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propriétaires. Trois des propriétaires ratifient; un seul refuse d'imposer la servitude; la peine, à la vérité, m'est due en entier, car le refus d'un seul propriétaire d'imposer la servitude, empêche qu'elle ne soit aucunement imposée, nonobstant la ratification des trois autres, un droit de servitude ne pouvant être imposé pour partie, et ne pouvant par conséquent être imposé que par tous les propriétaires. Mais comme cette ratification, quoiqu'elle soit entièrement inutile pour imposer un droit réel de servitude sur l'héritage, a néanmoins un effet qui consiste à obliger personnellement ceux qui ont ratifié à me laisser passer; je ne peux exiger toute la peine, qu'en me désistant de mon droit qui résulte de cette obligation; autrement, je ne pourrai exiger qu'une partie de la peine, ne pouvant pas percevoir toute la peine, et en même temps percevoir quelque chose de l'obligation principale. (Dumoulin, de dividuo et individuo, part. 3, no. 472 et 473) ».

La maxime, que la peine n'est due qu'à proportion de la part pour laquelle l'obligation principale n'a pas été exécutée, s'applique même au cas où la peine consisterait dans quelque chose d'indivisible. Je vous ai prêté cent louis, à condition que vous me les rendriez dans un an; et il a été convenu entre nous qu'à défaut de paiement, vous m'accorderiez pour mes cent louis un droit de vue sur votre maison, voisine de la mienne. J'ai reçu de vous cinquante louis, mais le surplus n'a pas été payé au terme stipulé : dans cette circonstance, il est clair, d'un côté, que je ne peux pas exiger la peine en totalité, puisque l'obligation principale est exécutée en partie; et de l'autre côté, que la peine ne peut être demandée pour une partie seulement, parcequ'elle consiste dans un droit de servitude, qu'on ne peut diviser sans le détruire. Il faut donc concilier ces deux principes l'un avec l'autre, et c'est ce que fera le juge (dit Dumoulin, à l'endroit cité, no. 523 ), en m'ordonnant, lorsque je demanderai à jouir de la servitude, de vous payer la moitié de l'estimation qui en sera faite par experts.

QUESTION II. La contravention d'un seul héritier de l'obligé donne-t-elle ouverture à la peine pour le total et contre tous les autres héritiers?

I. Il faut, pour résoudre cette question dans toute son étendue, distinguer si l'obligation contractée sous une clause pénale, est indivisible ou non.

la

Lorsque cette obligation est indivisible, contravention qu'y fait un seul des héritiers

du débiteur, donne lieu à toute la peine, nonseulement contre celui qui l'a stipulée, mais même contre tous ses co-héritiers. Par exemple, quelqu'un s'est obligé de me laisser passer sur son héritage contigu à ma maison, à peine de dix livres de dommages-intérêts en cas d'empêchement; un de ses héritiers me ferme le passage sans la participation et contre le gré des autres; la peine entière est encourue contre chaque héritier, parcequé l'objet de l'obliga. tion étant indivisible, la contravention qui y a été faite par un des héritiers, porte sur toute l'obligation, et que par conséquent elle doit faire encourir la peine par tous les représentans de l'oblige. C'est la disposition expresse de la loi 4, S. 1, D. de verborum obligationibus, et de la loi 85, §. 3, du même titre.

Mais le créancier peut-il demander la peine entière à chacun des héritiers?

Le premier des textes que nous venons de citer, déclare qu'ils n'en sont tenus que proportionnellement à leur portion héréditaire : ab omnibus heredibus Poenam committi proportione hereditaria.

Si cependant l'action était dirigée contre celui des héritiers qui a fait la contravention, elle serait solidaire, à son égard, par deux raisons qu'en donne Pothier.

La première est, « qu'étant tenu d'acquitter » ses co-héritiers des parts dont ils sont tenus » de la peine, le créancier doit être admis, » pour éviter le circuit d'actions, à lui deman» der la peine, non-seulement pour sa part, » mais pour celle de ses co-héritiers, dont il » est tenu de les acquitter, et par conséquent » pour le total ».

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La seconde est tirée de la loi 9, D. depositi: « Il est décidé par ce texte (dit encore Pothier) que l'héritier en partie du dépositaire qui, » par son fait, a causé la perte de la chose » donnée en dépôt au défunt, est tenu pour »le total des dommages et intérêts envers » celui qui l'a donnée en dépot, parceque, » quoique l'obligation principale de restituer » la chose déposée, soit une obligation divi»sible, l'obligation accessoire de la presta» tion de la bonne foi pour la conservation » de la chose déposée, est une obligation indi» visible, dont chacun des héritiers du dépo» sitaire est tenu pour le total, et qui le rend » débiteur pour le total des dommages et inté>> rêts du créancier, lorsqu'il y contrevient. » Si un héritier pour partie, qui contrevient » par son fait à une obligation indivisible du » défunt, est débiteur pour le total des dom»mages et intérêts, il doit l'être aussi pour »le total de la peine, puisque la peine tient » lieu des dommages et intérêts, et n'en est

» que la liquidation convenue par les parties » elles-mêmes ».

[[ L'art. 1232 du Code civil confirme cette doctrine dans toutes ses branches: << Lorsque » l'obligation primitive contractée avec une » clause pénale, est d'une chose indivisible, » la peine est encourue par la contravention » d'un seul des héritiers du débiteur, et elle » peut être demandée, soit en totalité contre » celui qui a fait la contravention, soit contre > chacun des co-héritiers pour leur part et por » tion, et hypothécairement pour le tout, > sauf leur recours contre celui qui a fait en» courir la peine ». ]]

II. Lorsque l'obligation à laquelle est ajoutée une clause pénale, porte sur un fait divisible, il semble, d'après la loi 4, §. 1, D. de verborum obligationibus, que celui des heritiers du débiteur qui y contrevient, encourt seul la peine, jusqu'à concurrence de sa portion héréditaire : Si de eo cautum sit quod divisionem recipiat, veluti ampliùs non agi, eum heredem qui adversùs ea facit, pro por

tione sua solùm Poenam committere.

Mais le §. 4 de la loi 5 du même titre paraît contraire à cette décision. Il porte que, quand un des héritiers du débiteur a satisfait à l'obli gation pour la part dont il était tenu, il ne laisse pas d'encourir la peine, si son co-héritier n'y satisfait pas également pour la sienne,

sauf son recours contre ce dernier : si sortem promiseris, et si ea soluta non esset, Pœnam, etiamsi unus ex heredibus tuis portionem suam ex sorte solverit, nihilominùs Poenam committet, donec portio coheredis solvatur....; sed à coherede ei satisfieri debet, nec enim aliud in his stipulationibus, sine injuria stipulatoris, constitui potest.

De toutes les manières de concilier ces deux textes, il n'en est point de plus satisfaisante que celle qui est proposée par Pothier, d'après Cujas et Dumoulin :

«Lorsque l'obligation (dit-il ) est indivisible tàm solutione quàm obligatione, lorsque l'intention des parties, en ajoutant la clause pénale, a été simplement d'assurer l'exécution de l'obligation, et non d'empêcher que le paiement ne pût s'en faire par parties par les différens héritiers du débiteur,surtout lorsque le fait qui fait l'objet de l'obligation primitive, est tel que les différens héritiers du débiteur ne peuvent l'accomplir autrement que chacun pour la part dont il est héritier, en ce cas, la loi 4, S. 1, doit avoir lieu; celui des héritiers du débiteur qui contrevient à l'obligation, doit seul encourir la peine, et pour la part seulement dont il est héritier. Le fait rapporté dans TOME XXIII.

ce texte, ampliùs non agi ( de se désister d'une action), est de ces faits divisibles tàm solutione quàm obligatione, et qui, par la nature des choses, ne peuvent s'accomplir par les différens héritiers de celui qui a contracté l'engagement, que pour la part dont chacun est héritier; car aucun de ces héritiers ne succédant que pour sa part au droit et à la prétention que le défunt s'est engagé de ne pas exercer, chacun des héritiers ne peut que pour sa part contrevenir à cet engagement, ou l'exécuter, en renouvelant ou ne renouvelant pas cette prétention, pour la part qu'il y a.

» Au contraire, lorsque l'obligation est divisible, à la vérité, quad obligationem, mais indivisible quoad solutionem, et que l'intention des parties a été, en ajoutant la clause pénale, que le paiement ne pût se faire que pour le total, et non par parties; en ce cas, chacun des héritiers, en satisfaisant pour sa part à l'obligation primitive, n'évitera pas d'encourir la peine ; et c'est à ce cas qu'on doit restreindre la loi 5, §. 4 ».

de cette décision: Voici un exemple que Pothier nous donne

« Un négociant a stipulé avec son débiteur une certaine somme par forme de peine, au cas que la somme principale à lui due ne lui fût pas remise dans un certain lieu, au temps d'une certaine foire; les offres que l'un des héritiers ferait de lui remettre sa part de la somme, ne doivent pas empêcher que la peine ne soit due pour le total, faute d'offrir le total, parceque le négociant ne pouvant faire les affaires qu'il a à la foire, qu'avec le total de la somme qui lui est due, l'intention des parties a été, en stipulant la peine, qu'elle fût encourue pour le total, faute de paiement du total de la somme due et nonobstant le paiement partiel qui en serait fait ; car ce paiement partiel ne peut réparer, même pour partie, le tort que le créancier souffre du retard du paiede ce tort que la peine a été stipulée. ment du surplus, et c'est pour la réparation

» Observez aussi que, dans l'espèce de la loi 5, S. 4, la peine est stipulée pour le retard de l'exécution, et non pour l'exécution; c'est pourquoi le créancier doit recevoir le principal et la peine ».

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Poena quæ subrogatur loco ejus quod interest, non debet committi his qui non sunt prohibiti, et quorum nullá interest coheredem ipsorum esse prohibitum ».

PEINE DE LETTRES. V. les articles Quint, Demi-quint et peine de lettres.

PEINE SERVIE. La coutume de Cambresis appelle obligation par peine servie, tout acte passé devant des officiers publics, et par lequel le débiteur soumet sa personne et ses biens aux contraintes judiciaires, sous peine de 60 sous cambrésiens, qui valent 30 patards de Flandre ou 37 sous 6 deniers tournois.

PEINE TESTAMENTAIRE. Il arrivesouvent qu'un testateur prononce des peines contre ses héritiers ou légataires, pour le cas où ils n'exécuteraient pas ses dernières volontés.

I. Ces sortes de dispositions peuvent avoir trois objets elles forment, ou une libéralité, ou une révocation de libéralité, ou une translation de libéralité.

Si le testateur dit : « Je défends à mon hé» ritier de donner sa fille en mariage à Ti»tius; et s'il la lui donne, je veux qu'il paie » mille écus à Sempronius », c'est un legs pé

nal.

La negative ne souffre aucun doute, nonseulement lorsque l'obligation est divisible, mais encore lorsqu'elle est indivisible. C'est ce qui résulte de la loi 2, §. dernier, D. de verborum obligationibus, dont voici l'espèce. Vous vous êtes obligé, par une transaction, de me laisser passer moi et mes héritiers par votre parc, sous peine de 12 livres en cas de contravention à votre promesse : j'ai laissé quatre héritiers, dont trois ont toujours trouvé l'entrée du parc libre, et l'autre a éprouvé de votre part des empêchemens qui la lui ont interdite on demande si la peine est encourue pour le total au profit de tous les héritiers. Paul répond qu'il en devrait être ainsi, selon la subtilité du droit, puisqu'il s'agit de contravention à une obligation indivisible et c'est en effet dans ce sens qu'Ulpien résoud la question dans la loi 3, §. 1 du titre cité. Cependant Paul décide que l'équité doit prévaloir, en ce cas, à la rigueur des principes; que la peine ne doit être adjugée qu'à celui des héritiers qui a essuye l'empêtion pénale. chement, et qu'elle ne doit l'être que jusqu'à concurrence de sa portion héréditaire : Si stipulator decesserit, qui stipulatus erat sibi heredique suo agere licere, et unus ex heredibus ejus prohibeatur, si Poena sit adjecta, in solidum commitetur; sed qui non sunt prohibiti, doli exceptione summo

vebuntur.

>> La raison en est (dit Pothier) que l'équité ne permet pas que les trois héritiers à qui le débiteur a accordé l'entrée de son parc, puissent en même temps percevoir tout le fruit de l'exécution de l'obligation, et percevoir la peine stipulée pour l'inexécution de cette obligation, et qu'ils puissent se plaindre de la contravention que le débiteur a faite à son obligation envers leur co-héritier, à laquelle contravention ils n'ont aucun intérêt: Non debet aliquis habere simul implementum obligationis et Poenam contraventionis; et

Mais s'il dit : « Je révoque le legs que j'ai » fait à Titius, au cas qu'il donne sa fille en mariage à Sempronius », c'est une révocation pénale.

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Si enfin il dispose de cette manière : « Je lègue à Caïus cent écus ; et s'il donne sa fille » en mariage à Sempronius, je donne les mê» mes cent écus à Titius », c'est une transla

On doit appliquer les mêmes exemples aux institutions d'héritiers, aux fidei-commis, et à toute autre libéralité testamentaire.

II. Les dispositions pénales ont beaucoup d'affinité avec les dispositions. conditionnelles on remarque la même forme dans les unes et dans les autres ; et même, à parler exactement, celles-ci ne different de celles-là que dans les principes du droit ancien.

La loi 2, D. de his quæ Pœnæ causá relinquuntur, nous donne une règle pour les discerner. La question de savoir, dit-elle, si une disposition est pénale ou conditionnelle, est un point de fait qui dépend de la volonté du testateur: Poenam à conditione voluntas testatoris separat.

Mais cette règle est si vague, qu'à peine en tirerait-on quelques traits de lumière, si elle

était isolée.

Godefroy la développe en ces termes : Lorsque la disposition est faite en haine de l'héritier, elle est pénale; lorsqu'elle tend à gratifier le légataire, elle est conditionnelle : Si odio heredis id appositum est, Pœna est; si in favorem legatarii, conditio.

Cujas s'explique à peu près de même. Un legs est pénal, dit-il, lorsqu'il est fait, non par affection pour le legataire, mais dans la vue de punir l'héritier : Legatum relinquitur Pœnæ causa, quod non relinquitur legatarii gratiá, sed in odium et Poenam heredis.

Cette théorie est calquée sur la définition du legs pénal, telle qu'on la trouve dans les fragmens d'Ulpien, tit. 24, §. 16: Pœnæ autem causá legatur quod coercendi heredis causa relinquitur, ut faciat quidem aut non faciat, non ut legatum pertineat ; et cette définition a été adoptée par l'empereur Justinien dans ses Institutes, §. 36, de legatis ; voici les termes de ce législateur : « On lègue >par forme de Peine,quand on lègue pour pu >nir son héritier, en cas qu'il fasse ou bien » qu'il ne fasse pas quelque chose; comme si » l'on dit: Je veux que mon héritier, s'il donne sa fille en mariage à Titius, ou au contraire, s'il ne donne pas sa fille en ma»riage à Titius, paie dix écus d'or à Seïus ; » Ou s'il dit : Je veux que mon héritier, s'il »aliène Stychus, ou au contraire s'il »ne l'aliène pas, donne dix écus d'or à Ti. »tius ».

[[V. le plaidoyer du 17 janvier 1811, rapporté au mot Legs, sect. 3, §. 3, no. 5. ]]

III. L'empereur Antonin - le Pieux fut le premier qui défendit les dispositions pénales; primus constituit ne Pœnæ causá legatum maneret, dit Capitolin dans la vie de ce prin ce. Cette loi fut confirmée par ses successeurs, comme on le voit dans la loi 2, D. de his quæ Pœnæ causa relinquuntur; et dans les fragmens d'Ulpien, tit. 24, §. 16, et tit. 25, §.

13 ;

« Et elle était observée si étroitement (dit » l'empereur Justinien à l'endroit cité), qu'il » était statué par plusieurs ordonnances, que >> le prince même ne pouvait pas recevoir un » legs de cette nature, qui lui aurait été fait; » et quoique, dans les testamens militaires, » la volonté du testateur fût en toutes choses » exécutée ponctuellement, les legs de cette » espèce qu'on y laissait, n'en étaient pas >> plus valables.

> On avait même réglé que la liberté ne pouvait pas être léguée par forme de peine; » et Sabinus était d'avis qu'on ne pouvait pas » se servir de cette voie pour ajouter un co-hé.

» ritier à un héritier déjà institué, comme si quelqu'un eût dit: que Titius soit mon héri» tier, et s'il donne sa fille en mariage à » Seius, que Seïus soit aussi mon héritier; >> car il n'importait pas de quelle manière on >> punissait un héritier, ou en le condamnant » à fournir un legs, ou en lui donnant un co» héritier ».

Cette jurisprudence n'avait aucun motif raisonnable: elle était même directement opposée à la liberté indéfinie que la loi des douze tables avait accordée à tout père de famille de disposer à son gré de ses biens; car l'imposition des peines devait faire partie de cette liberté. Aussi a-t-elle été abrogée par Justinien.

« Ce scrupule ( dit-il dans le texte déjà cité ) » nous a déplu, et nous avons généralement » ordonné que tous les legs qui seraient faits » ou révoqués ou transférés par forme de pei>> ne, ne seraient pas différens des autres, et » que la confection, révocation ou translation » qui en serait faite, aurait tout son effet, à » moins que les conditions ne fussent impos»sibles ou défendues par les lois, ou contrai>>res à la pudeur et à la décence; car la reli»gion dans laquelle nous vivons ne permet » pas que ces sortes de legs soient valables ».

L'abrogation dont parle Justinien, est consignée dans la loi 1, C. de his quæ pœnæ nomine, portée en 528.

IV. Les rédacteurs du Journal du palais font, au sujet d'un arrêt du 1er. août 1676 une dissertation pour prouver que cette loi ne doit pas être suivie dans les pays coutumiers.

Ils soutiennent d'abord que la loi d'Antonin était fondée sur un principe très-juste.

Les legs (disent-ils) sont des bienfaits introduits dans la société civile, pour gratifier et honorer nos amis ; ce serait donc abuser du motif de leur institution, que de les faire servir de peine : et de même qu'une convention est nulle quand elle est contre la natu. re du contrat que les parties veulent passer, aussi un legs est nul, lorsque, contre la nature des bienfaits, le testateur ne légue pas dans l'intention de gratifier et d'honorer le legataire, mais dans le dessein d'imposer une peine à un autre qu'il veut punir....

» Il est contre la nature du legs d'y mêler l'amertume de la peine à la douceur du bienfait; et il est impossible de faire qu'un legs soit honorable au légataire, quand il est inju rieux à celui qui, par manière de punition, est obligé d'en faire delivrance. La bienséance ne souffre pas ce melange: car, dans ces sortes de legs, la peine prévalant, et étant le premier motif qui a engagé le testateur à don

ner, cette peine efface tout le mérite et tout l'honneur du bienfait ».

Ces auteurs ajoutent que la loi d'Antonin doit l'emporter parmi nous sur celle de Justinien, parceque les Gaules faisaient partie de l'empire lorsque la première fut portée, et en étaient détachées au temps de la promulgation de la seconde.

Enfin, ils prétendent que leur système a été adopté par l'arrêt même dont ils rendent compte, et dont voici l'espèce.

Le sieur de Flécelles, après avoir choisi pour ses légataires universels, Nicolas de Flécelles, son frère, et ses enfans, avait légué à la dame du Coudray, sa mère, une somme de 12,000 livres, sous la condition qu'elle ne pourrait demander, ni sa part dans les propres, ni les 10,500 livres qu'il était obligé de lui restituer; et avec la clause expresse, qu'en cas qu'elle en fit la demande, il la privait en faveur de l'Hôtel-Dieu de Paris, de son legs de 12,000 livres.

La dame du Coudray trouva plus d'avantage à se porter héritière, qu'à prendre la qualité de légataire; en conséquence, elle se fit payer les 10,500 livres que le testateur lui avait interdit d'exiger.

Alors les administateurs de l'Hôtel-Dieu firent la demande du legs de 12,000 livres, qu'ils soutinrent leur être transféré ; mais par l'arrêt cité, du 1er. août 1676, les parties ont été mises hors de cour et de procès.

Tout cela est spécieux, mais peu décisif. 10. Les raisons par lesquelles on cherche à justifier la constitution d'Antonin, sont plus dignes de la subtilité des Papinien et des Scavola, qu'assorties à cette simplicité si juste et si naturelle, dont l'empereur Justinien nous a donné tant d'exemples, et que notre jurisprudence a encore perfectionnée. Un grand principe qu'il ne faut jamais perdre de vue, est que l'intention du testateur fait la loi aux héritiers et aux légataires qu'il s'est choisis: il a le droit de leur imposer telles conditions qu'il lui plaît: suus quoque heres sub omni conditione heres potest institui, dit la loi 4, D. de heredibus instituendis; sa volonté, qui fait leur titre, s'étend avec la même force sur le don et sur la condition. Produits l'un et l'autre par la même cause, ils sont indivisibles; ils ne peuvent subsister l'un sans l'autre; et à défaut d'exécution de la condition, le don s'éclipse et s'évanouit. En vain prétendrait-on analyser les motifs du testateur, il n'en doit compte qu'à lui-même; dès qu'ils n'offensent ni la morale ni les lois prohibitives, peu importe qu'ils consistent dans une juste bienveillance pour un légataire, ou dans une précaution quelquefois nécessaire contre

sa négligence à remplir les disposions dont il est chargé.

« 2o. Quoique du temps de l'empereur Jus» tinien (c'est Furgole qui parle), les Fran»çais eussent leurs rois qui étaient indépen» dans de l'empire grec, il est également vrai » que le droit de Justinien a été adopté comme » raison écrite dans la France coutumiere. » Voilà pourquoi on ne se règle plus en France » par les lois renfermées dans le Code Théodo» sien, mais par celles de Justinien, pour les » cas qui ne sont pas décidés par les coutumes » et par les principes du droit français ».

30. L'arrêt du 1er. août 1676 ne juge pas que la loi d'Antonin doit l'emporter en France sur celle de Justinien. Les rédacteurs du journal du palais conviennent eux-mêmes que deux raisons particulières ont pu motiver la nullité qu'il prononce du legs transféré par forme de peine à l'Hôtel-Dieu de Paris.

D'abord il est certain, disent-ils, que la loi par laquelle Justinien a autorisé les Peines testamentaires, ne doit s'entendre que des cas où les peines tombent sur ceux qui ont contrevenu à la volonté du testateur (1). Or, la peine dont il s'agissait dans le testament' du sieur de Flécelles, ne tombait pas sur la dame du Coudray, mais sur les légataires universels, qui n'étaient coupables d'aucune contravention.

En second lieu, il est de principe, ajoutent les mêmes auteurs,que l'intention du testateur doit toujours prévaloir aux expressions dont il l'a revêtue: or, quelle a été l'intention du sieur de Flécelles? Il n'est pas difficile de la connaitre; elle résulte de la clause même dont

Pana no

(1) Balde, sur la loi 1, C. de his quæ mine, traite la question de savoir si celui qui n'a point contrevenu, peut être puni par le testateur et porter la peine d'une contravention qui procède du fait d'un tiers. Il propose à ce sujet deux cas qu'il résoud pour la négative.

Voici le premier. Un testateur ordonne que ses exécuteurs testamentaires lui feront bâtir une chapelle dans un certain temps; et, à faute de le faire, il veut que son héritier paie, par forme de peine, mille écus à une église ou à un hôpital. Après le décès du testateur, les exécuteurs laissent passer le temps prescrit, sans faire bâtir la chapelle. On demande la peine à l'héritier : question de savoir s'il en est tenu. Balde répond que non, parceque Pana tenet culpæ autores, et non alios. C'est la raison qu'il en rend.

Dans le second cas, un testateur institue le fils de Titius pour son héritier, mais avec la clause que, si ce fils est troublé dans la jouissance de l'hérédité, il rétestateur décède; Titius, qui avait des prétentions de voque son institution et nomme un autre à sa place. Le son chef sur la succession, se pourvoit contre le fils, et par ce moyen le trouble dans la possession des biens du défunt. On demande, par forme de peine, que le fils

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