Page images
PDF
EPUB

dommagement; il était donc permis de considérer dès lors la Toscane comme une nouvelle conquête du premier Consul.

L'indépendance des Républiques Batave, Helvétique, Cisalpine et Ligurienne fut reconnue et garantie par l'article XI du traité; et la fidélité des deux nations à cet engagement solennel eut sans doute été un des plus beaux résultats de ces sanglantes guerres; mais le premier Consul, en signant cette indépendance, ne montrait pas moins de désirs de s'approprier la souveraineté de cette belle conquête, que l'Empereur n'éprouvait de regrets de la voir démembrer de ses possessions héréditaires.

2

le

pre

Toutes les forteresses étaient occupées par des garnisons françaises; le gouvernement cisalpin avait été créé, organisé par mier Consul; aucune loi n'y était promulguée qu'il ne l'eût dictée; aucune disposition administrative n'était arrêtée que par lui; il était le véritable chef de cet État indépendant; il transmettait ses ordres du cabinet des Tuileries, comme il les adressait

à ses généraux. La Ligurie, la Hollande et la Suisse restaient passives sous son influence, et il est vrai de dire, que l'Europe dût, dès cette époque, considérer ces pays, ainsi que la Toscane, sans égard à la forme de leurs gouvernemens, comme de véritables conquêtes de la France.

Le traité de Lunéville, pour ce qui concernait d'autres états que ceux des deux puissances belligérantes, n'était donc qu'un acte illusoire, et par rapport à ces mêmes puissances, ce n'était qu'une trève illimitée qui mettait dans tous son jour la supériorité des armes françaises.

Toutefois les plaies profondes qu'une longue suite de guerres laissait à cicatriser en Autriche, auraient pu assurer long-temps encore la paix à cette monarchie sur la foi du traité de Lunéville; mais le coup porté à sa suprématie par l'isolement des princes et des états de l'Empire, n'était pas la seule cause qui pût amener un nouvel embrasement général dans le corps germanique. L'article VII du traité y jetait pour long

temps une pomme de discorde, en laissant à l'Empire le soin de déterminer les indemnités auxquelles auraient droit les princes qui se trouvaient dépossédés. Les plénipotentiaires français, satisfaits d'avoir obtenu cette clause vague, dûrent prévoir à quelles discussions elle entraînerait la diète. Le projet d'exciter une grande querelle qui, en appelant tôt ou tard sa médiation, pourrait le rendre l'arbitre des destinées de ces princes, et mettre dans sa main des appâts pour ceux qui avaient servi ou qui pouvaient servir sa cause, entra sans doute dans la politique du premier Consul.

L'un des premiers actes de l'empereur d'Autriche, après la signature du traité, fut donc la convocation des états appelés à donner leur adhésion au traité, et à statuer sur les indemnités dues aux princes dépossédés. L'adhésion des états au traité de Lunéville, fut aussi prompte que les circonstances l'exigeaient; ils surent apprécier les intentions du monarque contraint, à regret, de s'écarter de la constitution, et s'empressèrent de don

ner un consentement qui seul pouvait débarrasser l'Allemagne du fardeau des armées étrangères : ils ratifièrent le traité, en motivant leur adhésion, et en attribuant à la situation extraordinaire de l'Autriche. la conduite que l'Empereur avait été forcé de tenir; mais la question des indemnités fut long-temps et vainement agitée : les débats orageux qu'elle occasionna, se prolongèrent jusqu'au 25 février 1803. Quoique l'issue de cet important procès dépasse de beaucoup l'époque que nous embrassons dans ce volume, nous le ferons connaître ici très-sommairement, afin d'en dégager la suite de

notre narration.

On convint, comme base principale des indemnités à accorder aux princes dont les pays avaient été sacrifiés au besoin de la paix, d'un projet de sécularisation des biens du clergé. Il est remarquable que cette mesure violente ait été frapper jusqu'au fond de l'Allemagne cette même classe d'hommes que la première assemblée nationale avait dépouillée. Ce premier exemple devait trouver

:

des imitateurs; ce projet de sécularisation n'était en résultat qu'une véritable confiscation des pensions et des secours alimentaires devaient pourvoir aux besoins du clergé qu'on sacrifiait aux intérêts particuliers des princes; il l'avait été en France aux intérêts de l'État.

On voyait figurer à la fin, dans cette contestation, le roi de Prusse, la république de Hollande, le roi d'Angleterre comme élec teur de Hanovre, la Bavière, la Saxe, la Bohême, plusieurs électeurs, et un grand nombre d'autres princes. Les prétentions s'élevaient de plus en plus par la discussion; elles se prolongèrent pendant seize mois à Ratisbonne, sans conduire à aucun résultat. Les réclamations des parties intéressées arrivaient en foule, et directement aux cours de France et de Russie. Soit en effet qu'elles menaçassent de causer des troubles plus sérieux en Allemagne;soit, comme nous l'avons dit, que le premier Consul voulût se présenter comme arbitre de ces différens, il se concerta avec l'empereur de Russie pour les

« PreviousContinue »