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immédiatement continuée aux frais de la bienfaisance privée, avec le concours de l'autorité municipale.

Une place écartée derrière le Champ-de-Mars était le refuge de l'ignorance, de la misère et du vice. Plus de cent familles indigentes y vivaient loin de toute instruction et de toutes relations sociales. M. le curé du Gros-Caillou a ouvert sur cette place une chapelle; la charité privée, une école et des réunions du dimanche; le bureau de bienfaisance, un dispensaire médical.

Une maison de secours était insuffisante pour les besoins du quartier. Les autorités municipales et religieuses ont provoqué les dons de la charité, et une construction importante a agrandi la maison.

Voilà ce que l'alliance de la charité publique et de la charité libre a opéré depuis un an, sans rien demander au budget, dans un arrondissement déjà riche d'un admirable ensemble d'établissements religieux, hospitaliers et scolaires. Si nous avons insisté sur ces bienfaits, ce n'est pas seulement pour les proposer à l'imitation, et honorer les hommes de cœur qui en sont les auteurs; nous y avons vu une confirmation heureuse et frappante d'idées dont nous avons souvent pris la défense.

Les Annales de la charité, en demandant avec une énergie qui ne s'est jamais démentie, que les lois et l'administration laissassent à la bienfaisance chrétienne une libre expansion, n'ont pas cessé de souhaiter qu'elle s'alliât le plus souvent possible à la bienfaisance publique. Ces idées ont fait, depuis quelques années, des progrès rapides; elles ont présidé en général aux travaux trop méconnus de l'Assemblée législative. On a vu cette union volontaire, rendue inévitable autant que féconde par de graves événements, produire en beaucoup d'endroits les plus importants résultats. Nous espérons qu'on imitera cette noble coopération de l'autorité municipale, du clergé, de la garde nationale, du bureau de bienfaisance et des particuliers d'un grand arrondissement. De l'union pour la charité, résulte beaucoup d'union et beaucoup de charité : on sait si la France a besoin de toutes deux. Alexis CHEVALIER.

Paris.

Le gérant, Alexis CHEVALIER.

Imprimerie de RIGNOUX, rue Monsieur-le-Prince, 29, bis.

DE L'ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

DE LA LOI SUR LES MONTS-DE-PIÉTÉ.

La discussion du projet de loi sur les monts-de-piété a porté principalement sur les commissionnaires. Lors de la seconde délibération, M. Peupin et M. Sain étaient parvenus à faire voter la suppression de ces agents, et leur remplacement par des bureaux auxiliaires.

Une mesure aussi radicale ne pouvait manquer de faire naître des réclamations: plusieurs conseils municipaux avaient cru devoir protester, dans l'intérêt des emprunteurs, contre la suppression des agents intermédiaires. La commission, saisie de ces plaintes, examina de nouveau la question avec le plus grand soin, et, par un rapport supplémentaire, demanda à l'Assemblée de revenir sur sa décision, en rendant à l'administration le droit de maintenir ou de supprimer les commissionnaires, suivant qu'elle les reconnaîtrait utiles ou non au bien du service.

A la troisième lecture, l'Assemblée, éclairée par une discussion plus approfondie, a adopté, par 411 voix contre 228, l'article 6 tel qu'il était proposé par la commission, d'accord avec le gouvernement et le Conseil d'État.

Voici maintenant les principaux motifs qui ont déterminé la majorité à maintenir les commissionnaires ; nous les puisons dans l'excellent discours prononcé par M. Loyer. Il a prouvé d'abord que l'établissement des douze bureaux auxiliaires demandé par M. Blaise, ex-directeur du montde-piété de Paris, coûterait beaucoup plus que les dix

1851.

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neuf bureaux de commissionnaires aujourd'hui existants. Lorsqu'on a créé les deux bureaux auxiliaires qui fonctionnent depuis plusieurs années, on disait : «Créez un bureau auxiliaire, il ne vous coûtera que 5,800 fr.; ne vous préoccupez pas du personnel, on le prendra dans l'administration.»

Le bureau a été créé; il a coûté non pas 5,800 fr., mais 20,500. On a pris le personnel dans l'administration, mais on a désorganisé les services; des pertes considérables sont survenues, on a été obligé de rétablir les services. Les économies présentées par le système de M. Blaise sont donc purement imaginaires.

Mais ce n'est pas tout. M. Blaise lui-même avait reconnu dans son livre sur les monts-de-piété, en 1843, que les besoins de la population parisienne exigeaient au moins dix-huit bureaux auxiliaires. On arriverait donc, avec son système, à multiplier forcément les bureaux auxiliaires, à augmenter le nombre des employés, et, par suite, à élever d'une manière déplorable le taux de l'intérêt déjà exorbitant aujourd'hui. « C'est la tendance, écrivait un homme compétent, c'est la tendance de toute administration d'arriver à une régie universelle, à une extension de pouvoirs, à une concentration d'attributions toujours funeste au public, dans le mont-de-piété comme partout ailleurs. »

Le grand argument contre les commissionnaires, c'est le droit en sus de 3 p. 100 qu'ils font payer à l'emprunteur. Nous convenons que c'est là un droit onéreux; mais, en définitive, qui est le meilleur juge de son intérêt, sinon l'emprunteur lui-même? Eh bien! il sait parfaitement qu'en s'adressant au commissionnaire, il payera 3 p. 100 de plus.

Pourquoi donc ne s'adresse-t-il pas directement aux buraux de l'administration? D'abord, parce qu'il lui répugne d'aller exposer sa gêne au grand jour d'un bureau public

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où sa présence seule, s'il est dans le commerce, peut faire tort à son crédit.

En second lieu, parce que le commissionnaire lui avance ordinairement une somme plus forte que le Mont-de-Piété sur le même gage. Et c'est là presque toujours une raison déterminante dans la situation embarrassée où se trouve l'emprunteur. Si donc, de toutes manières, moralement et matériellement, il trouve que le commissionnaire lui rend un service plus grand, pourquoi donc voudriez-vous le forcer de s'adresser directement au mont-de-piété, sous prétexte de lui éviter une différence d'intérêt qu'il trouve surabondamment compensée par les avantages dont nous venons de parler? Ajoutons que le commissionnaire est partout à la portée de l'emprunteur, dans une maison ouverte à toute heure, où son entrée ne sera pas même remarquée.

Il est vrai que les deux bureaux auxiliaires déjà exis— tant ont été établis à peu près dans les mêmes conditions que les bureaux de commissionnaires. Mais il résulte des tableaux officiels fournis par l'administration elle-même, que, depuis l'établissement des deux bureaux auxiliaires, le chiffre des opérations faites par les commissionnaires s'est élevé au lieu de diminuer : preuve évidente de la préférence accordée par le public aux commissionnaires. M. Peupin a été obligé de reconnaître lui-même que les engagements nécessités par un besoin urgent et instantané se font pour la plupart chez les commissionnaires, parce qu'il y a moins de chemin à faire et de temps à perdre.

Enfin qu'arriverait-il si on supprimait les commissionnaires? C'est un des administrateurs du mont-de-piété qui l'a dit : « A la place d'une industrie honnête, réglementée, qui s'exerce sous la surveillance d'une grande administration, vous laisserez le pauvre à la merci de gens sans

honneur.» Oui, tous les pauvres honteux, plutôt que de s'exposer à l'humiliation d'aller produire leur gêne dans un bureau public, aimeraient mieux se faire rançonner par des prèteurs clandestins, qui feraient payer leur service en raison du danger auquel ils seraient exposés.

Maintenant, s'il existe des abus secrets dans la gestion des commissionnaires, nous ne serons pas les derniers à en réclamer la réforme; mais nous devons dire qu'après une enquête des plus minutieuses faite par le Conseil d'État, après la discussion approfondie à laquelle s'est livrée l'Assemblée dans les diverses lectures, aucun grief de quelque valeur n'a pu être sérieusement articulé.

Nous croyons donc que la majorité a sagement fait de laisser à l'administration le droit de maintenir les commissionnaires.

La loi a d'ailleurs réalisé toutes les améliorations sollicitées depuis longtemps pour employer les bonis annuels à l'abaissement du taux de l'intérêt, régler la vente des nantissements à des conditions plus favorables pour l'emprunteur; enfin elle a maintenu l'existence libre des monts-depiété établis à titre purement charitable, et qui, au moyen de dons ou fondations spéciales, prêtent gratuitement ou à un intérêt inférieur au taux légal.

ALEXIS CHEVALIER.

Loi sur les Monts-de-piété.

TITRE PREMIER.

ART. 1er.— Les monts-de-piété, ou maisons de prêts sur nantis sement, seront institués comme établissements d'utilité publique, et avec l'assentiment des conseils municipaux, par des décrets du Président de la République, selon les formes prescrites pour ces établissements.

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