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N° 90.

Le duc d'Angoulême à Louis XVIII.

Mon très cher oncle,

A. B.

Madrid, 16 mai 1815.

Il est impossible d'être plus comblé de bontés que je ne le suis par Sa Majesté Catholique; Elle a toutes les attentions imaginables pour moi. J'ai eu hier une audience particulière d'Elle dans laquelle je lui ai détaillé mes demandes; Elle m'a écouté avec la plus grande attention, m'a dit que Votre Majesté ne devait pas douter de ses sentiments, qu'elle n'avait l'intention de rien prendre en France, mais Elle m'a laissé dans l'incertitude sur l'époque de l'action de ses troupes, à cause qu'elles ne sont pas bien organisées. Je lui ai remis une note 1 de ce que je lui avais dit, j'en ai remis une autre à M. de Cevallos, et j'en remettrai une troisième au ministre de la guerre Ballas

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Note du duc d'Angoulême au roi d'Espagne, remise
le 15 mai 1815.

A. B., copie.

et

1° Que Sa Majesté veuille bien admettre en Espagne tous ceux qui sortent de France pour la bonne cause, fixer deux points de réunion vers Figueras ou Rosas

1. Ci-dessous, n° 91.

pour les Pyrénées-Orientales, Pampelune ou Tolosa pour les Pyrénées-Occidentales, où j'enverrai des officiers pour les organiser en compagnies et bataillons.

2o Les dispositions des habitants du Midi étant excellentes, mais ayant besoin d'être promptement soutenues et secourues pour ne pas donner à Buonaparte le temps de les faire marcher de force 1, il est important qu'une armée espagnole de quarante à cinquante mille hommes passe la frontière dans les premiers jours de juin et se porte sur Toulouse.

3o Dans le cas où l'entrée immédiate des troupes espagnoles sur le territoire de France ne pourrait avoir lieu, je demande que Sa Majesté veuille bien donner l'ordre à ses généraux d'y faire entrer sur ma réquisition un corps de douze à quinze mille hommes pour me soutenir, si j'y étais entré avec un corps français, ou si j'y avais occupé quelque place.

4° Que le Roi veuille bien me reconnaître comme lieutenant général de tout le Midi de la France, pour le Roi de France, et ordonner à ses généraux de s'entendre avec moi pour les opérations.

5° Que Sa Majesté veuille bien donner une proclamation, ou la faire donner par ses généraux, annonçant que ses armées n'entrent en France que comme amies et alliées de son cousin le Roi de France, pour y agir, de concert avec moi, contre l'ennemi commun, et qu'elles y observeront la plus exacte discipline, ce qu'Elle voudra bien ordonner à ses généraux de maintenir avec la plus grande sévérité, car sans cela on s'aliénerait les sentiments des habitants, et se les rendrait contraires 2.

1. Cf. ci-dessus, no 51, Blacas à Wellington, 19 mai, et no 77, Gain à Castlereagh, 1 avril.

2. Cf. ci-dessous, chapitre xi, lettre de Vincent, 23 mai.

6o Les troupes espagnoles entrées en France de la manière ci-dessus, je m'engage à leur faire fournir les vivres de campagne.

7° Que deux régiments espagnols soient embarqués avec le marquis de Rivière pour occuper Marseille....

No 92.

Copie d'une note du duc d'Angoulême remise au ministre de la guerre Ballasteros, le 16 mai.

A. B., copie.

1° Deux points de réunion pour les royalistes: Figueras ou Rosas pour les Pyrénées-Orientales; Pamplona ou Tolosa pour les Basses-Pyrénées. Le duc d'Angoulême enverra des officiers pour les organiser en compagnies et bataillons; il se rendra lui-même à Figueras et enverra le lieutenant général comte de Damas à Tolosa.

2o Des rations de vivres et des fourrages pour tous ceux qui seront ainsi rassemblés.

3o L'entrée immédiate de cinquante mille Espagnols se dirigeant sur Toulouse.

4o Dans le cas où cela ne serait pas possible, le duc d'Angoulême demande que les généraux espagnols soient autorisés à faire entrer en France un corps de douze à quinze mille hommes pour le soutenir s'il y était entré avec un corps français et s'il y avait occupé quelque place.

5o Que la plus stricte discipline soit observée en France par les troupes espagnoles, et que cela soit annoncé par une proclamation.

6o Les troupes espagnoles entrées en France, le duc

d'Angoulême s'engage à leur faire fournir les vivres de campagne....

No 93.

Note du duc d'Angoulême pour S. E. M. de Cevallos

A. B., copie.

19 mai 1815.

Le duc d'Angoulême devant partir après-demain 21, pour retourner en Catalogne, demande à Son Excellence réponse positive et par écrit d'ici à demain matin sur les points suivants :

1° Qu'il soit fourni six cents fusils, gibernes, etc., au rassemblement commandé par le général d'Escars auprès de Figueras.

2o Qu'il lui soit permis d'en acheter, s'il en trouve à vendre, particulièrement du calibre français, inutiles aux troupes de Sa Majesté.

3o L'ordre au général commandant en Catalogne de mettre à sa disposition, et de le soutenir par un corps de cinq à six mille Espagnols, s'il entre en France, avec ce que le général d'Escars a pu rassembler.

4° Qu'on fixe les points de rassemblement désignés en Catalogne et en Navarre.

Le duc d'Angoulême attend des sentiments bien connus de M. de Cevallos qu'il voudra bien prendre les ordres du Roi sur les objets ci-dessus, et lui faire connaître les décisions de Sa Majesté, dont il ne peut trop reconnaître les bontés....

N° 94.

Le prince de Laval au comte de Blacas.

A. B.

Madrid, le 19 mai 1815.

J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour réclamer, au nom du Roi, le concours d'un corps de troupes espagnoles, pour soutenir l'opinion du Midi, les efforts magnanimes de Madame à Bordeaux et de M. le duc d'Angoulême vers les Pyrénées-Orientales.

Toutes mes demandes étaient superflues; il était résolu, dans la circonspection de ce cabinet, que les armées espagnoles ne se compromettraient pas avant qu'il eût connaissance de ce qui se passait au Congrès et une sécurité entière sur la coalition.

Madame a jugé à propos de ne faire qu'une apparition sur les côtes de l'Espagne 1, et les peuples du Midi ont vu à regret cette princesse s'éloigner d'un pays où elle avait laissé des espérances et des impressions profondes d'amour et d'attachement à la cause du Roi.

Monseigneur débarqua à Barcelone et m'envoya une lettre pour Sa Majesté Catholique. Il lui exprimait son désir de venir lui faire sa cour à Madrid et entrer avec Sa Majesté dans quelques développements sur les causes qui l'avaient amené dans ses États.

Je crus qu'il importait essentiellement à la considération de Son Altesse Royale qu'elle ne parût pas comme exilée à Barcelone, qu'elle ne supportât pas le même refus

1. La duchesse d'Angoulême, après cette apparition, se rendit à Londres, puis elle vint à Gand.

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