Page images
PDF
EPUB

troupes est malheureux, mais il est dans la nature des choses. On ne peut pas faire arriver des troupes de l'Amérique, et du fond de la Gallicie et de la Pologne d'un côté, et de Lisbonne de l'autre, sans qu'il se passe du temps, et quand on pense qu'il s'est passé à peine deux mois que les puissances alliées ont reçu les nouvelles de l'état de choses en France, qui les ont fait croire qu'un effort était nécessaire, et qu'on voit les préparatifs déjà faits, on est vraiment étonné.

Vous pouvez être certain de ceci, monsieur le comte, que j'ai plus d'expérience en affaires de guerre civile, surtout en France, que beaucoup d'autres, et que vous trouverez les choses exactement comme je vous les ai indiquées.

Pour ce qui regarde les places fortes, il faut que je m'explique. Si une place forte de la première ligne se rendait au Roi par ses propres efforts, ou de la garnison, ou de la population, je mettrais une armée en état de l'appuyer, et je donnerais tous les secours en mon pouvoir, ou pour empêcher l'ennemi de l'attaquer, ou pour faire lever si elle fût attaquée, ou pour leur donner le moyen de se défendre. Je peux promettre la même chose en égard de moyens et d'appui maritime pour une place qui est port de mer; mais je ne peux pas promettre les opérations militaires pour sauver ces places, ni une de la seconde ligne, si une telle se mettait au pouvoir du Roi par ses propres moyens.

Il était question entre le chevalier Stuart et moi d'une communication avec le duc de Trévise 1, qui paraissait avoir la disposition de donner possession au Roi d'une ou plus de places fortes, s'il ne craignait pas les puissances

1. Le maréchal Mortier.

étrangères. Là-dessus j'ai dit et je répète, pour qu'on le fasse savoir où bon semblera, que si le duc de Trévise veut donner possession au Roi d'une ou plus de places fortes sur la frontière, je me mettrai entièrement sous les ordres du Roi en tout ce qui regardera les places fortes. Vous observerez que je fais une distinction majeure entre la reddition d'une ou plus de places fortes par un homme comme le duc de Trévise, et une reddition par les habitants ou la garnison d'une place forte.

Je crois que la première rendrait inutile et donc nuisible toute opération de la part des puissances étrangères, surtout le Roi ayant à sa disposition une armée comme la mienne. La seconde serait très importante, mais pas de nature à influer sur l'état des choses en France de manière à rendre inutiles les opérations ultérieures; et donc je ne pourrais pas, en ce cas-là, agir exactement dans ce sens comme je le pourrais dans l'autre.

J'ai l'honneur d'être, monsieur le comte, avec la considération la plus distinguée, de Votre Excellence le très obéissant serviteur.

[blocks in formation]

Je suis extrêmement sensible au soin que prend Votre Excellence de me développer les motifs qui la dirigent dans la conduite qu'elle se propose de tenir, et je la prie

de croire que personne n'a plus de confiance que moi dans les vues éclairées qui vous animent. J'espère aussi que vous n'attribuerez qu'au sentiment bien profond des malheurs de la France l'impatience avec laquelle j'attends le commencement des efforts qui doivent y mettre un terme, mais je n'en aperçois pas moins l'inévitable délai que l'éloignement des armées a dû apporter à leur marche.

Je crains bien qu'une défection considérable dans l'armée et dans les chefs qui la commandent ne puisse avoir lieu avant les hostilités. Les dispositions de tout ce qui est militaire sont bien différentes de celles du peuple.

No 54.

Bayart, notaire royal à Armentières, à Son Excellence le comte de Blacas.

A. B.

Gand, 15 mai 1815.

Monseigneur,

Pénétré des bontés de mon Roi, je viens, le cœur plein de respect et de reconnaissance, je viens prier Votre Excellence de renouveler à ses pieds l'hommage de mes serments inviolables de fidélité et de dévouement sans bornes.

Oui, monsieur le comte, je retourne dans mon pays; les bontés de mon Roi pour ses fidèles sujets y seront connues, et si j'étais susceptible d'être encouragé pour une aussi belle cause, je vous dirais que mon enthousiasme est porté à son comble.

Le Roi peut compter autant de serviteurs fidèles que d'habitants dans le département du Nord, et si quelque vil reptile osait encore lever la tête, il serait écrasé par

les paroles de bonté que je ne cesserai de répéter et que je regarde comme un titre de famille dont je m'honorerai à jamais.

Il nous faut seulement, monsieur le comte, un interprète des volontés du Roi; vous n'ignorez pas combien est dangereux le rôle que nous allons jouer. Si la personne chargée de nous diriger et de recevoir nos rapports ne possède déjà notre confiance, le but est manqué.

Monsieur le comte de Galliffet, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, a su gagner cette confiance par la manière dont il nous rendait les paroles de bonté et de bienveillance de notre digne maître; par son courage dans des circonstances très difficiles, nous étions assurés de trouver en lui un confident discret, un conseil sûr, quoique bien jeune, et plus encore, un soutien et un chef de notre choix, si nous avions été obligés de songer à notre défense personnelle.

Tous les chefs du pays ont pour lui les mêmes sentiments; je les partage entièrement en étant leur interprète, et, comme il est une vérité bien sentie par nous tous que la confiance s'acquiert et ne s'achète pas, nous vous supplions, monsieur le comte, d'ordonner à M. de Galliffet de retourner au poste qu'il avait occupé avec succès.

Son dévouement à son Roi et à sa cause nous donne l'assurance de le voir de nouveau partager les dangers au milieu de tous ceux qui l'appellent.

Recevez avec bonté, monsieur le comte, l'assurance des sentiments distingués et respectueux avec lesquels j'ai l'honneur d'être, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur.

C.-A.-J. BAYART,

Notaire royal à Armentières.

[blocks in formation]

C'est le général Ricard que je vous envoie, mon Cher frère, il vous rendra un compte détaillé de notre position. Nous sommes encore en bon état, mais des marches longues acheveroient par elles-mêmes la destruction totale de la Maison, sans compter ce que l'ennemi peut et doit essoier contre nous. Si vous êtes resté à Abbeville nous y serons après demain de bonne heure, si au contraire vous avez pris le parti d'aller soit à Calais, soit à Dun

[ocr errors]

1. Tandis que, pour les pièces précédentes et les suivantes, nous avons modernisé l'orthographe, corrigé les fautes de syntaxe, ajouté la ponctuation, nous avons cru devoir reproduire rigoureusement — aussi rigoureusement que le permet son écriture presque indéchiffrable — l'orthographe très archaïque du comte d'Artois. Il nous a semblé que cela faisait partie presque de la physionomie de l'homme. - Cf. Correspondance de Talleyrand et de Louis XVIII (Pallain), xcı, 23 avril. Correspondance de Pozzo di Borgo, t. I, LIII, 1or mai; LXIII, 13 mai.

« PreviousContinue »