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essuyées par suite de la guerre, afin de pouvoir les réparer un jour par un sacrifice dont toute la nation supporte également le fardeau.

L'armée française, cette armée dont nous honorions la valeur et dont nous espérions pouvoir estimer la fidélité, est toujours présente à notre pensée. Et comment perdrions-nous de vue tant d'efforts inutilement prodigués pour la ramener à des sentiments dignes d'elle et de nous! Comment oublierons-nous, comment la France oublierat-elle le coupable triomphe des soldats sur les citoyens; la capitale envahie par une troupe rebelle; des villes françaises conquises par des généraux français; le pouvoir usurpateur proclamé dans les casernes, pendant que les acclamations du peuple bénissaient encore le Roi; enfin retraçant les siècles de sanglante anarchie dont le souvenir fait frémir l'humanité, la force armée appelée à délibérer sur le choix du Maître à qui la nation doit obéir ! Ces attentats, nous le savons, ne sont point ceux d'un grand nombre de militaires qui ont refusé de prêter des serments violateurs de leur serment, ou qui, cédant à un entraînement dont ils gémissaient en secret, ont conservé le mépris de l'infamie, ont connu le véritable intérêt de leur pays. Ces hommes nous serviront encore. Nous les rappelons à nous, non point, comme ose prétendre l'usurpateur, en mettant un prix à leur infidélité, mais en leur montrant celui que l'honneur peut seul offrir au courage!

Cependant, lorsque ces braves se rouvriront ainsi une

1. Lally-Tollendal, comme tous les gens de la période révolutionnaire, a un faible pour les souvenirs empruntés à l'histoire romaine; il est surprenant que le mot prétoriens ne se soit pas trouvé sous sa plume. La fin de la phrase fait sans doute allusion aux députations de l'armée que Napoléon devait admettre à la cérémonie du Champ de Mai.

glorieuse carrière, l'armée, dans sa force collective, a perdu tout droit à la confiance de la nation, qu'elle a trahie. Nous nous proposons de la licencier. Une ordonnance déterminera le mode de licenciement et la réorganisation d'une nouvelle armée, où tous ceux qui répondront aux dernières invitations de notre clémence trouveront un rang qui sera fixé par leurs services.

Citoyens et soldats, entendez notre voix paternelle ! Français de tous les partis, contemplez, saisissez l'unique moyen de salut qui vous soit offert ! Et vous, fidèles sujets qui, marchant sur les traces de nos pères, confondez l'amour de votre Roi avec celui de votre patrie, persistez dans un sentiment qui ne fut jamais plus juste que lorsqu'il est motivé par ceux dont nous sommes pénétré! Mais que votre modération soit égale à votre fidélité! Faites respecter par vos ennemis mêmes des intentions calomniées! Que l'étendard royal, que la bannière sans tache soit, à la fois, le signal de la victoire, le symbole de la concorde et le gage de la paix ! Habitants des campagnes, vous surtout que les fléaux de la guerre vont inévitablement atteindre, que cette bannière vous rallie et vous protège; que flottant sur vos clochers et sur vos demeures, elle donne aux dépositaires de notre autorité le droit de réprimer les excès dont vous auriez à souffrir! Puissent bientôt ainsi vos calamités trouver leur terme ! Puissions-nous ramener au milieu de vous le repos, la justice, la sécurité ! Puisse enfin l'honneur et la prospérité de la France devenir la gloire et le bonheur de son Roi!

N° 21.

Ordonnance instituant la médaille de la Fidélité 1.

Gand, 17 mai 1815.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre. A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Au milieu des événements malheureux qui nous retiennent éloigné de notre royaume, notre cœur a vivement apprécié les marques de dévouement que plusieurs de nos sujets nous ont données, et les plus justes motifs nous sollicitent de perpétuer le souvenir d'une aussi touchante fidélité par une institution qui sera à la fois une récompense pour les Français qui n'ont écouté que leur devoir, et un encouragement pour ceux dont les circonstances n'ont pas encore secondé le zèle.

A ces causes,

Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État de la guerre, et de l'avis de notre conseil,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

ART. Ier. Les Français qui se sont ralliés autour de notre personne recevront une médaille d'argent de vingtquatre millimètres de grandeur, qui portera d'un côté notre effigie et, de l'autre, le mot Fidélité au milieu d'une couronne formée de deux branches de laurier et de chêne. Cette médaille sera suspendue, au côté gauche de l'habit, par un ruban de quarante millimètres de largeur, blanc et bleu et à raies égales.

ART. 2.

Les Français qui contribueront, par des

1. Ordonnance publiée au Journal universel, no 11, 19 mai.

services signalés, à renverser le gouvernement de l'usurpateur, ceux dont le dévouement aura été éprouvé par des actes de sa tyrannie, auront le droit de demander la médaille de la Fidélité. Ils adresseront leurs demandes et les preuves de leurs droits au ministre secrétaire d'État ayant le département auquel ils ressortissent.

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ART. 3. Toutes les demandes pour obtention de la médaille de la Fidélité seront examinées dans un conseil qui sera composé de deux princes de notre maison, de deux pairs du royaume, de deux officiers généraux de nos armées et de quatre personnes choisies par nous dans l'ordre civil. Le conseil sera présidé par notre frère bienaimé, Monsieur.

ART. 4. Les brevets qui seront délivrés avec la médaille feront mention des motifs pour lesquels elle aura été accordée; ces brevets seront signés par nous, et contresignés par nos ministres secrétaires d'État, pour leurs départements respectifs.

ART. 5. Tous nos ministres sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance.

Donné à Gand, le 17 mai de l'an de grâce 1815, et de notre règne le vingtième.

N° 22.

Projet d'ordonnance 1.

A. B., minute.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui les présentes verront : salut.

1. Cette ordonnance, dont Lainé eut le premier l'idée (cf. ci-dessous, notes de Lainé, no 103), fut, d'après Beugnot, préparée à la fin de mai par Cha

L'usurpateur de nos droits ne se contente pas d'attirer sur notre royaume toutes les calamités inséparables d'une guerre générale avec toutes les puissances de l'Europe, voilà que dans l'intérieur il lève audacieusement le masque de douceur et de modération dont il couvrait encore ses odieux projets, et qu'il veut recommencer ce règne de sang et de terreur qui a pesé trop longtemps sur la France; on reconnaît ses anciens instruments aux coupables rapports qu'il obtient de leur servile obéissance.

Nous n'avons pu voir sans indignation l'infâme décret du neuf de ce mois, qui remet en vigueur une législation sanguinaire que nous n'avions pas eu besoin d'abolir, parce que l'horreur universelle en avait fait justice. Nous ne sommes pas moins révolté de l'atroce commentaire extrait du prétendu portefeuille du département de la justice. Comment qualifier celui qui s'en intitule le ministre provisoire, et qui ne rougit pas d'enjoindre aux juges de n'être pas arrêtés par l'insuffisance ou le défaut de preuves, qui leur prescrit de ne voir dans les accusés que des victimes dévouées d'avance à la mort, et qu'ils ne doivent abandonner qu'à l'échafaud?

Que cette morale impie ne corrompe pas entièrement des magistrats auxquels nous pourrions pardonner la faiblesse qui leur a fait reconnaître le tyran, mais que nous menaçons de toute la vengeance des lois s'ils étaient

teaubriand et Dambray. Elle ne fut pas publiée d'abord, grâce à Louis, Jaucourt et Beugnot. Mais, le 17 juin, parut au Journal universel un rapport de Chateaubriand et une ordonnance (cf. ci-dessous, no 23 et 24) dans le même esprit. Cf. ci-dessous, t. II, correspondance de Stuart, no 89, 2 juin.

1. Le décret du 9 mai, analysé dans le rapport ci-dessous de Chateaubriand, no 23, parut précédé d'un rapport du duc d'Otrante, Fouché, à Napoléon, et accompagné d'une circulaire du ministre de la justice aux présidents de cours. Cf. un article daté de Paris, 20 mai, et publié au Journal universel, no 12, 23 mai 1815.

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