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qu'un départ très difficile à cause du canal et du débouché en cas du danger qui pourrait être prompt, si l'ennemi se portait de ce côté. Anvers me paraîtrait préférable, si le Roi ne vient pas à Laeken, comme on le dit. On peut s'embarquer également à Anvers soit pour la Hollande, soit pour l'Angleterre, l'éloignement des frontières est un peu plus grand, on est à très peu de distance de Bruxelles et on pourra avoir une communication facile avec les différentes armées qui agiront au nord de la France.

Il serait utile que le Roi entretint une correspondance journalière avec Bruxelles ; le prince de Condé, l'archevêque de Reims 1, l'évêque de Nancy, moi-même, nous pourrions être les aboutissants de cette correspondance. Elle servirait à faire connaître aux fidèles serviteurs du Roi les intentions de leur maître, les moyens par lesquels ils pourraient rendre leur zèle utile, la marche qu'ils doivent suivre; ils indiqueraient de leur côté tout ce qu'ils pourraient croire avantageux pour son service et donner des nouvelles du pays qu'ils habitent.

Je pense aussi qu'il serait à propos de faire quelques actes de gouvernement pour ne pas tomber dans une absolue nullité; n'aurait-on pas pu, par exemple, proclamer: 1° le licenciement de l'armée; 2o la formation de nouveaux corps sur des points donnés ; 3° la suspension de toutes les contributions dans les pays occupés par les rebelles; 4o le bannissement contre tous les maréchaux, les ministres, les lieutenants généraux et même les conseillers d'État servant la rébellion; 5o la confiscation de leurs biens pour récompenser la portion de l'armée et les administrateurs qui resteraient fidèles, on reconnaîtrait le service dans le temps de.... (sic); 6o la défense aux re

1. Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims en 1777, non démissionnaire au Concordat; archevêque de Paris en 1817.

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ceveurs, payeurs et trésoriers de rien verser au trésor des rebelles, sous peine de payer deux fois; 7o la défense de prendre des emplois sous le gouvernement rebelle, sous peine d'être déclaré inhabile à remplir aucunes fonctions publiques; enfin plusieurs autres actes de cette espèce, qui répandraient au moins l'inquiétude parmi les partisans de Buonaparte?

Les détails à donner soit pour appuyer ces ordonnances, soit pour les développer, seraient longs, mais avec vous, je n'en ai pas besoin.

Il me paraîtrait encore nécessaire que le Roi eût auprès de chaque armée principale un commissaire général accrédité par lui et reconnu par les puissances, qui fût chargé de prendre possession des pays conquis, d'y établir des autorités provisoires, d'y régulariser les livraisons et les fournitures, d'y organiser les gardes nationales, d'y former des corps, d'y faire des proclamations, en un mot de toute la partie administrative, afin que les étrangers ne parussent effectivement que les alliés et les auxiliaires du Roi et non des conquérants 1.

Voilà, monsieur le comte, quelques-unes des principales idées qui m'occupent. Je les ai communiquées à l'évêque de Nancy et à quelques fidèles qui trouvent qu'il vaut mieux encore hasarder que de ne rien faire.

La Cretelle, Chateaubriand, Lally sont ici, à ce qu'on me dit; ne pourait-on pas tirer parti de ces écrivains fameux? Ne serait-ce pas une bonne idée que de faire rédiger un journal auprès du Roi? Nous n'avons point de nouvelles de France. Les alliés ne laissent rien passer. Il arrive ici quelques personnes qui ne me paraissent pas très sûres, quoiqu'elles affectent un grand zèle. Le baron

1. Cf. ci-dessus, la note I de la page 28.

d'Imbert de Toulon, le général de Perrière, Brossard sont ici. Je n'ai vu personne que le prince de Condé, l'archevêque de Reims et l'évêque de Nancy. Bourrienne était ici avant moi, il est un peu singulier qu'il ne soit pas venu me voir; il était parti de Paris à minuit du dimanche au lundi. Anglès est aussi ici, à ce qu'on me dit.

Le sieur Azarete se rend à Ostende; je n'ai pu lui refaire une lettre pour vous. C'est un aventurier hardi, on peut en tirer parti, mais il bavarde beaucoup. Je crois qu'il part ce soir.

J'envoie M. Cannone, ancien valet de chambre de Sa Majesté, que l'évêque de Nancy m'a recommandé comme un homme très sûr, porter les sceaux et cette lettre. Je lui ai remis 200 francs; j'espère qu'il me rapportera bientôt les ordres du Roi et de ses nouvelles,

N° 70.

Le baron Fagel au comte de Blacas.

Monsieur le comte,

A. B.

Gand, 17 avril 1815.

J'entrevois, par une lettre de Bruxelles reçue ce matin, que la pétition de l'imprimeur Houdin au Roi, mon maître, a été renvoyée à un rapport du conseil général de l'Intérieur. Celui-ci trouve des difficultés à la publication d'un Journal officiel, qui contiendrait des actes, etc., etc., qui ne seraient pas ceux du gouvernement du pays où il s'imprimera c'est là la seule objection qui s'oppose au projet dont Votre Excellence m'a fait l'honneur de me parler et je n'ai pas voulu tarder à lui en donner connaissance 1.

1. Cf. ci-dessus, lettres du comte d'Artois, 31 mars, no 58, et du 11 avril, n° 63, et ci-dessous, t. II, correspondance de Stuart, n° 21, 18 avril.

No 71.

Gain de Montagnac au comte de Blacas.

A. B.

Londres, 25 avril.

Monsieur le comte,

L'idée de ce journal (le Journal universel) est excellente et l'exécution l'est autant. Cette feuille sera d'un effet moral prodigieux. Ce qui faisait beaucoup de tort, c'était un long silence qui faisait dire à Paris et même ici que le Roi se constituait émigré. Il faut répondre à chaque décret de Bonaparte par une ordonnance. Il en percera toujours quelqu'une en France, et cela fortifiera le courage des royalistes et troublera les indifférents. J'insiste toujours ici sur la nécessité des diversions françaises même dans l'intérêt des alliés. Dans le nôtre, monsieur le comte, combien il est important qu'il en éclate! Il faut sauver l'honneur français....

No 72.

Wellington à Mgr Monsieur, frère du Roi.

Monseigneur,

A. B.

A Bruxelles, le 5 avril 1815.

Je suis bien fâché de faire savoir à Votre Altesse Royale que je n'ai pas de copie du traité dont je vous ai parlé 2.

1. Cf. ci-dessus, lettre du comte d'Artois, 31 mars, n° 58.

2. Traité du 25 mars. Cf. ci-dessus, lettre du comte d'Artois, 5 avril, no 62.

Son sujet est de maintenir le traité de Paris et tous les intérêts qui en dépendent; et il est pointé particulièrement contre Bonaparte et son invasion de la France; et les parties contractantes s'engagent de maintenir chacune 150,000 hommes en activité pour les objets émis dans leur déclaration du 13 mars.

Toutes les puissances de l'Europe sont invitées à adhérer à ce traité; et le roi de France l'est par un article spécial.

Je compte que Sa Majesté aura reçu le traité ou demain, ou après-demain.

N° 73.

Sir Charles Stuart au comte de Blacas.

Monsieur le comte,

A. B.

Bruxelles, le 6 avril 1815.

Comme M. de Jaucourt m'a témoigné l'intention d'imprimer la copie d'une dépêche reçue du prince Talleyrand annonçant la signature d'une convention à Vienne sur les bases du traité de Chaumont, je crois très nécessaire de vous prévenir du désir de M. le duc de Wellington de suspendre une démarche dont il a lieu de craindre un effet préjudiciable aux intérêts du Roi 1. Je vous prie donc, Monsieur, de vouloir bien prendre les ordres ultérieurs de Sa Majesté après qu'Elle aura eu connaissance des communications dont Son Altesse Royale Monsieur a daigné se charger de la part du duc, afin que M. de

1. Cf. ci-dessus, lettre du comte d'Artois, n° 63, 11 avril, et les notes à cette pièce.

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