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institutions, ces œuvres, ces établissements qui s'élèvent, grandissent et se propagent; quand on apprend qu'en ce moment, en France, tant d'intelligences s'occupent, tant de dévouements se dépensent à soulager le malheur, tant d'associations s'organisent et se développent, tant d'âmes pieuses prient et veillent au pied du lit des mourants, on se souvient des dix justes que Dieu demandait pour épargner la plus coupable des villes, et on ne peut plus désespérer de notre avenir, et ne pas croire à notre salut.

Et, en effet, comme le dit M. Du Bodan, si l'on est effrayé de toutes les difficultés, de toutes les épreuves qui accompagnent le malheureux ouvrier pendant sa pénible et laborieuse carrière, on est consolé à la vue de la charité veillant sur lui jusque dans le sein de sa mère, s'attachaut à chacun de ses pas, et ne l'abandonnant qu'après le dernier adieu et la dernière prière.

L'œuvre de la Charité maternelle pense à lui, même avant sa naissance, et l'attend sur le seuil de la vie avec un berceau et du lait. Orphelin, abandonné, la Société se met à la place de son père et de sa mère ; à son premier pas, il trouve la crèche, puis l'asile, puis l'école, puis l'ouvroir et le patronage, qui le conduit à l'atelier et lui apprend un état. Devenu homme, veut-il se marier, une loi nouvelle, d'accord avec la Société de Saint-François-Régis lui épargne les démarches et les dépenses. A-t-il un procès, l'assistance judiciaire le garde et le défend sans lenteurs et sans frais. Le Mont-de-piété lui prête. La Caisse d'épargnes garde ses économies pour ses jours d'inaction; la Caisse des retraites les réserve et les accumule pour sa vieillesse. Malade, il trouve à l'hôpital la science des plus habiles médecins, le dévouement sans limites des sœurs, les visites des dames les plus charitables; et s'il reste dans sa famille, la Société de Saint-Vincent-de-Paul lui envoie chaque semaine des consolateurs et des amis.

L'hospice est ouvert à ses infirmités; et quand la plus cruelle des maladies frappe de mort son intelligence, la société l'adopte pour le guérir ou au moins pour le soigner.

Dans les jours de chute, trop souvent conseillés par la misère, la charité ramène la brebis égarée au bercail du Bon Pasteur. La Colonie agricole demande à la terre l'amélioration du jeune détenu. La Société de patronage moralise et purifie la prison, et prête son appui et ses conseils à la convalescence de l'âme. Enfin la loi pénètre dans le logement de l'ouvrier, pour en écarter l'insalubrité; dans son atelier, pour abréger les heures de son travail, protéger son apprentissage, et sauver son enfance des dangers que courent son innocence et sa faiblesse

L'ouvrier lui-même a apporté sa part de progrès et d'institutions dans ce grand domaine. Il a fondé ces Sociétés de secours mutuels, «merveilleuse invention où la santé et la force de l'un profitent à la faiblesse et à la maladie de l'autre ; où l'association donne ce qui aurait manqué à l'isolement, et multiplie le secours en diminuant le sacrifice. » Et il n'a pas reculé devant cet essai si difficile de l'association ouvrière qu'une pensée chrétienne inspira bien avant 1848, et qui, après avoir passé par de terribles épreuves, voit s'augmenter ses chances de fortune et de succès, partout où elle demande ses progrès au travail, à la discipline, à la charité mutuelle et à la pratique du bien.

Tel est le tableau que trace M. Du Bodan, et dont on retrouve les principaux traits dans le Manuel de charité. Mais, en rendant pleine justice au siècle et au pays qui ont vu naître tant de merveilles, les deux écrivains ne se méprennent pas sur la véritable cause de l'épanouissement de la charité. L'un et l'autre reconnaissent à quelle source il faut rapporter tant de bien, et quelle est la rosée qui l'a fécondé; tous les deux nous disent quelles sont les conditions de ces développements, quelle force a donné du

mérite à tous ces sacrifices et a fait réussir tous ces efforts. La chose la plus nécessaire, en effet, pour assurer la victoire contre les périls qui nous menacent, c'est de faire entrer de plus en plus Dieu dans nos actes comme dans nos pensées, dans la bienfaisance publique comme dans la charité privée, dans la société de secours mutuels comme dans l'association ouvrière, dans nos lois comme dans nos œuvres. Là est le secret de l'avenir! Tout le danger est venu de l'entreprise du dernier siècle d'avoir voulu livrer l'humanité à la bonne volonté, à la science, à la direction de l'homme, aux dépens de la Providence. Or l'expérience en a été tristement faite : sans l'idée de Dieu, sans l'inspiration chrétienne, les meilleures institutions s'altèrent, les plus hautes pensées se corrompent, la bienfaisance n'a plus d'entrailles; les épargnes de l'association servent de caisse à la grève et à l'émeute; l'égalité devient oppressive, la fraternité homicide, et les principes empruntés à la sagesse la plus vénérée conduisent aux plus fatales applications. Car une société sans Dieu, c'est un corps dont on a retiré l'âme, et dont les éléments qui faisaient sa santé et sa force ne servent plus qu'à le décomposer et le dissoudre.

A ces idées, dont personne n'oserait aujourd'hui contester la vérité, M. l'abbé Mullois ajoute ce qu'il a le droit et le devoir de dire comme prêtre et comme prédicateur de l'Évangile. Ce serait en effet mal profiter de ces faits, que d'en tirer une satisfaction et une espérance égoïstes de sécurité. Il y a dans tout ceci un meilleur enseignement. Il faut lire dans le Manuel de charité les conseils du bon prêtre, qui ne vous dit pas seulement ce qui a été fait, mais vous enseigne ce que vous pouvez et devez faire vousmême pour les pauvres. A son école, on voit comment il faut s'y prendre avec la misère, quelle puissance nous avons tous pour la consolation de nos frères, combien l'affection

leur est plus secourable encore que l'argent; comment une démarche, une parole, quelquefois même un serrement de main, leur vaut mieux que notre aumône, et quels trésors Dieu nous a confiés pour en faire sortir le soulagement et l'espérance.

Souvent, dans une de nos grandes églises, à la voix d'un de ces prédicateurs dont la parole est l'enseignement du riche et la fortune de l'indigent, chacun de nous, au moment de déposer son offrande, s'est senti trop pauvre, et plus d'une femme du monde, après avoir versé tout son or, jeté dans la bourse de la quêteuse ses bagues et ses bracelets, ce luxe inutile qui ajoutait si peu à son bonheur, et qui va se changer en pain, en secours, et en bénédictions.

En lisant le Manuel de charité, on sent que l'on a quelque chose de plus et de meilleur à donner que son argent, que jusqu'ici on a été trop avare de son temps, de son affection; et la conclusion, en fermant le livre, est de courir soi-même faire ces visites dont il a si bien montré le prix, et de distribuer à tant de cœurs affamés ces heures qui nous paraissaient si vides et si stériles, et dont il nous a révélé toute la fécondité et la richesse.

ARMAND DE MELUN,
Représentant d'Ille-et-Vilaine.

Annuaire de l'enfance catholique pour 1852.- Parmi les innombrables almanachs qui couvrent, chaque année, les étalages de nos libraires, et qui s'adressent à tous les âges et à toutes les conditions, nous avons été surpris que l'enfance ait été si complétement négligée ou si mal servie, dans un temps où l'on s'occupe cependant beaucoup d'elle sous d'autres rapports, il est vrai, plus importants. Rien de petit, il nous semble, quand il s'agit des jeunes àmes que nous avons à moraliser et à instruire. Aussi est-ce avec empressement que nous annonçons la publication d'un Annuaire de l'enfance catholique pour 1852, par M. l'abbé V. P. Destiné à paraître désormais chaque année, cet annuaire s'adresse tour à tour, sous forme de calendrier, de conseils, de dialogues, et d'histoires, au cœur et à l'esprit des enfants; on y donne même d'utiles avis sur leur santé et leurs récréations. (Voir aux annonces.) A. CHEVALIER.

CHRONIQUE.

Le compte rendu du comité administratif de la Société de patronage du département de la Meurthe, rapporte la bonne action que voici :

:

Mile Boggiano, de Nancy, fille d'un Italien qui se remaria, fut abandonnée par son père et laissée entre les mains d'une belle-mère qui la fit travailler comme une bête de somme, sans même lui donner les vêtements les plus indispensables. M. le directeur de l'Institut des sourds-muets se présente dans son réduit et la presse de suivre ses cours; il lui procure des habits, et sa belle-mère les porte aussitôt au mont-de-piété; il lui en donne de nouveaux, ils prennent le même chemin. Enfin il s'engage à lui donner 20 centimes chaque fois qu'elle assistera aux leçons, et dès lors elle s'y rend et fait des progrès étonnants, surtout dans la connaissance de la religion, qu'elle aime et pratique avec fidélité. Il ne faut pas nous en étonner le dieu de l'Évangile est surtout le dieu des pauvres, des orphelins et des malheureux. Or, malgré les secours que lui prodiguait son bienfaiteur, elle avait peine à gagner sa vie; mais la Providence lui envoya une amie, ou plutôt une seconde mère, Me Roth, autre sourdemuette, qui la prit avec elle, et toutes deux s'aimèrent comme deux sœurs; et elles l'étaient en effet, car elles avaient toutes deux le malheur pour père et la souffrance pour mère. Elies résolurent donc de passer ensemble leurs jours; mais, il y a deux ou trois ans, un jeune homme demande la main de M Roth; c'était un sourd-muet. Que fera Mile Roth? Refusera-t-elle le parti qui lui est présenté ? Mais elle a besoin d'un soutien. L'acceptera-t-elle ? Il faudra abandonner son amie et sa pupille. L'embarras est grand, et elle en fait part au futur époux : elle lui dit formellement qu'elle n'agréera sa proposition qu'à la condition qu'il adoptera sa sœur d'infirmité. Celui-ci n'hésite pas un instant: un cœur qui a beaucoup souffert est toujours grand, noble et généreux. Cependant les deux sourdes

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