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BIBLIOGRAPHIE.

DE LA RESTAURATION FRANÇAISE : Mémoire au Clergé et à l'Aristocratie; par M. BLANC-SAINT-BONNET (1).

Les événements et l'attention des hommes sérieux ont donné à la spécialité primitive des Annales de la charité une extension considérable; cependant cette revue nous offrirait encore un terrain trop borné, si nous nous sentions la force d'apprécier dans son ensemble le grand et beau livre de M. Blanc-Saint-Bonnet. Sans doute il n'est pas de question religieuse et sociale à laquelle la théorie de l'assistance, telle que le socialisme et les révolutions l'ont posée, ne puisse se rattacher. Toutefois ce problème, pour vaste et profond qu'il apparaît enfin à tous les regards, ne comprend pas nécessairement la sphère immense que l'auteur de la Restauration française embrasse d'un œil si ferme, et parcourt d'un pas si majestueux. Nous sommes loin de nous plaindre que le cadre des Annales de la charité nous place, en cette occasion, à un point de vue particulier et relativement restreint.

Si nous avions à rendre compte de toutes les conséquences économiques et politiques que M. Blanc-Saint-Bonnet tire de ses principes, nous lui demanderions la permission d'en écarter plusieurs, en notre propre et privé nom. Nous prendrions la liberté de lui présenter plusieurs objections, et de motiver certaines dissidences. Mais ici, n'ayant à considérer que l'inspiration première et la tendance générale, qui ont dicté cette magnifique exposition de la théorie sociale du christianisme, cette réfutation du socialisme la plus élevée, la plus sereine, et partant la plus équitable et la plus forte que nous ayons lue, nous sommes, Dieu merci, libres d'admirer sans ré

serve.

(1) 1 vol. grand in-8°. 1851; Périsse frères, Lyon.

Le livre de M. Blanc-Saint-Bonnet veut être lu et médité par des esprits solides et sincères. Aucun ne se prête moins aux citations écourtées, et n'a plus à redouter les analyses infidèles. Aussi nous n'essaierons même pas d'esquisser ici la doctrine que l'auteur de la Restauration française professe en matière d'assistance proprement dite; nous craindrions qu'elle ne parût trop sévère, si nous ne montrions en même temps l'effort constant de sacrifices et de vertus dont M. Saint-Bonnet fait la loi même de la vie humaine. Notre philosophe a la foi brûlante d'un apôtre et la candeur d'un ascète. II transporte d'un seul bond le lecteur sur les sublimités qu'il habite, sans se soucier le moins du monde de préparer les esprits lourds ou distraits aux éblouissantes clartés dans lesquelles il va les plonger. Il dédaigne de prendre aucune défense, aucune précaution de langage contre l'ignorance et la partialité ; les mots les plus compromis dans la polémique des partis, les plus chargés d'acceptions irritantes, il les emploie (remarquez par exemple le sous-titre de l'ouvrage), sans affectation comme sans crainte, quand ils conviennent à ses nobles et nouvelles pensées. Nous ne serions donc pas surpris que, dans l'ardente mêlée des partis, des critiques plus passionnées qu'intelligentes ou honnêtes ne cherchassent à travestir l'inspiration si purement évangélique, si hautement libérale, qui fait l'originalité éminente de la Restauration française. Il sera plus aisé de déclamer contre ce livre que d'en ébranler les bases fondamentales, et d'en entraver la sérieuse et durable autorité.

AMEDEE HENNEquin.

Le gérant, Alexis CHEVALIER.

Paris. — Imprimerie de Rignoux, rue Monsieur-le-Prince, 29 bis.

IX SÉANCE (11 MAI 1851).

SOMMAIRE: Suite et fin de la discussion sur la déportation et la colonisation pénale.

M. LE PRESIDENT donne communication de la proposition que viennent de présenter à l'Assemblée législative M. l'amiral DupetitThouars et M. Boinvilliers (1). Il fait remarquer que cette proposition donne une véritable actualité aux travaux de la Société sur la question pénitentiaire, et qu'elle répond complétement aux vœux exprimés dans sa dernière séance.

M. MOREAU DE JONNÈS, au nom de la commission, donne lecture du rapport que nous avons publié dans notre dernier numéro. La discussion est ouverte sur les conclusions du rapport. M. MARTIN-DOISY insiste sur les avantages que présente la Guyane, au point de vue de la colonisation pénale. D'après les renseignements très-précis qu'il a obtenus au ministère de la marine, il serait facile d'établir un certain nombre de déportés dans les terres hautes de la Guyane, en expropriant les planieurs actuels, moyennant une indemnité qui ne dépasserait guère 600,000 francs.

L'espace est assez vaste dans la Guyane française pour qu'on puisse garantir de toute promiscuité avec les colonies pénitentiaires la population des terres basses, que rien n'empêcherait de laisser subsister sur le sol qu'elle occupe.

M. Pariset, ancien gouverneur de la Guyane française, vient de publier (5 avril 1851), sur la colonisation blanche à la Guyane, une note qui démontre, de la manière la plus convaincante, que les Européens se sont parfaitement acclimates dans les régions intertro

picales.

(1) Voir plus loin cette proposition et le rapport de la commission d'initiative, à l'article intitulé Travaux charitables de l'Assemblée législation.

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«De nos possessions, dit M. Pariset, c'est la Guyane qui me paraîtrait la plus propice; les terres en sont fertiles, et en raison de son étendue et de sa proximité de la France, l'immigration serait susceptible d'y prendre toute l'extension qu'on jugerait convenable, en même temps qu'elle serait à portée des secours et de la surveillance du gouvernement... En 1848, l'administrateur de Mana écrit: Je ne dirai rien au sujet de l'impossibilité de faire travailler les Européens à Mana; des faits contraires parlent trop haut depuis dix-huit mois que les militaires, détachés dans ce quartier, travaillent chaque jour, depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir, sans autre repos ni précaution que ceux des heures de repas, et de midi à une heure.»>

Les passages que je viens de lire, et qui s'appliquent à des colons libres, démontrent assez combien la Guyane se prêterait facilement à la colonisation pénitentiaire. Au surplus, je ne fais ici qu'exprimer l'avis de M. Melinon, gouverneur actuel de Mana, dont il est question dans la note.

M. DU PLESSIS-BELLIERE siguale, comme propre à un essai de colonisation pénale, l'île de Portefoux, à la porte de Toulon. Cette île a sept lieues de tour; elle est à vendre depuis six mois pour une somme peu considérable.

M. ORTOLAN. La pénalité n'est pas seulement une question d'utilité publique, elle est aussi avant tout une question de justice.

La société n'a pas un pouvoir illimité sur l'homme. Si vous le frappez plus qu'il n'est juste, vous faites de cet homme une victime; et si vous le frappez plus qu'il ne serait nécessaire ou utile à la société, vous dépassez encore votre mission. Le droit de punir n'existe, pour le pouvoir humain, que renfermé dans ces deux limites: le juste et l'utile. L'application de tout système de répression doit reposer sur ces deux bases fondamentales: la proportion du châtiment au crime, et l'intérêt de la société à infliger la punition à tel ou tel degré. Or, par cela seul qu'il y a des nuances très-grandes de gravité entre les divers délits et les divers crimes, ou même des nuances très-grandes de culpabilité dans un même délit ou un même crime, il en résulte que tout système répressif doit être combiné de manière à pouvoir offrir une gradation multiple dans l'élévation ou dans l'abaissement de la peine.

Eh bien, le reproche que l'on peut faire à votre système, c'est de

ne pouvoir pas être nuancé de manière à se proportionner aux différents degrés de culpabilité. Vous allez de suite à la déportation; vous en faites la peine principale, la peine unique, si j'ai bien compris, de votre Code criminel; et vous conservez, j'imagine, à cette peine, son caractère distinctif, la perpétuité; sans quoi le but que vous vous proposez serait manqué. Dans ces conditions, il est impossible que vous suiviez, dans la gravité de la punition, les nuances de la gravité des crimes; vous placez tous les crimes et toutes les culpabilités sous un même et injuste niveau.

Il est une peine qui est susceptible de ces nuances multiples, et qui peut se plier avec une flexibilité infinie à tous les degrés divers de culpabilité: c'est la privation de liberté, dont la gravité peut varier par le temps d'abord, et aussi par le régime. Mais par là, je n'entends point les sortes de peines qui se pratiquent aujourd'hui dans le système de notre législation existante. Vous avez raison de relever le nombre des récidives, témoignage irrécusable des vices de notre système répressif; vous avez raison de chercher une réforme, et de la chercher radicale.

Notre système de répression, tel qu'il est pratiqué aujourd'hui, on peut le dire, est comme une fabrique de criminels. Dans cette réforme indispensable, la déportation sans doute peut avoir son rôle ; mais je doute qu'elle puisse vous offrir, à elle seule, la solution du problème. La Constituante, dans son Code pénal de 1791, avait employé la déportation; elle en avait fait un moyen de purger la société des criminels que le système de répression ordinaire n'aurait pu ramener dans une meilleure voie. Les récidivistes en matière de crimes devaient, après avoir subi la peine ordinaire pour leur second crime, être déportés à perpétuité. Mais, faute d'un lieu de déportatation, cette disposition législative ne fut pas exécutée, et ce fut à cette occasion, et en attendant la détermination d'un lieu de déportation, que la loi de floréal an X rétablit la marque. On ne déporta pas les récidivistes, on les marqua à fer chaud de la lettre R, et la marque, ainsi ressuscitée comme par occasion, fut ensuite généralisée dans le Code pénal de l'Empire. Voilà dans quelles aberratious tombe le législateur!

Pour me résumer, je répète que la déportation, par sa nature et par la perpétuité qui est nécessaire au but que vous vous proposez,

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