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Le 20 juin 1812, arrêt contradictoire qui prononce en effet la Péremption de l'arrêt par défaut, et par suite celle de l'appel de la veuve Mussot.

Les choses en cet état, le subrogé-tuteur des mineurs Mussot revient sur la sentence arbitrale, et en demande la nullité, attendu que la tutrice de ces mineurs n'a pas pu compromettre pour eux.

Le 9 janvier 1813, jugement qui annulle cette sentence et remet les parties au même état qu'avant le compromis.

Appel de ce jugement de la part du sieur Huvier.

La dame Mussot intervient dans l'instance d'appel, et tant en son nom qu'en sa qualité de tutrice, elle ajoute au moyen de nullité adopté par les premiers juges, deux autres moyens qu'elle fait résulter, l'un de ce que les arbitres n'avaient plus de pouvoirs lorsqu'ils ont prononce; l'autre, de ce qu'ils n'ont observe aucune des formes prescrites par la loi.

Le sieur Huvier soutient d'abord qu'elle est sans qualité pour intervenir, surtout après qu'un arrêt a déclaré périmé l'appel qu'elle avait interjete du jugement arbitral ; ensuite, que ce jugement ayant acquis la force de chose jugée par la Peremption de l'appel, tous les vices en sont irrévocablement couverts.

Le 13 août 1814, arrêt qui reçoit l'intervention de la dame Mussot.

Et le 30 novembre suivant, second arrêt qui, accueillant les moyens de nullité articules tant par le subrogé-tuteur que par la dame Mussot centre la sentence arbitrale, confirme le jugement qui a annulé cette sentence.

Le sieur Huvier se pourvoit en cassation contre ces deux arrêts. Il attaque le premier, comme violant les art. 466 et 474 du Code de procédure civile, en ce qu'il a reçu l'intervention de la veuve Mussot, qui n'avait, suivant lui, ni qualité ni intérêt pour intervenir dans l'instance; et le second, comme violant l'art. 469 du même Code, en ce qu'il a privé de l'effet de la chose jugée une sentence arbitrale dont l'appel avait été déclare périmé.

Mais par arrêt contradictoire du 27 mai 1818, au rapport de M. Minier, et sur les conclusions de M. l'avocat general Joubert,

«Attendu que, par le compromis du 6 juin 1806, les parties avaient formellement renoncé à prendre la voie de l'appel contre la décision arbitrale à intervenir; que le demandeur a lui-même reconnu cette vérité dans le cours de l'instance, en formant, en tant que de besoin, opposition à l'arrêt par défaut du 23 mars 1808, obtenu par la veuve Mussot, et en soutenant son appel non-recevable;

» Que de là il suit, 1°. que l'arrêt du 20 juin 1812 n'a pu que déclarer périmé l'appel interjeté de la décision arbitrale; 2°. que cet appel, ainsi écarté par la Péremption, a dù être considéré comme non-avenu, et qu'on doit regarder comme certain que la veuve Mussot a pu substituer à une voie prohibée par le compromis, une voie legale et régulière, pour faire déclarer nulle une décision à laquelle elle était fondée à refuser la qualité de décision arbitrale, soit parcequ'elle avait été portée sur un compromis nul, soit parcequ'elle l'avait été hors le delai fixé par la loi, par des hommes sans pouvoirs et qui avaient méprisé toutes les formes établies par la loi ; 30. qu'il est également hors de doute que, comme elle aurait pu former opposition à l'ordonnance d'exequatur, pour faire déclarer la pretendue décision arbitrale qu'on lui objectait, nulle et de nul effet, elle a pu aussi, trouvant cette de. mande en nullité introduite à la requête du subroge tuteur de ses enfans mineurs, demander, pour eviter des longueurs prejudiciables et des frais inutiles dans une instance où les intérêts de ses enfans et les siens étaient communs et connexes, à être reçue partie intervenante; qu'elle y était d'autant mieux fondée que, si cette instance d'appel eût porté quelque préjudice à ses intérêts, en blessant ceux de ses pupilles, elle aurait eu le droit de former tierce opposition à l'arrêt qui, en nuisant à ses enfans, lui aurait été funeste à elle-même, sans qu'elle y eût été appelée et entendue;

» Attendu que, pour justifier l'arrêt qui a reçu son intervention et y a fait droit, il suffit de rappeler que cet arrêt attaqué par le demandeur, a reconnu qu'elle avait intérêt et qualite pour intervenir; qu'elle avait aussi des moyens personnels à faire valoir et les intérêts de ses enfans à protéger en qualité de tutrice; qu'enfin, l'état d'indivision qui existait entr'elle et ses enfans, legitimait même son intervention et la rendait nécessaire pour éviter la tierce-opposition qu'elle aurait été fondée à former contre l'arrêt, dans le cas où, en portant atteinte à leurs droits, il aurait, par voie de consequence, aussi compromis quelques-uns des siens ;.

» Attendu que la fin de non-recevoir proposée par le demandeur et qu'il a prétendu tirer de la violation de la chose jugée par la decision arbitrale, ne peut le soustraire aux conséquences qui viennent d'être établies, parcequ'il est constant au procès que les résolutions des arbitres ne peuvent pas prendre le caractère d'une décision arbitrale, parcequ'elles ont été prises par des individus sans qualité; qu'elles sont par conséquent nulles

et abusives, et qu'il est dès-lors evident qu'il ne peut y avoir de chose jugée là où il n'y a pas et où il ne peut pas y avoir de jugement;

» Par ces motifs, et attendu qu'il résulte de tout ce que dessus, qu'il a été fait une juste application des articles de loi que le demandeur soutenait avoir été violes;

» La cour (section civile) rejette le pourvoi... (1) ».

20.

Quel est, relativement à l'instance principale, l'effet de la Péremption de l'appel d'un jugement interlocutoire qui n'était pas exécutoire par provision, ou qui, s'il l'était, est resté sans exécution pendant les trois années dont le laps a fait déclarer l'instance d'appel périmée ?

Cette question en renferme plusieurs qu'il faut examiner l'une après l'autre.

Et d'abord, dans le cas dont il s'agit, le droit de demander la Peremption de l'appel, emporte-t-il celui de demander la Péremption de l'instance principale?

Il semble, à la première vue, que non ; car l'art. 469 porte généralement et sans distiction entre les jugemens interlocutoires et les jugemens définitifs, que la Péremption des causes d'appel aura l'effet de donner au jugement dont est appel, la force de chose ju gée. Or, si, par la Péremption de l'appel, le jugement interlocutoire acquiert la force de chose jugée, comment pourrait il être périmé lui-même ? Et s'il n'est pas périmé, comment l'instance principale, sur laquelle il a été rendu, pourrait-elle l'être?

Mais qu'est ce qu'entend l'art. 499, par les mots aura l'effet de donner au jugement dont est appel, la force de chose jugée ?

La même chose sans doute que l'art. 5 du tit. 27 de l'ordonnance de 1667, quand il disait « les sentences et jugemens passés en » force de chose jugée, sont ceux..... dont

l'appel n'est pas recevable, soit que les par»ties y aient formellement asquiescé............, ou » que l'appel ait été déclaré péri »; car la disposition est évidemment la même dans l'unet dans l'autre texte.

Or, de ce que l'ordonnance de 1667 décla rait passée en force de chose jugée, la sentence interlocutoire dont l'appel était déclaré péri, s'ensuivait-il que, dans les pays où (tel que le ressort du parlement de Toulouse, comme on l'a vu plus haut, §. 1, nos. 7 et 11) les jugemens interlocutoires n'empêchaient pas la Péremption des instances sur lesquelles ils étaient rendus, l'instance principale dût

(1) Ibid., année 1818, page 558.

survivre à la Péremption de l'appel d'un jugement de cette nature?

Non, et la preuve en est dans ce qu'a écrit là-dessus Rodier, sur l'art. 14 du tit. 12 de l'ordonnance de 1667, § de la Péremption d'instance, no. 10: « s'il y a appel d'une sen. » tence ou appointement purement interlocutoire, et que cette instance d'appel perime, » cette péremption semble devoir entraîner » celle de la sentence ou appointement inter> locutoire, et par conséquent de l'instance << sur laquelle la sentence ou appointement » avait été rendu; et qui plus est, la prescrip>>tion de la demande, si elle se trouve acquise >> pendant ces trois ans. C'est à celui à qui il > importe que la demande ne périme pas, à » veiller que l'appel ne périme ».

Et il est à remarquer que cette doctrine de professée M. d'Aguesseau à l'audience du parRodier est parfaitement conforme à celle qu'a lement de Paris, du 12 août 1700, dans une affaire qui y avait été évoquée du parlement

de Toulouse.

Les circonstances de cette affaire étaient simples.

En 1675, sentence qui admet Étienne de Charron à la preuve de faits de captation qu'il articule contre le testament de sa sœur.

Le 6 février de la même année, Étienne de Charron appelle de cette sentence, en ce qu'elle ne lui a pas permis de faire sa preuve par provision.

Un silence de vingt-trois années suit cet appel, et Étienne de Charron meurt sans l'avoir fait juger.

Guillaume de Charron, son fils, reprend l'instance par une requête contenant des conclusions à ce que, par provision, il lui soit permis de faire procéder à son enquête.

Le 6 avril 1698, arrêt qui joint la requête à l'appel.

Ses adversaires, avertis par la signification de cet arrêt, de son intention de renouveler contre eux des poursuites si long-temps abandonnées, et se prevalant du principe que la Péremption s'encourt de plein droit dans le ressort du parlement de Toulouse (V. ci-des sus, §. 1, no. 19), concluent à ce que l'ins tance d'appel soit déclarée éteinte.

Le 14 du même mois, arrêt qui déclare en effet l'appel perime, sauf à Guillaume de Charron à se pourvoir par nouvelle action.

Guillaume de Charron suit la voie que cet arrêt lui indique : il intente une nouvelle action devant la sénéchaussée de Toulouse, et il y obtient, le 16 mai de la mème année, une sentence qui l'admet à la preuve de ses faits de captation.

L'affaire renvoyée en cet état au parlement de Paris par un arrêt du conseil, les adversaires de Guillaume de Charron appellent de la sentence du 16 mai 1698, et soutiennent, entr'autres choses, qu'il a été procédé irrégulièrement par les premiers juges. « La Péremption de l'appel (disent-ils, et c'est M. » d'Aguesseau qui retrace leurs propres paro» les ) emporte avec soi la confirmation de la » sentence; donc l'appointement de 1675 est » confirmé ; il fallait reprendre l'ancienne >> instance, au lieu d'en former une nouvelle ». Mais, répond M. d'Aguesseau,

« Premièrement, l'arrêt contradictoire du parlement de Toulouse (du 14 avril 1698) a jugé le contraire, sauf à se pourvoir par nouvelle action. Ces termes sont importans; donc jugé que tout était péri, et l'appel, et ce dont était appelé. Or, cet arrêt subsiste, n'est point attaqué, il ne peut l'être.

» En second lieu, cet arrêt est conforme à deux arrêts de 1603 et de 1607, qui ont jugé que la Péremption de l'appel d'une sentence interlocutoire ou préparatoire, n'emportait pas la confirmation de la sentence, mais qu'au contraire tout était péri, et l'appel, et la sen

tence.

» Deux motifs de cette jurisprudence.

» D'abord, dans les sentences définitives, il n'y a rien à imputer à l'intime, bien loin d'être obligé d'agir pour faire juger l'appel, il peut, au contraire, demeurer en repos, parceque le temps seul juge quelquefois sa cause. Il n'en est pas de même dans l'appel d'une sentence interlocutoire ; le droit est encore in pendente; donc l'intime doit agir comme l'ap. pelant.

» Ensuite, dans le cas des sentences défini. tives, il n'y a plus d'instance principale ; au contraire, dans le cas d'une sentence interlo cutoire; donc l'intime a dû poursuivre comme l'appelant. Si l'appel n'était pas suspensif, rien ne l'empêchait d'agir ; et si l'appel était suspensif, il devait agir pour lever cet obstacle : n'ayant point agi, il suit que la Péremption court contre lui comme contre l'appelant (1) ». Il est clair, d'après cela, que, sous l'ordon. nance de 1667, et dans les pays où les jugemens interlocutoires étaient sujets à se périmer, la Péremption de l'appel d'un jugement de cette nature ne lui donnait pas la force de la chose jugée en ce sens qu'il fût confirmé, qu'il dût recevoir son exécution, et que, par suite l'ins. tance principale fût considérée comme toujours subsistante; mais seulement en ce sens

(1) OEuvres de M. d'Aguesseau, tome 5, page 188.

que l'appel en était réputé non avenu et n'était plus recevable.

Et quelle raison y aurait-il, dès-lors, d'entendre autrement la disposition de l'art. 469 du Code de procédure? On n'en aperçoit aucune. Il faut donc tenir aujourd'hui pour cons tant, comme on le tenait sous l'ordonnance de 1667, dans le ressort du parlement de Toulouse, que le droit de demander la Péremption de l'appel d'un jugement interlocutoire, emporte celui de demander la Péremption de l'instance principale.

30. Est-ce à dire pour cela que l'arrêt qui déclare périmé l'appel d'un jugement interlocutoire, influe de lui-même sur l'instance principale et en emporte de plein droit la Péremption?

On vient de voir que l'arrêt du parlement de Toulouse, du 14 avril 1698, avait jugé pour l'affirmative; et y il avait alors une raison déterminante pour prononcer ainsi : c'est que la Péremption s'encourait de plein droit dans le ressort de cette cour.

Mais on ne pourrait plus juger de même sous le Code de procédure civile, d'abord parceque la Péremption n'a pas lieu de droit, et qu'il faut qu'elle soit demandée ; ensuite, parcequ'aujourd'hui, il n'y a que le premier juge qui ait qualité pour statuer sur la demande en Péremption de l'instance principale.

Et de là il suit évidemment que, si, aprės que le juge d'appel a déclaré l'instance d'appel périmée, et avant que la demande en Péremption de l'instance principale fût formée devant le premier juge, il se faisait quelque acte de poursuite dans l'instance principale, la Péremption de celle ci serait couverte.

4o. Mais indépendamment de cela, y auraitil encore lieu à la demande en Péremption de l'instance principale, si, comme il arrive assez souvent par une sorte de routine, l'arrêt qui prononcerait la Péremption du jugement interlocutoire, ordonnait que ce jugement sortit son plein et entier effet?

Non, sans doute, puis qu'ordonner l'exé. cution de ce jugement, ce serait nécessairement déclarer l'instance principale encore subsistante.

Si cependant la partie qui aurait intérêt de faire déclarer l'instance principale éteinte, n'avait conclu devant le juge supérieur qu'à la Péremption de l'appel et du jugement interlocutoire, sans demander que ce jugement fût expressément confirmé, il lui resterait, pour faire prononcer la Péremption de l'instance principale sur la demande qu'elle en ferait, sans perte de temps, devant le premier

juge, la ressource de la requête civile contre l'arrêt qui lui aurait adjuge plus qu'elle n'avait demandé et plus qu'elle n'était interessée à demander.

VIII. QUESTIONS TRANSITOIRES sur les art. 397, 398, 399, 400, 401 ET 469.

10. Dans quelle forme doit être demandée, sous le Code de procédure civile, la Péremp

tion d'une instance commencée avant la mise en activité de ce Code ? Est-ce dans celle que déterminait la loi ou la jurisprudence sous laquelle l'instance a commencé? Est-ce dans celle que ce Code prescrit ?

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La règle générale est, comme je l'ai établi à l'article Effet rétroactif, sect. 3, S. 7, que les actes de procédure ne dépendent, quant leur forme, que de la loi du temps où ils sont faits, n'importe que l'instance à laquelle ils sont relatifs, ait ou non commencé sous l'empire de cette loi.

Mais, comme je l'ai remarqué au mên.e endroit, il est dérogé à cette règle par l'art. 1041 du Code de procédure civile, lequel, en ordonnant que ce Code sera exécuté à compter du 1er. janvier 1807, veut que tous procès qui seront commencés depuis cette époque, soient instruits conformément à ses dispositions : ce qui signifie bien clairement, ainsi que le décide expressément l'avis du conseil d'état du 6 janvier de la même année, dans les que, procès commencés avant cette époque, on doit continuer de suivre les formes prescrites par les lois précédentes.

Et de là il semble, au premier coup-d'œil, résulter que la forme de la demande en Péremption d'une instance commencée avant le Code de procédure civile, ne peut être réglée que par la loi ou la jurisprudence du temps où l'instance a été introduite, encore que la discontinuation de poursuites pendant trois ans n'ait eu lieu que depuis la mise en activité de ce Code.

Il n'en est pourtant pas ainsi. On verra dans la discussion de quelques unes des questions suivantes, plusieurs arrêts de la cour de cassation mettre en principe que la demande en Péremption est de sa nature une demande nouvelle et indépendante de l'instance périmée ; et dès-lors, il est impossible qu'une pareille demande ne soit pas réglée, quant à sa forme, par la loi du moment où elle est inten.

tée.

Mais comment accorder avec ce principe les arrêts qui ont jugé, comme on l'a vu plus haut, no. 2-14°. et 15o., et no. 5-3o., que la demande en Péremption n'est qu'un accessoire, qu'une continuation de l'instance dont

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Rien de plus simple. La demande en Péremption n'est qu'un accessoire, qu'une continuation de l'instance principale, en ce sens qu'elle doit être proposée dans cette instance elle-même, qu'elle doit l'être par requête d'avoué à avoué, qu'il doit y être statué par le tribunal qui est saisi de cette instance, et que c'est à la nature aussi bien qu'à l'importance du fond du procès, qu'il faut s'attacher pour déterminer si c'est en dernier ressort ou à la charge de l'appel que ce tribunal doit la juger. Mais elle est une demande nouvelle et principale, en ce sens qu'elle tend à faire déclarer l'instance éteinte; car, envisagée sous ce rapport, elle ne peut pas plus être un accessoire, une continuation de l'instance ellemême, qu'une quittance n'est un accessoire, une continuation de l'obligation qu'elle éteint.

dence attribuait à la discontinuation de pour20. Dans les pays où l'ancienne jurispru suites pendant l'espace de temps déterminé par tances de plein droit, les instances qui, au mo les lois ou les usages, l'effet de perimer les insment de la mise en activité du Code de procé dure civile, se trouvaient frappées de cette Péremption, en ont-elles été affranchies par l'art. 399 de ce Code?

Non donner une pareille influence à cet article, ce serait le faire retroagir; car il y a

nécessairement rétroactivité toutes les fois

qu'il y a spoliation d'un droit acquis; et c'était bien évidemment un droit acquis que celui qu'avait la partie au profit de laquelle la Péremption était encourue, de la faire déclarer telle, même par voie d'exception, et sans que son adversaire pût s'en préserver par aucun acte de procédure.

Voici au surplus, un arrêt de la cour de cassation qui le juge ainsi formellement.

Une instance s'était engagée entre Pierre Ribard et Guillaume Annezeau, devant le tribunal de Saintes, dont le territoire, dans l'ancien ordre judiciaire, ressortissait au parlement de Bordeaux; et après y avoir été pour suivie jusqu'au mois de septembre 1794, elle était restée interrompue jusqu'au mois de janvier 1810.

A cette dernière époque, Pierre Ribard fait assigner en reprise d'instance Pierre Annezeau, fils et héritier de Guillaume. Celui-ci constitue un avoué; et le 25 février suivant, jugement intervient qui tient l'instance pour reprise.

Le 20 mai de la même année, Pierre Ribard

obtient un jugement par défaut qui prononce en sa faveur sur le fond du procès.

Pierre Annezeau forme opposition à ce jugement, et conclud à ce que l'instance soit déclarée éteinte, attendu que, d'une part, plus de trois ans s'étaient écoulés sans poursuite au moment où le Code de procédure civile avait été mis en activité ; et que, de l'autre, il était de jurisprudence au parlement de Bordeaux que la Péremption s'encourait de plein droit et pouvait être proposée par exception.

Pierre Ribard répond que la jurisprudence du parlement de Bordeaux est ici indifférente; qu'il s'agit d'une demande en Peremption formée sous le Code de procédure civile, et que, par conséquent, c'est uniquement par le Code de procédure civile qu'elle doit être réglée; que d'ailleurs, en supposant qu'elle dût être jugée d'après la jurisprudence du parlement de Bordeaux, elle serait encore non-recevable, parceque Pierre Annezeau aurait renoncé, par la reprise de l'instance, au droit qui lui eût été acquis d'en faire prononcer l'extinction.

Le 11 décembre 1810, jugement qui, adop. tant les deux branches de cette défense, rejette la demande en Péremption.

Mais sur l'appel, arrêt de la cour de Poitiers, du 12 décembre 1811, qui accueille cette demande, « attendu que, d'après la jurispru» dence du parlement de Bordeaux, qui, dans » l'espèce, fait la loi des parties, la Péremp » tion d'instance était acquise de droit lorsque » la discontinuation des poursuites avait dure » trois ans ; d'où il suit que l'instance de Ribard » était éteinte et périe long-temps avant la pro>> mulgation du Code de procédure civile ; » qu'elle l'était par conséquent lorsqu'il a as> signé Annezeau en reprise, et que rien n'a >pu la faire revivre ».

Pierre Ribard se pourvoit en cassation contre cet arrêt, et reproduisant, à l'appui de son recours,les deux moyens qu'il a fait valoir,tant devant les premiers juges qu'en cause d'appel, il soutient que cet arrêt a violé l'art. 399 du Code de procédure civile sous deux rapports; qu'il l'a violé en jugeant, contre sa disposition expresse, que la Péremption à laquelle avait conclu Pierre Annezeau, avait été encourue de plein droit ; et qu'il l'a également violé, en ju geant que Pierre Annezeau n'avait pas couvert la Péremption en constituant un avoué sur l'assignation qui lui avait été donnée à fin de reprendre l'instance.

Mais par arrêt du 25 novembre 1813, au rapport de M. Lefessier de Grandprey, et sur les conclusions de M. l'avocat général Joubert.

TOME XXIII.

« Attendu qu'en matière de Peremption d'instance, la jurisprudence des cours était avant le Code de procédure civile, la seule règle des tribunaux de leur ressort pour décider si la Péremption s'acquérait de plein droit et par le seul laps du temps fixé, si la Peremption une fois acquise pouvait se couvrir, et, en ce cas, par quels actes;

» Attendu que, dans l'espèce, l'arrêt attaqué n'a fait que se conformer à la jurisprudence de l'ancien parlement de Bordeaux qui était la loi des parties; l'instance dont le réclamant demandait la reprise, étant éteinte et périe sous cette jurisprudence et long-temps avant la promulgation du Code de procédure civile;

» Attendu enfin, qu'Annezau n'avait pas renoncé au droit qui lui était acquis antérieurement à la législation nouvelle, et dans un temps où le sens de l'art. 15 de l'ordonnance de Roussillon était fixé dans chaque parlement par sa jurisprudence;

» La cour (section des requêtes) rejette le pourvoi.... ».

30. Dans les pays où la jurisprudence, devançant la disposition de l'art. 399 du Code de procédure, avait établi que la Peremption ne s'encourait pas de plein droit; dans ceux où elle ne s'encourait par aucun laps de temps, et dans ceux où, soit dans tous les cas, soit dans certains cas seulement, elle ne pouvait être demandée qu'après trente ans, quel est, à l'égard des instances commencées avant le Code de procédure civile, la règle d'après laquelle doit être aujourd'hui déterminé le temps nécessaire pour acquérir le droit de demander la Péremption? Est-ce la jurisprudence de l'époque où l'instance a été introduite? Est-ce l'art. 397 du Code de procédure

civile?

Nul doute que cet article ne doive être seul consulté, lorsqu'il s'agit d'une instance commencée dans l'un des anciens tribunaux qui, tel que le grand conseil de Malines (comme on l'a vu plus haut, §. 1, no. 4), n'en admettaient ni la Péremption ni même la prescription par trente ou quarante ans ; ou, en d'autres termes, nul doute qu'une pareille instance ne se périme par la discontinuation de poursuites pendant trois ans depuis la mise en activité du Code de procédure civile. C'est ce que M. Daniels a parfaitement démontré dans des conclusions données le 19 août 1814, à l'audience de la cour supérieure de justice de Bruxelles, formée en cour de cassation, et rapportées dans mon Recueil de Questions de droit, au mot Péremption, §. 6, no. 2.

La seule objection que l'on put opposer à

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