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de règlement pose des conditions d'examen et même de concours. Sur ce point, nous ne pouvons être de leur avis. Outre qu'il ne serait pas facile de trouver dans nos campagnes des médecins qui consentissent ainsi à se remettre sur les bancs pour le seul honneur de participer à une œuvre de bienfaisance, le niveau de l'instruction professionnelle s'est tellement élevé, depuis quelques années, dans la médecine comme dans les autres sciences, qu'il serait, à notre sens, au moins inutile de soumettre aux épreuves d'un examen ou d'un concours ceux qui voudraient bien accepter l'honorable mission de soigner les pauvres à peu près gratuitement. Tous les médecins sont aptes à participer à cette œuvre sainte, et tous, nous osons le dire, sont disposés à le faire. Les associations qui pourront se former sur le modèle de celle qu'ont si heureusement fondée MM. Chauvin et Verger, ne doivent se réserver qu'un droit, celui de n'accepter le concours que d'hommes d'un zèle véritable et d'une moralité incontestée.

Je crois vous en avoir dit assez, Messieurs, pour vous montrer combien peut être féconde la généreuse initiative. prise par MM. Verger et Chauvin. Il n'est pas un de nos cantons, et je prends le mien pour exemple, où il n'y ait beaucoup d'âmes charitables qui n'aspirent qu'à trouver l'occasion de manifester, par des œuvres pratiques, leur sympathie pour nos frères malheureux; où il n'y ait un ou plusieurs bureaux de bienfaisance qui ne retirent pas de leurs ressources tout le fruit qu'elles pourraient produire ; où les conseils municipaux ne soient disposés à voter quelque subside en faveur d'une institution toute locale et qu'ils verraient fonctionner sous leurs yeux; où il n'y ait enfin un ou plusieurs médecins instruits, charitables, et disposés par devoir et par conviction à seconder tous les efforts tentés en faveur de l'humanité souffrante. Pourquoi ne sefonderait-il pas, dans chaque canton au moins, une asso

ciation charitable, semblable à celle qui existe à Châteaubriant? Que faut-il pour stimuler le zèle qui couve dans toutes les âmes, et qui n'attend, le plus souvent, qu'une Occasion de se manifester?

Ce qu'il faut, Messieurs, ce sont des encouragements et Mes subsides. La charité privée peut beaucoup, et fait beaucoup aussi, surtout dans notre bon pays. Mais, comme le dit avec une grande raison M. le sous-préfet de Châteaubriant, dans la lettre qui accompagne le vœu formulé par Je conseil d'arrondissement: «Tant que la dispensation des secours aux malades indigents des campagnes reposera Foniquement sur le dévouement de quelques personnes, qui, aujourd'hui sur cette terre, peuvent en disparaître demain..., on peut craindre que l'existence de cette bonne uvre ne soit pas assurée. »

Nous venons donc, avec confiance, appuyer auprès de Nous le vœu formulé par le conseil d'arrondissement de Châteaubriant, et nous vous demandons avec lui que le département vienne en aide à toute commune qui s'imposera des sacrifices pour organiser dans son sein le service médical des indigents de la campagne. Vous allouez tous des ans une somme considérable aux comices agricoles, et ML le préfet vous propose, même cette année, de porter cette allocation de 6,000 à 10,000 fr. Resterez-vous indifférents à la création de comices de charité en faveur de ces pauvres travailleurs des campagnes, qui, eux, 'souffrent en silence et ne font pas de leurs souffrances un thème de Analédiction contre la société?

Nous espérons que vous verrez avec nous, dans l'œuvre modeste de MM. Chauvin et Verger, une des meilleures solutions pratiques de ce grand problème de l'assistance publique, posé de nos jours avec tant de force, et que nos hommes d'État ne savent trop comment aborder. Nous espérons que vous voudrez bien voter un fonds de secours,

pour être distribué aux associations charitables qui se for-meraient dans nos campagnes, pour le soulagement des. malades indigents, et que tout d'abord vous en allouerez: une petite portion à celle qui s'est formée dans l'arrondis-sement de Châteaubriant (1).

Dr LAENNEC,

Membre du Conseil général de la Loire Inférieure.

NOTICE SUR LES BRADIÈRES,

COLONIE AGRICOLE

D'ENFANTS TROUVÉS, ABANDONNÉS ET ORPHELINS PAUVRES.

En 1850, sur la proposition de M. Jeanin, préfet de la Vienne, le conseil général de ce département votait une allocation de 10,000 fr., dans le but de contribuer pour: sa part à la formation d'une colonie agricole d'enfants trouvés, dans l'arrondissement de Poitiers.

L'Adoption de la Vienne, société de patronage à qui l'emploi de cette subvention était confié, prenait aussitó ses mesures pour que la colonie commençât à fonctionner le 1er janvier 1851, conformément à ses statuts, et en conséquence la propriété des Bradières, située dans la commune de Lovoux-Liniers, à environ 10 kilomètres de Poitiers, devenait le siége du nouvel établissement, ctjet étais pris pour directeur, comme propriétaire de ce domaine.

A sa session de 1851, le conseil de département, sask

(1) Pour plus amples détails, voir le livre récemment publié suv l'organisation du service médical des indigents des campagnes, par MM. CHAUVIN et VERGER; on le trouve chez l'un des auteurs, M. le D' Chauvin, représentant de la Loire-Inférieure, rue Saint-Dominique-Saint-Germain, 31, hôtel d'Orient.

de nouveau d'une demande de fonds pour la même œuvre, a dû vouloir et a voulu connaitre les résultats de son premier sacrifice, avant d'en consentir un autre. Il lui a donc été mis sous les yeux non pas un compte rendu émané du conseil de l'Adoption de la Vienne ou bien de la direction elle-même de la colonie, pièce que les susceptibilités chatouilleuses auraient pu trouver suspecte de partialité; mais il a été produit au conseil général un rapport de M. l'inspecteur des enfants trouvés du département, fonctionnaire indépendant et absolument étranger à la formation scit de la société d'Adoption, soit de la colonie des Bradières. En s'étayant de cet acte officiel dans son rapport de 1851, M. le préfet disait au conseil général : «M. l'inspecteur du service, dans un rapport que j'ai l'honneur de vous communiquer, donne sur l'organisation de cet établissement (les Bradières) des renseignements que vous lirez avec intérêt. Plusieurs fois, moi-même, j'ai visité la colonie, et j'ai été à même de me convaincre que grâce au dévouement et au zèle de toutes les personnes qui concourent à son exploitation, elle fonctionne déjà avec tous les éléments de succès désirables. >>>

Quelle que fût sa confiance pour des affirmations aussi graves et aussi positives, un juste sentiment de la responsabilité qui incombe à toute assemblée chargée de distribuer les deniers publics, engageait le conseil général à juger de la vérité par lui-même. La commmission des enfants trouvés était donc invitée (séance du 25 août) à faire une visite à la colonie des Bradières, et à la séance du 1er septembre suivant, M. le rapporteur disait à ses collègues : «J'exprime, Messieurs, le sentiment de la commission en yous disant tout d'abord qu'elle a été satisfaite de l'ordre qui règne dans l'établissement, de la distribution des bâtiments, de la santé des enfants, et des soins moraux et matériels qui leur sont donnés. >>

Ces certificats, qu'on le croie bien, si nous les enregistrons ici, si nous citons ces témoignages, si nous en constatous la concordance et l'unanimité, ce n'est pas par un vain sentiment d'amour-propre; mais nous avons pensé que notre exemple pouvait être utile, quand la question des enfants trouvés est partout à l'ordre du jour, depuis les conseils des ministres jusqu'au cabinet du publiciste : nous avons donc apporté, pour servir ce que de droit, notre déposition de plus à cette enquête générale de la charité.

- Un établissement qui se fonde et fonctionne à la satisfaction générale dans l'espace de moins d'une année doit nécessairement avoir suivi une marche rationnelle, car on Fa dit avec raison: ce n'est pas la fortune qui mène le monde. Nous avons la conviction que les heureux débuts de la colonie des Bradières sont dus, après la protection de la divine Providence, aux sages réflexions et à l'esprit de conduite que l'Adoption de la Vienne a su apporter dans cette fondation. Et si, grâce à l'épreuve que nous avons faite, l'application des mêmes maximes pouvait s'étendre; si la colonisation des enfants trouvés, qui n'appaPaissait jusqu'à présent à beaucoup d'esprits que comme une utopie ou comme une entreprise gigantesque et aventureuse, se trouvait une chose toute simple, facilement praticable, et susceptible de se réaliser saus frais énormes qu'on redoute à bon droit, n'est-il pas vrai que nous aurons bien fait d'exposer au grand jour les réflexions qui nous ont conduit à adopter des procédés inusités avant nous, et couronnés jusqu'à présent du plus heureux succès.

Notre qualité de derniers venus nous donnait un avantage, celui de pouvoir profiter de l'expérience de nos devanciers. Nous n'avons pas manqué de puiser à ce trésor, et il nous a semblé qu'en se rendant compte des succès et des revers antérieurs, en analysant les critiques des uns

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