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classes indigentes, les uns dépendant de la loi, les autres, du do→ maine de la charité, sont déjà répandus dans un certain nombre de communes. Nous citerons spécialement celle d'Andouillé (Mayenne). L'association de secours y fut fondée en 1848. On comptait à Andouillé 433 individus pauvres, et seulement trois familles riches, sur 3,225 habitants. L'association fut composée tout d'abord des, anciens membres d'un bureau de bienfaisance, qui jusque-là disposait de revenus presque nuls: on adjoignit à ce premier noyau 9 associés choisis dans les divers quartiers et 3 dames de charité. Secondée par ces nouveaux et zélés auxiliaires, la Société entreprit le dénombrement des pauvres et le calcul des besoins de chacun. Elle dressa ensuite un état exact des aumônes distribuées aux portes des maisons, et acquit promptement la certitude que ces aumônes dépas saient la somme de ressources nécessaires pour assister convenablement toutes les misères. Il n'y avait donc plus, pour atteindre le but, qu'à réprimer les abus résultant du défaut de discernement dans les répartitions des secours. Dès lors sa tâche fut douce et consolante Pénétrée de l'importance des rapports personnels établis entre celui qui donne et celui qui reçoit, persuadée que la mission complète de la charité consiste à voir le pauvre, à causer avec lui, à le visiter, à l'assister, à le soigner, en un mot à se dévouer à lui, elle exhorta les souscripteurs à choisir leurs familles et à les secourir directement. La plupart d'entre eux se rendirent à cet appel. On fixa la part de chaque ménage; on lui remit une carte portant le nom et la demeure du bienfaiteur, ainsi que l'ensemble des secours assignés à chaque pauvre, et on convint de les donner toujours en nature, jamais en argent.

A l'aide de cette organisation, la mendicité disparut de la commune d'Andouillé; les mendiants de la localité, pourvus du nécessaire et menacés de le perdre s'ils étaient surpris en flagrant délit, renoncèrent à leur habitude; ceux du voisinage se présentèrent encore pendant quelques mois, mais ils furent admonestés par le maire, reconduits par un gendarme ou un garde champêtre à la limite du territoire, et cette double mesure suffit pour prévenir le retour des mendiants du dehors.

L'association, déchargée du soin du plus grand nombre des pau

vres, patronés par les souscripteurs, appliqua son zèle et son activité à la fondation d'excellentes œuvres. Elle sollicita et obtint des travaux importants de terrassements et de défrichements, pour les bras inoccupés; elle surveilla, secourut les enfants à l'école et chez les maîtres d'apprentissage, organisa un service médical gratuit, avec le concours de six communes limitrophes, au moyen de bons de visite et de consultation obtenus à des conditions très-favorables à la charité; enfin elle fonda une société de secours mutuels au profit des ouvriers malades.

De tels résultats prouvent assez l'excellence des règles suivies, des moyens adoptés et du zèle chargé de les appliquer. Leur énumération constitue le plus bel éloge que que nous puissions faire de l'association fondée à Andouillé. L'histoire de cette association suffirait pour recommander le livre de M. l'abbé Heslot à l'attention de tous les esprits préoccupés du sort des pauvres, à la reconnaissance de tous les cœurs désireux de l'améliorer.

A. DE LAMBEL.

Le gérant, Alexis CHEVALIER.

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Imprimerie de RIGNOUX, rue Monsieur-le-Prince, 31.

DE L'ASSEMBLEE LEGISLATIVE.

RAPPORT

Fait au nom de la 24o commission d'initiative, sur la proposition de MM. de Melun, relative aux loteries;

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PAR M. DE MELUN, REPRÉSENTANT D'ILLE-ET-VILAINE.

La loi du 21 mai 1836 a supprimé la loterie, comme une institution immorale, encourageant dans les populations les moins aisées ce goût des chances, ce besoin de jeu qui dégénèrent si vite en passion ruineuse, et les provoquent à demander au hasard, qui souvent se fait payer si cher, ce que donnent plus sûrement le travail et l'économie.

Dans son article 5, elle a fait une exception en faveur des loteries qui ont pour but des actes de bienfaisance ou des encouragements aux arts, et afin de prévenir les abus et les erreurs, elle a mis pour condition l'autorisation du gouvernement.

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Des faits récents et qui ont eu un grand retentissement ont prouvé que ces garanties ne suffisaient pas.

Assaillis par des demandes tellement multipliées, qu'en une seule année, des autorisations ont été réclamées pour une valeur de 127 millions en province, et de 416 millions à Paris, l'administration n'a pu toujours résister à l'insistance des sollicitations et à la pression des solliciteurs.

Sous le manteau de la bienfaisance, on a vu reparaître, dans ces derniers temps, l'ancienne loterie avec ses promesses exagérées, ses tentations dangereuses; avec la garantie du gouvernement de moins, et par conséquent avec

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des chances plus grandes de fraude et d'immoralité. On l'a vu répandre ses provocations partout en France et jusqu'au delà des frontières, se glisser dans les plus humbles hameaux pour arracher au pauvre ouvrier ses épargnes et jusqu'au pain de sa famille, envahir le commerce, altérer l'industrie, en servant de primes aux journaux sans abonnés et aux livres qui ne se vendent pas, et aboutir à travers des récriminations et des révélations honteuses à de scandaleux procès.

Les auteurs de la proposition qui vous est soumise ont voulu répondre au cri de réprobation qui s'élevait de toutes parts, en demandant qu'à l'avenir toute loterie dont la valeur dépasserait vingt mille francs ne pût être autorisée que par un décret du Président de la République, sur l'avis conforme du Conseil d'État.

Peut-être l'opinion publique réclamait-elle un remède plus radical, et aurait-elle voulu, comme le conseil général du département de la Seine et le conseil municipal de Lyon, la suppression absolue de l'article 5 de la loi du 21 mai 1836.

Mais, à côté des spéculations que réprouvent la morale et la bienfaisance, une multitude d'œuvres vivent, se propagent, soulagent de respectables souffrances, à l'aide de ces loteries modestes dont la charité fournit les lots en même temps qu'elle prend les billets, qui ne profitent réellement qu'à la misère, et n'attirent que par la chance de faire un peu de bien. Il ne fallait pas punir les pauvres des torts des spéculateurs, et les limites imposées par la proposition à la valeur de la loterie, et par conséquent au prix des lots, ferment la porte à la fraude et à l'agiotage.

Quant aux loteries d'une valeur supérieure et qui ont donné lieu à tant de plaintes, la proposition a pour but de les restreindre à des cas très-rares, pour des désastres qui

appellent à leur secours toutes les formes et toutes les voix de la charité, pour des circonstances exceptionnelles où l'art et le travail ont besoin de l'appui et des encouragements de toutes les bonnes volontés.

L'intervention du Conseil d'Etat, chargé d'examiner le but et les conditions de ces loteries, leur mode d'exécution et de surveillance, les mains auxquelles elles seront confiées, les limites dans lesquelles elles se renfermeront, a paru à votre commission une barrière suffisante contre la trop grande facilité des autorisations, et un moyen de concilier les droits de la morale publique avec les intérêts de l'art et de l'humanité.

Il importait surtout d'appeler l'attention de l'Assemblée sur la nécessité de réformer l'article 5 de la loi du 21 mai 1836, et la commission spéciale, après une étude approfondie de la question et des faits, pourra, s'il y a lieu, se montrer plus exigeante et plus sévère. Votre 24° commission d'initiative, s'associant à la pensée qui a inspiré la proposition de MM. de Melun, vous propose, à l'unanimité, de la prendre en considération.

PROPOSITION.

Les loteries désignées dans l'article 5 de la loi du 21 mai 1836 ne pourront être autorisées que par un décret du Président de la République, sur l'avis conforme du Conseil d'Etat, lorsque leur valeur dépassera la somme de vingt mille francs.

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