grand jour, afin que ses actions soient manifestes, parce qu'il agit selon Dieu.» Voilà pourquoi je vous ai écrit que mon intention était de publier et votre lettre et la réponse que j'y ai faite. Peut-être un jour ces pièces seront publiées, mais non en Espagne, parce que le pouvoir absolu des prélats, qui ne se croyent liés par aucune loi, savent trop bien ici faire disparaître arbitrairement les écrits qui ne leur conviennent pas. Vous l'avouez vous-même sans détour dans votre lettre du 28 mars dernier, dans laquelle vous me dites: «J'oubliais de vous dire que, si vous pensez à obéir aux lois de l'Eglise (je leur ai toujours obéi, Monseigneur, et vous le savez bien, si vous n'avez pas lu les yeux fermés mon Exposition aux Cortès), vous pouvez vous épargner la peine de traduire votre travail en latin, car aucun évêque ne vous donnera la permission de l'imprimer soit en latin, soit en espagnol. J'en suis tellement certain, que j'en donnerais ma tête à couper. » Voilà donc une nouvelle preuve et une preuve péremptoire de ce que j'affirmais dans un de mes écrits: « Il existe en Espagne une grande conspiration de prélats contre le Christ et contre son Eglise. »

Pourquoi ne dites-vous donc pas, Monseigneur, que mon écrit, après avoir été soumis à l'examen et à la censure, sera approuvé ou désapprouvé selon ce qu'il l'aura mérité ? En affirmant qu'en Espagne il n'y aura aucun évêque qui donnera son consentement pour l'impression, vous démontrez clairement que les conjurés ne reconnaissent aucune loi qu'ils soient obligés d'observer.

» La synagogue de Jérusalem prescrivit aux saints apôtres de ne plus parler au nom de Jésus-Christ. Les apôtres

répondirent à cet ordre: «Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. » Moi, je réponds de même : J'écrirai, et je ne cesserai que quand les forces me manqueront; je combattrai les erreurs quelles qu'elles soient, leurs auteurs et leurs défenseurs. Si l'abus du pouvoir épiscopal est toléré en Espagne, il n'en est pas de même chez les autres nations catholiques. Là, ceux qui en ont le talent défendent librement la saine doctrine de l'Eglise notre mère; là, ils combattent contre les erreurs, sans craindre des dominateurs qui veulent donner leurs inventions pour la parole du Christ, et étouffer les réflexions des fidèles et la voix des Docteurs qui enseignent la vraie doctrine de l'Eglise ; c'est ce que font ici des prélats qui ne respectent aucune loi.

» Dans votre lettre du 18 avril, je lis ces mots : « Je ne veux plus discuter avec vous. » En lisant cette phrase, j'ai été stupéfait et rempli d'amertume, car je pensais qu'elle avait été écrite par un archevêque qui se dit catholique. Je n'ai jamais discuté pour le plaisir de discuter, ni pour passer pour savant, ni pour des choses de minime importance; je n'ai discuté que sur des questions graves, telles que celles dont vous avez parlé dans votre lettre du 12 août 1859, à laquelle lettre j'ai dû répondre, afin que la vérité apparaisse dans tout son jour, ce qui est certes bien permis. Je trouve qu'il est indigne d'un honnête homme et d'un chrétien d'élever des discussions sur des questions frivoles, quand il s'agit de défendre la religion; la discussion est un devoir pour tout homme qui aime la doctrine de la foi, qui est apte à en instruire les autres et à réfuter ceux qui l'attaquent. Tel est l'enseignement donné par saint Paul à ses disciples Thimothée et Tite. Il dit au premier : « Reprends... en toute patience et doctrine; » il dit à l'autre : « L'évêque doit suivre l'enseignement de la foi, afin » qu'il puisse exhorter selon la saine doctrine et réfuter » ceux qui la contredisent. » C'est pourquoi j'ai été profondément affligé lorsque j'ai lu dans votre lettre : « Je ne veux » plus discuter avec vous. » Cette proposition, ce me sem

ble, et selon l'Apôtre, équivaut à celle-ci : « Je refuse de » remplir ma charge épiscopale et les devoirs d'un bon » pasteur. » J'ai affirmé que vous étiez tombé dans une grave erreur. Ce que j'ai avancé, je l'ai appuyé sur de nombreuses preuves. Vous n'avez détruit aucun de mes raisonnements; vous n'avez pu prouver que mes écrits contenaient une seule erreur; vous ne vous êtes pas vous-même justifié de l'erreur qui vous était imputée. Vous n'avez donc pas établi la vérité; comment, après cela, vous qui êtes évêque, osez-vous dire : « Je ne veux plus discuter avec vous?» En parlant ainsi, vous avez abandonné la doctrine de l'Évangile et de l'Apôtre, vous l'avez comptée pour rien.

>> Je pense tout autrement que vous, et je prétends que, si je suis dans l'erreur, je dois toujours être repris selon la vérité, afin que je la connaisse, si elle ne m'est pas connue; que si je suis dans la vérité, je dois y être confirmé, si je suis faible dans ma foi. Je ne prétends pas que l'on me croie sur parole, dans une controverse, quelle qu'elle soit ; je désire seulement que l'on examine sérieusement les raisons sur lesquelles j'appuie mes opinions.

>> En vous parlant avec cette franchise, je n'ai l'intention, monseigneur, ni de vous contrister, ni de vous faire injure, mais uniquement celle de défendre les droits de la vérité ; je place cette vérité au-dessus de toute considération humaine, et je ne me préoccupe pas des inconvénients qui peuvent en résulter pour moi, et s'ajouter à ceux que j'ai déjà supportés.

» Vous pouvez être toujours certain de mon profond attachement pour votre personne sacrée.

Madrid, 15 septembre 1860.

» F. BRAULIO MORGAÈZ. »

P. S. « Je vous dirai, monseigneur, que cette lettre n'a rien de confidentiel. En conséquence, vous pouvez la publier et l'attaquer; les questions qui y sont traitées sont publiques, de leur nature. »

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L'archevêque de Compostelle a eu de fort bonnes raisons, sans doute, pour ne pas désirer la publication de sa lettre au P. Morgaèz. Pour des raisons tout aussi bonnes, il se gardera bien de faire connaître la lettre, aussi juste qu'énergique que nous venons de traduire. R. F.

Chronique Religieuse.

MM. les évêques de Poitiers et d'Orléans ont prononcé l'oraison funèbre des soldats du pape morts en combattant. On pense bien que ces discours d'apparat sont remplis de fausses appréciations et d'éloges emphatiques. Voici comment M. Pie, de Poitiers, s'exprimé à propos de la royauté papale:

« Ce que Dieu a donné à son vicaire pour le meilleur service de sa royauté spirituelle et pour l'équilibre impartial de son autorité au milieu de tous les rois et de tous les peuples, cela est saint et sacré au premier chef. Attaquer cela, c'est commettre le sacrilége, c'est ravager le domaine du Christ, c'est violer l'apanage de sa principauté, c'est usurper la dot insaisissable de son Epouse. Au contraire, défendre cela, c'est faire acte de religion; se battre et mourir pour cela, c'est se battre et mourir, non-seulement pour la cause de la justice et de la morale, pour la cause de la souveraineté légitime et du droit européen, mais c'est se battre et mourir pour la cause de Dieu, de l'Eglise et du Siége apostolique. Le pape régnant vient de le proclamer dans ces termes, et il parle en cela comme toute la tradition. >>

M. Pie ne veut voir que de grandes choses dans l'histoire de la papauté temporelle. C'est tout naturel. Mais l'histoire impartiale y trouve tout autre chose, et M. l'évêque de Poitiers ne détruira pas ses innombrales témoignages.

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