Page images
PDF
EPUB

aucune atteinte aux transactions passées sous la médiation d'amiables compositeurs.

XIV. Toutes les nullités étaient convertes par le silence de la partie, avant l'appointement en droit, à l'exception de celles qui derivaient du défaut du juridiction, d'ajournement ou de pouvoirs.

XV. Les traitemens des juges des cours supérieures étaient modiques. Les juges-mages et les juges n'étaient point salaries. Mais les épices des arrêts et des jugemens étaient fixées par la loi à un taux assez haut, et l'on payait en outre un droit d'émolument au trésor public, proportionné à la valeur de l'objet.

On n'exigeait du pauvre ni épices, ni émolumens; il était même dispensé de rédiger ses défenses sur papier timbré.

XVI. Dans les matières criminelles, la hierarchie des juridictions etait la même que dans les matières civiles, sauf les exceptions

suivantes.

10. Le senat pouvait évoquer toutes les affaires, lorsqu'il le jugeait convenable.

20. Il prononçait en premier et en dernier ressort sur les crimes de lese-majesté, et lors. qu'il s'agissait de vols ou de vagabondage.

30. Dans les autres cas, les juges de première instance statuaient en dernier ressort, si le titre du delit n'emportait qu'une amende moindre de 30 livres. Si elle atteignait ou dépassait cette somme, il y avait appel au juge mage, dont les sentences étaient aussi sujettes à l'appel, si l'amende excédait 200 livres.

ves,

Mais quand il s'agissait de peines afflictiil ne pouvait jamais y avoir plus de deux degrés de juridiction. La sentence des juges de première instance, soit qu'elle déclarât qu'il n'y avait lieu de procéder, soit qu'elle acquittat, soit qu'elle condamnat, ne pouvait être exécutée, si elle n'était pas confirmée par le sénat, qui en connaissait omisso medio.

XVII. Pour se former une idée exacte de l'ancienne procedure criminelle, il faut la diviser en deux parties.

La première étant secrète, le juge l'instruisait sur les requisitions du ministère public, ou d'un plaignant, ou d'office, mais toujours en présence du ministère public. Elle avait pour but de constater le délit, et de découvrir le délinquant; elle était secrète, les témoins déposaient sous la religion du ser

ment.

Cette première partie terminée, le juge, sur les conclusions du ministère public, de

cernait, selon les circonstances, des lettres de prise de corps ou d'ajournement personnel, ou bien il déclarait qu'il n'y avait lieu de proceder ultérieurement.

Si la prise de corps était effectuée, ou si l'accusé comparaissait, il donnait ses réponses personnelles; après quoi, le juge lui declarait que le ministère public l'accusait de tel ou tel crime, et qu'il s'élevait contre lui telles ou telles preuves. Ille sommait de choisir un défenseur. L'avocat des pauvres était le défenseur de droit de tous les accusés. On communiquait au défenseur toutes les piè

ces.

Ici commençait la seconde partie de la procédure. Elle était instruite sur les réquisitions de l'accusé, et avait pour objet sa defense. On communiquait ensuite les actes au ministère public, qui donnait, par écrit, son avis raisonné. Le défenseur donnait, à son tour, les conclusions à défense. Le rapport de l'affaire se faisait en public devant le sénat Il était encore libre, après ce rapport, au ministère public et au défenseur de l'accusé de plaider l'affaire. L'arrêt la terminait.

La procédure criminelle piemontaise ne présentait peut-être que trois vices essentiels : 10. la question préparatoire, et du chef des complices; 20. le moyen, très-immoral, fourni à un criminel, de se soustraire à la peine, en livrant à la justice un autre coupable d'un crime plus grave; 3°. trop d'arbitraire laissé au juge dans l'application des peines.

S. III. Ancien droit du Piémont.

I. L'art. 15, tit. 22, liv. 3, des constitutions

piemontaises, du 7 avril 1770, est ainsi concu Voulons que, dans la décision des procès, l'on observe uniquement : 1o. nos

constitutions; 2°. les statuts des lieux, pourvu qu'ils soient par nous approuvés, ou par nos royaux prédécesseurs, et qu'ils soient en observance; 3o. les décisions de nos magistrats ; 4o. et, finalement, les textes du droit commun. Défendons, en conséquence, aux avocats, de citer, dans leurs avis en droit, aucun docteur en matières légales, et aux juges tant suprémes que subalternes, de déférer à leurs opinions, sous peine de la suspension de leur office, jusqu'à ce que nous leur ayons fait grace.

Avant le règne de Victor Amédée I, le plus grand prince après Emmanuel Philibert, qui ait gouverne le Piemont, cette contrée n'avait d'autre loi municipale qu'un ancien recueil rédigé en latin, intitule, Statuta Sabaudiæ,

et les différens édits publiés depuis, dont Bully et Jolly avaient fait une collection tres-imparfaite pour la Savoie, et Borelli, une beaucoup plus complete pour l'Italie piémontaise. Victor-Amédée conçut, comme tous les grands rois, l'idée de donner à ses peuples un Code national. Ce fut lui qui publia, en 1721, les Lois et constitutions, en un volume in-folio. Il y fit dans la suite, plusieurs changemens et additions. L'ouvrage fut refondu et promulgué en 1729, en deux volumes in 4o. ; ensuite ces mêmes constitutions, avec quelques changemens, ont reparu sous le nom de Charles-Emmanuel III, en 1770. La seule edition originale est celle qui a paru à Turin en deux volumes in-40.

Comme les actes se rédigeaient en français, dans les duches de Savoie et d'Aoste, le gouvernement eut soin de faire imprimer une traduction de ces lois en regard du texte italien. Elle n'a pas toujours été fidèle. Aussi les cours souveraines ont décidé que, lorsque le texte et la traduction n'étaient pas d'accord, le premier devait l'emporter sur la seconde.

Il n'était pas permis aux juges de s'écarter du texte de ce Code. Hors les cas de nullités dont il a été parlé plus haut, les arrêts et jugemens rendus contre les dispositions des constitutions, ne passaient jamais en force de chose jugée. Le juge qui les avait rendus, pouvait les retracter lui-même; et le droit d'en provoquer la rétractation de ce chef, durait pendant trente ans.

Il s'en faut beaucoup que le Code piemontais présentat un système complet de législation. A part quelques dispositions, dont on trouvera ci-après les plus importantes, il s'occupe essentiellement des delits et des peines, de l'organisation et des formes judiciaires. On publia aussi, en 1770, des réglemens particuliers pour la Savoie et le duché d'Aoste. Ce qui est infiniment utile dans ces constitions, c'est que, lorsqu'elles confirment des lois anciennes, elles ont soin d'annoter en marge la date et l'auteur de la disposition confirmée.

Dans le silence des constitutions, l'on avait recours aux statuts particuliers. Mais il en existait très-peu qui réunissent les caractères nécessaires pour conserver force de loi. Le petit nombre ne concernait, le plus souvent, que les avantages matrimoniaux.

Venaient en troisième ligne, les décisions des cours suprêmes dans les cas parfaitement identiques. Elles prévalaient sur le droit romain dont l'interprétation était laissée aux magistrats. Par le mot décision, on entendait

car,

les arrêts dont les motifs avaient été publiés s'ils ne l'avaient pas été, il arrivait bien rarement que l'on pût constater l'identité de l'espece. L'on voit ici que la loi Piemontaise a ete plus loin que les lois romaines, qui exigeaient une suite rerum perpetuò similiter judicatarum.

Les arrêtistes, dans lesquels on avait pleine confiance, sont les presidens Favre, Thesaure, père et fils, Osasque, de L'église ( ab ecclesiá), et Sola, lorsqu'ils n'énoncent pas leur opinion particulière, mais bien celle du corps qu'ils présidaient. Dans ces derniers temps, Richeri a essayé de marcher sur les traces de Favre, dans une collection des arrêts plus récens, imprimée en quatre volumes. Cet ouvrage ne peut servir que d'indicateur; et il faut, au besoin, toujours consulter l'original des décisions, deposé dans les archives du senat ou de la chambre des comptes, ou imprimé d'après la permission du rapporteur.

Enfin, la quatrième source de législation civile consistait dans le droit commun, par lequel on entendait le corps du droit romain, publié par Justinien. Mais les novelles de Leon n'etaient pas observées,

II. Dans les matieres féodales, les coutumes de Lombardie, insérées à la fin de la collection de Justinien, sous le titre de Liber de usibus feudorum, formaient le supplément aux constitutions piémontaises en Italie. Mais comme les Lombards n'avaient jamais pénétré dans la Savoie, les fiefs y étaient héréditaires et patrimoniaux, à l'instar de ceux de la France.

III. Quant aux matières ecclésiastiques, les décrétales et la collection de Gratien, modifiées par des concordats particuliers, passes entre le saint-siege et les souverains du Piemont, jouissaient de l'autorité législative dans tous les États que ces princes possedaient au-delà des Alpes, à l'exception du duché d'Aoste, et de la province de Pignerol. Celle-ci participait aux libertés de l'église gal. licane. Mais elles étaient beaucoup plus étendues dans les duchés de Savoie et d'Aoste; car les différens concordats relatifs à la France n'ayant pu les atteindre, les dispositions du concile de Bâle y exerçaient en entier leur empire.

Quoique le gouvernement français ait supprimé les chaires de droit canonique, l'étude des lois et de la jurisprudence ecclésiastique est encore utile aux magistrats et aux jurisconsultes piemontais: car les évêchés et les, cures de l'Italie française sont restés en pos

session de tous leurs biens. Les canonicats conservés et plusieurs bénéfices y jouissent toujours des biens dont la vente a été suspen. due. Plusieurs cures et plusieurs bénéfices y sont de patronage laïc. L'on y a même conservé l'ancienne forme d'administration des bénéfices vacans. Elle est entre les mains d'un ecclésiastique appelé économe général.

La religion catholique était la seule dominante en Piémont, et c'était la seule dont l'exercice public fût permis. On y tolérait des juifs dans les principales villes. Ils ne pouvaient habiter que les maisons indiquées par le gouvernement. Ils ne pouvaient acqué rir des biens immeubles; la loi les avilissait. Très-sévère à l'égard des citoyens, sur le taux légal des intérêts de l'argent prêté,qu'elle fixait à trois et demi pour cent en Piémont, et à quatre pour cent en Savoie, elle autorisait le juif, prêteur sur gages, à exiger dix. huit pour cent.

Dans la vallée de Luzène (province de Pi. gnerol), l'on tolérait des protestans connus sous le non de Vaudois ou Barbets. Mais l'acquisition d'immeubles leur était interdite audelà de certaines limites.

L'inquisition avait, en Piémont, plusieurs tribunaux. Ils étaient sous la surveillance du gouvernement. Le bras séculier ne leur était accordé qu'en grande connaissance'de cause; et depuis le procès suscité au célebre historien de Naples, Giannono (la seule tache, peut être, qui ait obscurci le beau et mémorable règne conservateur de Charles-Emmanuel III), à peine s'apercevait-on, en Piémont, qu'il exis tåt une inquisition.

Et, bien que les principes ultramontains fus sent les seuls que l'on professȧt ostensiblement dans la partie des États sardes au-delà des monts, il s'en faut beaucoup qu'on les suivît à la rigueur dans la pratique.

D'abord, aucune provision émanée de la cour de Rome, ne pouvait être exécutée sans la permission du sénat, sur les conclusions du ministère public.

peu

Ensuite, et quoique les évêques eussent des tribunaux, leur juridiction se trouvait à près restreinte aux affaires personnelles intentées contre les ecclésiastiques, et aux contestations sur le lien du mariage et sur les séparations de corps.

C'est le sénat qui connaissait du possesoire en matière bénéficiale et ecclésiastique.

IV. Occupons-nous maintenant des lois domaniales et féodales.

Le domaine de la couronne se composait, en Piémont, des biens et des droits incorpo

rés au domaine d'une manière expresse ou tacite.

L'incorporation tacite résultait, ou de l'acquisition faite par le prince au profit du domaine, ou de leur administration pendant dix ans, conjointement avec les autres biens do. maniaux. Tous les autres biens et droits étaient censés appartenir au patrimoine particulier du prince.

Cette distinction, énoncée en termes formels dans les constitutions piémontaises, est importante pour apprécier la validité des aliénations faites avant les constitutions de 1722, publiées par le roi Victor-Amédée Ier Mais l'utilité en est moindre depuis la déclaration faite par ce roi, et maintenue par ses successeurs, que tous les biens dont le souverain ayant la liberté d'en disposer, n'aurait pas disposé en effet pendant sa vie, seraient, par cela seul, réputés domaniaux ; d'où il résulte que, si la question se présentait maintenant, la distinction ne serait applicable qu'aux aliénations faites par le dernier roi, de droits ou biens qu'il eût acquis lui-même, sans incorporation au domaine. J'ai lieu de croire qu'il n'en existe aucune de ce genre.

En général, on peut tenir pour constant que le domaine se composait de la juridiction pleine et entière des impôts, des fleuves, rivières et torrens, des minières, du droit de retour des fiefs par l'extinction des lignes qui y étaient appelées, et de tous les autres biens ou droits quelconques, dont le roi se trouvait en possession à son avènement à la cou

ronne.

Mais, quant au droit de retour des fiefs, l'art. 6 du tit. 2 du liv. 6 des constitutions piémontaises, contenait la disposition suivante : Réservons à notre libre disposition et à celle de nos royaux successeurs les fiefs qui tomberont en dévolu, soit pour crime de lèse-majesté ou de félonie, soit par délit commun, ou qui deviendront caducs par l'inobservance des obligations du vasselage.

Le duc Louis est le premier qui établit, en Piémont, par son édit du 22 avril 1445, l'inaliénabilité du domaine. Exemplo, y est-il dit, vicinorum regnantium, et maximè serenissimi principis domini Francorum regis, quorum donationes ex re quavis sui patrimonii vitam non prætereunt donatarii, neque vim dignoscuntur habere, donatario defuncto ; il déclare quod nunquàm nos vel aliquis suc cessorum nostrorum de genere nostro Sabaudiæ ac Arno, cuiquam personæ extrá ipsum nostrum genus per rectam lineam masculinam descendens, alicui titulo cujuscumque liberalitatis vel donationis simplicis et pu

ræ, vel ob causam inter vivos, aut causá mortis vitam donatarii excedentis, largie. mur, donabimus, dabimus vel aliqualiter alienabimus, etiam sub quovis exquisito colore, aliquid de civitatibus, castris, oppidis, villis, terris, hominibus, homagiis, feudis, retrofeudis, sive jurisdictionis nostræ, nostrorumque successorum, dominationis præsentis et futuræ ; le tout, à peine de nullité.

Cette loi a été confirmée et expliquée par les ducs Amédée, par le duc Charles II, par la duchesse Blanche, par les ducs Philibert, Charles III, et Charles Emmanuel Ier., et par le roi Victor Amédée Ier., dans leurs édits du 10 décembre 1470, du 23 novembre 1484, du 8 mars et du 15 avril 1490, du 21 août 1509, du 12 janvier 1624 et du 20 janvier 1720.

Il est même à remarquer que l'édit de 1484 est motive par ces mots : ad preces et supplicationem humilem statuum patriæ nos

træ.

Mais il importe de rendre un compte plus étendu de l'édit de 1720, qui a fixé les principes de la matière, et dont les constitutions de 1770 ont conservé les dispositions.

Elles peuvent se réduire à deux chefs principaux.

10. Les portions d'impôts ou d'autres rentes dues à l'État, aliénées ou hypothéquées à quelque titre que ce soit, même oné

reux.

Le roi les révoque, et les réunit au domaine indistinctement, a l'exception de ce qui a été concédé à titre d'apanage aux princes du sang, de la dette publique affectée sur les monti de Turin et de Coni, et enfin de ce qui avait été aliéné en vertu d'édits et pour des causes d'utilité publique, ou nécessaires pour le bien de la couronne. Il se réserve néanmoins le droit de rachat sur les choses comprises dans cette dernière exception.

La réunion des choses non exceptées est ordonnée, quand bien même l'alienation aurait été faite à titre de transaction, quand bien même la concession aurait été entérinée librement par la chambre des comptes, et sans que l'on puisse opposer la prescription, même im

memoriale.

Néanmoins, et à l'égard des aliénations faites à titre onéreux, le roi accorde une indemnité à ceux qui prouveraient évidemment que la cession ou vente a été motivée par quelque nécessité urgente, ou utilité évidente, et que le prix déboursé par l'acquéreur a réellement été employé au profit de la couronne, et pour les causes ci-dessus énoncées.

L'indemnité leur sera payée, ou moyennant la restitution des deniers ainsi employés, ou par l'assignation des intérêts à quatre pour'cent jusqu'au paiement du capital.

2o. Les aliénations faites à titre de fief. Le roi ne les réunit pas de plein droit à son domaine; mais il ordonne à son procureur gé néral d'assigner devant la chambre des comptes tous les possesseurs, pour qu'ils produisent leurs titres, et de demander la réunion de tous les fiefs dont l'aliénation aurait eu lieu en con. travention aux édits du domaine.

Cet édit a été exécuté avec la plus grande sévérité; et s'il existe encore des objets qui aient échappé à la vigilance des procureurs généraux, ils doivent être en bien petit nombre.

Voici les développemens donnés aux lois domaniales par les constitutions de 1730 et de 1770.

10. Avant ces lois, il était de principe que le prince pouvait disposer librement des fiefs dévolus par l'extinction des lignes appelées.

Mais les lois nouvelles les déclarent domaniaux ; ce qui doit s'entendre, comme la cham. bre des comptes l'a toujours entendu,des aliénations postérieures à ces lois.

20. Elles déclarent nulles les concessions des fiefs dont la dévolution est imminente, parcequ'il n'y a personne qui puisse y succéder après le possesseur, comme encore toute impropriation des mêmes fiefs, ou vocation des personnes auxquelles ils ne doivent pas parvenir en vertu de l'investiture primordiale. Cette disposition doit s'étendre même aux cas antérieurs à ces lois.

30. Elles exceptent toutes les aliénations ou inféodations qui pourraient se faire pour une urgente nécessité, ou une utilité évidentê de la couronne comme pour la défense et conservation ou augmentation des états, ou pour échanger ou racheter d'autres biens domaniaux, comme encore les concessions limitées à un certain temps, et faites à titre de récompense de quelque service considé rable, rendu aux personnes royales, ou à la couronne, pourvu qu'elles n'excède pas la vie du donataire. Cet article n'est pas nou

veau.

4o. Dans les cas où l'aliénation est permise, le prix pour lequel elle aura été faite, doit être payé en deniers comptans en la trésorerie, et on ne regardera point comme légitime tout autre paiement fait de quelque manière que ce puisse être, même entre les mains du prince ou de ses successeurs. Cet article a tempéré, pour les cas à venir, la rigueur de l'ancienne jurisprudence, d'après laquelle il

ne suffisait pas que le prix eût été versé dans la trésorerie, mais il fallait encore en constater l'emploi. Il est important, à ce sujet, de remarquer que cette rigueur n'était observée qu'à l'égard des alienations particulières qui n'avaient pas été précédées par un édit dument entériné. Car, lorsque, dans les nécessités de l'État, une loi autorisait des aliénations et en prescrivait le mode, elle indiquait le lieu du paiement. Ainsi, lorsque l'acheteur s'y était conforme, il se trouvait dispense de suivre l'emploi des deniers; il était à l'abri de toute recherche, tant avant qu'après les constitutions de 1730 et 1770.

5o. Toutes les aliénations ou concessions doivent être présentées à la chambre des comptes dans le délai de trois mois, à peine de nullité, pour être entérinées, ouï le procureur général. Si la chambre reconnaît que l'aliénation viole les lois domaniales, ou qu'elle est lésive ou préjudiciable au patrimoine royal, elle ne doit pas l'entériner, elle doit faire ses représentations et résister. Cette disposi tion n'est que la confirmation d'une loi d'Emmanuel-Philibert, du 2 mai 1578. C'est en vertu de cette loi que la chambre des comptes a été créée et organisée. Il est cependant à re marquer que le simple enterinement de la chambre des comptes ne suffisait point pour fermer l'accès aux poursuites du procureur gé néral, à moins que la chambre n'eût rendu un arrêt contradictoire sur la validité ou la nullité.

6o. Tout ce qui aura été validement démembré du domaine, sera sujet au rachat: ce droit sera censé réservé au prince à perpétuité, sans qu'il puisse jamais étre prescrit par aucun laps de temps, méme immémorial; et le procureur général pourra toujours l'exercer, en restituant le prix qu'il constera avoir été légitimement payé. Cette disposition remonte à la loi de 1720, et il paraît que, d'après l'intention du législateur, et l'interpretation de la chambre des comptes, elle doit frapper toutes les aliénations antérieu

res.

70. Le rachat n'aura cependant pas lieu à l'égard des fiefs, à moins qu'il ne s'agit de ceux qui, par quelque titre ou par quelque usage légitimement établi, y doivent être sujets. L'on pourra renoncer au rachat dans les alienations de maisons, batimens, biens et autres effets qui seront vendus en alleu pour une urgente nécessité ou évidente utilité de la couronne. Quoique ces expressions ne se rencontrent que dans les constitutions de 1770, l'on voit cependant qu'elles sont le résultat des distinctions adoptées par l'édit de 1720,

[blocks in formation]

Les minières, ainsi qu'il a été remarqué cidevant, étaient au nombre des droits régaliens ; et l'on présumait que le prince les avait retenues dans son domaine, même dans les terres inféodées, lorsque l'investiture n'en faisait pas mention expresse. Cependant il était permis à qui que ce fût, de rechercher des minieres dans tous les fonds, en indemnisant le propriétaire des dommages causés par ces recherches. Mais avant que de les exploiter,l'inventeur devait notifier sa découverte et la justifier devant la chambre des comptes., Le prince, dans ses terres immédiates, et les seigneurs investis des minières dans les lieux inféodés, étaient préférés à l'inventeur, s'ils optaient d'exploiter eux-mêmes. A défaut du prince et du seigneur, cette préférence était accordée au propriétaire du fonds; mais dans tous les cas où la préférence avait lieu, celui qui l'obtenait, était tenu de payer à l'inventeur une récompense arbitrée par la chambre des comptes. Celui qui obtenait la permission d'exploiter des minières, payait au souverain ou au seigneur feodal le dixième de l'or et de l'argent, le quinzième du cuivre et de l'étaim, et le vingtième du plomb et de tous les autres minéraux, à titre de seigneuriage, et sans prélever les frais d'exploitation.

On a vu plus haut que l'édit de 1445 est la première loi positive qui ait été publiée en Piémont sur l'inalienabilité du domaine ; et comme les termes dans lesquels il est conçu, ne frappent que sur l'avenir, il en résulte ( et c'était la jurisprudence constante de la chambre des comptes de Turin) que les aliénations antérieures sont inattaquables; mais la preuve de cette antériorité est à la charge du possesseur, et il doit la fournir par titres.

Mais il importe encore d'observer que, depuis 1445, la maison de Savoie a réuni à ses états des provinces qui appartenaient alors à d'autres souverains. Les alienations faites par ceux-ci, antérieurement à la réunion, doivent être appréciées d'après les lois particulières qui y étaient en vigueur.

Voici les provinces dont il s'agit :

1o. Le comté d'Asti et le marquisat de Céva. Ils ont formé une république jusqu'en 1379, époque où ils passerent sons la domination du souverain de Milan. Le duc Jean Galéas les donna à Valentine, sa fille, par acte du 27 janvier 1386, en faveur de son mariage avec Louis, frère de Charles VI, roi de France. Dès-lors, ils devinrent le patrimoine des ducs

« PreviousContinue »