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n'avait pas eu le produit des emprunts. Le système suivi paraissait être celui-ci : emprunter une somme dépassant les besoins prévus, et faire servir le surplus de l'emprunt, soit à équilibrer le budget, soit à payer des travaux extraordinaires. Voilà comment il se faisait que la dette qui ne s'élevait qu'à 176 millions de rentes actives en 1847, s'élevait aujourd'hui à 315 millions, et comment les huit dernières années comptaient dans ce chiffre pour plus de 84 millions de rentes perpétuelles. On avait dépensé, pour les guerres de Crimée et d'Italie, 2 milliards 58 millions, et emprunté 100 millions à la Banque, 116 étaient dus à la Dotation de l'armée, c'est à-dire 2,280 millions absorbés en dehors des ressources ordinaires. Ajoutait-on aux rentes portées et représentant la dette publique, la dette viagère, les rentes inscrites pour canaux et dettes à divers titres et les dotations, on arrivait à 614 millions à payer avant de rien consacrer aux autres départements ministériels. Enfin, si l'on faisait le compte des sommes dues ou promises depuis l'année dernière, on trouvait les chiffres suivants: 50 millions à la ville de Paris, 150 millions pour la part de la France dans la dette piémontaise, 40 millions votés pour l'industrie, 40 millions dus à la Banque, 81 millions dus pour travaux publics, 10 millions pour le reboisement, 250 millions environ pour les chemins de fer.

de découverts.

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En perspective: 661 millions

Quant au budget de 1862, lequel se soldait en équilibre sans qu'il ait été nécessaire de recourir à un emprnnt ou à de nouveaux impóts, il empruntait, selon l'orateur, 127 millions à l'amortissement, 25 millions à l'impôt nouveau sur l'alcool, 37 millions à la surtaxe sur le tabac, et 40 millions au double décime. Sans ces ressources, qu'on pouvait qualifier d'extraordinaires, au lieu d'un excédant de 11 millions, le déficit serait « d'au moins 230 millions. » Avec le système actuel, disait-on, le vœu formulé par toutes les Commissions, de voir disparaître les crédits extraordinaires, recevait une complète satisfaction. « La faculté des virements (paroles du Ministre des finances, en 1852), supprimera la presque totalité des annulations de crédit. Il faut que, par contre, elle supprime de même, la presque totalité des crédits extraordinaires. » Déclaration souvent répétée

par les membres qui se sont succédé. Que s'était-il passé néanmoins? Tous les ans, on avait présenté, sous le nom de crédits supplémentaires extraordinaires, un véritable budget-annexe, et l'on ne paraissait pas disposé à s'arrêter dans cette voie. Dans les sept anuées de 1852 à 1859: 2 milliards 622 millions de crédits supplémentaires, 256 millions de crédits annulés; différence : 2 milliards 365 millions; moyenne annuelle : 336 millions. On avait cru, au moyen du vote du budget par ministère, et la faculté du virement, prévenir les froissements, entre la Chambre et l'Administration. Or, jamais, à en croire M. Darimon, ces froissements n'auraient été plus fréquents. Pour les faire cesser, on avait réduit la faculté de virement à ses limites les plus étroites, et, en lui imposant des conditions sévères, tel était l'objet du décret du 24 novembre 1860. M. Darimon concluait que le régime financier inauguré par le sénatus-consulte du 25 décembre 1852, n'avait tenu aucune de ses promesses. Les dépenses n'auraient pas été diminuées, et la dette se serait accrue. Ce n'était plus l'Assemblée qui avait envahi l'Administration, mais l'Administration qui avait envahi l'Assemblée. Après le décret du 24 novembre, cette situation était une anomalie aux yeux de l'orateur. D'ailleurs, le droit d'amendement, tel qu'on l'avait avant le décret du 25 décembre 1852, ne laissait guère concevoir qu'on pût conserver le vote du budget par ministère. Le Conseil d'Etat repoussait-il les amendements du Corps législatif, celui-ci pouvait rejeter un article, et proposer de nouveaux amendements. Ce n'était pas là l'idéal du droit d'amendement, mais la dignité de la Chambre était sauve. S'agissait-il au contraire du budget, les choses n'étaient plus les mêmes, et les concessions faites par le décret du 24 novembre n'étaient plus applicables, et l'on rentrait sous le régime de l'ancien réglement, ou plutôt, l'ancien réglement étant abrogé, il était difficile de dire à quelles règles on se trouvait soumis. Etait-on en présence du budget d'un ministère, on n'avait pas la ressource d'en détacher un chapitre ou un article pour le rejeter. Présenté en bloc, le ministère devait être rejeté ou voté en bloc. Selon l'orateur, c'était une dérogation à la règle nouvelle, et le décret du 24 novembre appelait un complément en ce qui concernait l'impôt.

Après M. Darimon, M. Emile Ollivier déclara simplement, que dans l'amendement, ses auteurs renonçaient à demander le vote du budget par articles, et que l'on s'en tenait au vote par chapitre.

Observation de M. le Président : « Alors l'amendement développé par M. Darimon devient le même que celui proposé par M. Devinck,» puis rejet dudit amendement. Restait le dernier amendement ainsi conçu : « L'attribution la plus essentielle du Corps législatif est celle du vote de l'impôt; l'impôt est la conséquence de la fixation de la dépense. Vous nous avez demandé la vérité, Sire, nous ne répondrions pas à votre confiance, si nous ne vous faisions pas connaître que le vote du budget par ministère est une entrave à notre liberté d'action pour le vote de l'impôt. Votre Majesté nous donnerait cette liberté et compléteterait l'œuvre libérale de son décret du 24 novembre, en rendant au Corps législatif le droit de voter le budget par chapitre, ainsi qu'il l'exerçait antérieurement au sénatus-consulte du 25 décembre 1852.

M. Devinck prit la parole sur le paragraphe 11. - Dans sa pensée, ce paragraphe et le suivant, ne traduisaient pas exactement l'opinion de la Chambre. Pour le démontrer, il présenta quelques considérations sur la situation financière. Il trouvait que cette situation n'était pas ce qu'elle devait être, et ce, par suite de causes différentes : la première, l'insuffisance de documents financiers. Prenant pour exemple l'Exposé de la situation de l'Empire, l'orateur rechercha le résultat de l'exercice 1860. On y trouve, disait-il, que les recettes de l'exercice 1860 ont éprouvé un préjudice de 90 millions, par suite de nos réformes économiques, et, en regard de ces 90 millions et comme compensation, le Gouvernement présente une somme de 99 millions. Or, en rapprochant les deux sommes, il y avait donc une différence de 9 millions.

Autre remarque: Le discours de la Couronne énonçait que les réformes économiques s'opéreraient au moyen d'un sacrifice de 90 millions sur les ressources annuelles, et sans recourir ni au crédit public, ni à de nouveaux impôts. L'orateur pensait que le sacrifice se monterait à une somme plus importante,

puisque, dans l'exercice 1860, les 90 millions n'étaient applicables qu'à sept mois d'exercice. Quant aux impôts nouveaux, il n'y en avait pas de nouveaux, mais on avait surtaxé de 50 0/0 les alcools, et de 25 0/0 les tabacs.

Venaient les dépenses : « La guerre de Chine, l'expédition de Syrie, l'accroissement de notre effectif à Rome, l'annexion de la Savoie, occasionneront, dit l'Exposé, un surcroît de dépenses, qui se trouveront compensées, du moins en partie, par l'indemnité chinoise et par des annulations de crédits qui viendront en fin d'exercice, époque à laquelle nous pourrons en donner une connaissance plus exacte. >>

Aux yeux de M. Devinck, ces renseignements étaient insuffisants. A la vérité, si, quant aux recettes, au 31 décembre, fin de l'exercice, le total de la recette est parfaitement constaté; il n'en est pas de même, quant aux dépenses; les ordonnancements, les liquidations pouvant encore s'opérer durant les six mois suivant l'exercice. Mais le Gouvernement est à même, suivant l'orateur, de donner l'état des annulations de crédits, puisqu'il sait à quoi s'en tenir. Donc, insuffisance de renseignements, et de plus, il y avait à critiquer la manière dont ces renseignements étaient produits. En preuve, l'orateur citait encore l'Exposé de la situation de l'Empire pour 1860; aux termes d'un paragraphe, le chiffre de la dette flottante se trouvait réduit à 750 millions, et celui des bons du Trésor, à 100 millions. Quelque temps après, Note du Moniteur portant que le chiffre de ces bons était de 75 millions. Et le public n'avait pas compris. Après ces considérations, M. Devinck abordait ce qu'il appelait la conduite financière. Il y trouvait de la contradiction et une sorte de mobilité. Voici sur quels faits il établissait cette appréciation : En janvier 1852, promulgation de la Constitution nouvelle; mars, même année, promulgation du décret organique des attributions du Corps législatif, parmi lesquelles le vote du budget par chapitre. Or, le 25 décembre précédent, un sénatus-consulte avait retiré au Corps législatif, le vote par chapitre, pour ne lui laisser que le vote par ministère, et en même temps le Gouvernement obtenait la faculté de virement, parce qu'il avait déclaré que cette faculté ferait disparaître la presque totalité des crédits

supplémentaires. « Cependant, faisait observer l'orateur, ces crédits se sont renouvelés d'une manière progressive, malgré les réclamations réitérées des Commissions de la Chambre. » Vers la même époque, le Gouvernement avait déclaré vouloir l'équilibre réel des budgets, mais il n'avait fait disparaître les découverts, que par l'application à des dépenses ordinaires, des portions de fonds d'emprunt, ayant eu dans l'origine une autre destination: celle des besoins de la guerre. On s'était adressé au crédit public qui avait répondu avec un merveilleux empressement. Ainsi avait-on emprunté, près de deux milliards, mais à un taux d'intérêt relativement peu modéré. Puis avait été voté le décime provisoire qui subsistait encore. Enfin, la taxe sur les valeurs mobilières qui n'avait produit que la moitié des prévisions conçues. Vint le traité de commerce qui nécessita des réductions et des suppressions de droits et une surtaxe de 50 p. 0/0 sur les alcools, d'après les calculs présentés alors par le Gouvernement, mais non réalisés, par suite, élévation du prix des tabacs jusqu'à concurrence de 25 p. 0/0, et modification, par décrets successifs, des tarifs sur les matières premières et sur les produits fabriqués. Enfin, l'amortissement avait été rétabli, mais presque immédiatement suspendu. De là inaction dans les capitaux d'ailleurs abondants en France. Que faire alors? « ralentir les mouvements trop précipités qui font marcher plus vite que les faits eux-mêmes, et trop souvent disposer des ressources non encore disponibles. >>

En résumé, selon l'honorable orateur, il y avait dans la conduite financière du Gouvernement une mobilité qui avait imprimé à notre existence, au point de vue du commerce et des finances, un état d'incertitude presque permanent. A son sens le sénatus-consulte du 25 décembre 1852 n'avait pas répondu aux intentions de ses auteurs. Et il en jugeait nécessaire la prompte modification. Qu'avait voulu le sénatus-consulte ? Il avait reconnu que le vote du budget appartenait au Corps législatif et qu'en même temps il devait avoir le vote de la dépense. Puis il avait prescrit au Gouvernement de se tenir dans le cercle des crédits votés, et pour cela il lui avait donné la faculté de virement. Mais une expérience de huit années témoignait que le sénatus-consulte

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